3.6.2021, Jean Tschopp
Mise à jour le 18.06.2024
Les maisons de recouvrement ne connaissent pas la crise. Depuis quelques années, les réclamations ont pris l’ascenseur. La crise n'y est sans doute pas étrangère. Il se passe rarement un jour sans que la FRC reçoive une dénonciation concernant les pratiques de ces sociétés.
Les sociétés de recouvrement sont autorisées, mais ce sont leurs méthodes qui posent problème. La réclamation quasi systématique de prétendus «dommages supplémentaires» en s’appuyant sur l’art. 106 CO sans aucune preuve à l’appui est devenue la norme. Les maisons de recouvrement n’hésitent pas à réclamer en plus des «frais de dossiers» et autres «frais de rappels», souvent exorbitants en regard de la créance de base. Ces frais peuvent parfois doubler ou tripler le montant de la facture initiale. Précédemment chasse gardée du secteur privé, des acteurs du service public, comme les entreprises de transports publics, n’hésitent désormais plus à passer par des maisons de recouvrement.
Le rouleau compresseur
La loi ne prévoit pas de délai de paiement. Une enseigne peut par conséquent, au gré de ses conditions générales, très rapidement passer par une maison de recouvrement en cas de retard de paiement. Ladite maison de recouvrement ne se gênera pas pour réclamer des frais supplémentaires souvent indus. En quelques jours, les e-mails ou lettres de rappels se multiplient, gonflant très rapidement ces frais. Le consommateur captif panique souvent et finit par payer pour avoir la paix, sans savoir si la société de recouvrement est en droit de réclamer ces montants.
De prétendues factures pour d’anciens séjours à l’étranger
Un autre mode opératoire problématique est apparu depuis quelques années chez les maisons de recouvrement : de prétendues amendes d’ordre pour infraction routière ressurgissent plusieurs années après des séjours de particuliers à l’étranger. Des cabinets d’avocat étrangers s’associent à des maisons de recouvrement suisses pour réclamer des montants la plupart du temps infondés, prescrits, sans aucune preuve et de manière totalement illégale. Le recouvrement de ces amendes d’ordre doit en principe passer par des collectivités publiques ou des autorités étatiques. Les maisons de recouvrement ne peuvent pas mettre le débiteur aux poursuites pour ces amendes. Si elles le font quand même, leurs agissements peuvent être constitutifs de poursuite pénale pour «actes exécutés sans droit pour un Etat étranger» (art. 271 du Code pénal suisse). En cas de doute, vérifiez attentivement la validité de la facture et notamment la question de la prescription. Même si une maison de recouvrement ne peut vous mettre aux poursuites, une amende sanctionnant une violation des règles de la circulation routière est due. S’agissant des intérêts moratoires et d’éventuels frais de rappel, ces frais ne peuvent vous être facturés qu’à partir du moment où la décision des autorités étrangères vous a été valablement notifiée. En cas de non-paiement, les autorités du pays concerné pourraient vous facturer d’anciennes amendes et d’éventuels frais de rappel en cas de nouveau séjour à l’étranger.
Comment réagir ?
Nos conseils pratiques
- Vérifier rapidement si la facture est fondée. Ai-je vraiment conclu un contrat? Est-ce que ce montant est encore dû ou est-ce qu’il est prescrit? (prescription de 5 ans pour une prestation périodique, p. ex. facture d’un opérateur, d’un avocat ou d’un médecin, ou de 10 ans pour une autre prestation).
- Ne payer que ce qui est dû et garder la trace de ce paiement:
- la créance de base
- les intérêts moratoires de 5% l’an
- une peine conventionnelle (clause pénale) uniquement si elle est prévue dans les conditions générales, qui permet de facturer jusqu’à 10% maximum de la facture de base
- Contester par écrit ce qui n’est pas dû:
- les prétendus «dommages supplémentaires»: le fait d’être en retard de paiement n’est pas en soi un «dommage supplémentaire», le fardeau de la preuve incombe à la maison de recouvrement.
- les frais de rappel ou de dossier: en l’absence de contrat entre le client et la maison de recouvrement, cette dernière ne peut pas réclamer des montants au demeurant exorbitants et souvent disproportionnés sans base contractuelle, sauf si l’enseigne a fixé ces montants dans les conditions générales.
- la mise aux poursuites n’est possible que si la maison de recouvrement rachète la créance de l’enseigne (du créancier). Dans ce cas, les frais de représentation de la maison de recouvrement ne peuvent pas être mise à votre charge (art. 27 al. 2 LP).
- Dénoncer ces cas à la FRC et demander de l’aide: chaque cas dénoncé à la FRC permet de montrer l’étendue des abus ; par ailleurs, nous renseignons nos membres quotidiennement par téléphone ou par écrit sur les bons moyens de réagir.
Notifier un commandement de payer portant sur une somme élevée ou menacer une personne d’ouvrir une action judiciaire pour faire pression sur elle afin d’obtenir le paiement de créances inexistantes ou non exécutables est susceptible de constituer le délit de contrainte (art. 181 du Code pénal suisse).
Voir aussi les conseils de Me Grégoire Geissbühler, auteur d’une thèse sur les maisons de recouvrement, de Me Sébastien Fanti, spécialiste en matière de protection des données sur les fichiers de solvabilité, et de la FRC lors de l’émission de la RTS A Bon Entendeur du 20.04.2021.
Des alternatives pour les enseignes
Les enseignes sont libres d’internaliser ou d’externaliser le recouvrement de leurs créances. Si le recouvrement est internalisé, il faut rappeler que l’Etat est là pour prendre le relai très rapidement. Les procédures sont simples. Un extrait de registre du débiteur obtenu via l’Office des poursuites permet pour moins de CHF 20.- de savoir s’il est solvable et s’il vaut la peine d’engager une procédure. Une réquisition de poursuite peut être remplie en quelques clics en ligne. Au besoin, dans des cas plus complexes, il est possible dans certains cantons de passer par des agents d’affaires brevetés.
La FRC agit
La Suisse est l’un des rares pays à ne prévoir aucune surveillance ni encadrement des maisons de recouvrement. Sur le plan politique et par l’intermédiaire de sa Secrétaire générale, Sophie Michaud Gigon, Conseillère nationale, la FRC demande un meilleur encadrement des pratiques des maisons de recouvrement. Plusieurs motions parlementaires ont été déposées dans ce sens. La FRC poursuit son travail d’information, y compris auprès des membres du Parlement, pour obtenir une meilleure protection des consommatrices et consommateurs face aux abus des maisons de recouvrement.