1.3.2016, Sandra Imsand et Lionel Cretegny / Une application dédiée aux seniors? Gratuite mais pas forcément adaptée - Shutterstock.com
Touches adaptées, bouton d’alarme et utilisation simplifiée: ces produits ont tout pour plaire. Mais les vendeurs les connaissent mal.
La téléphonie mobile pour seniors est un marché en pleine croissance. Preuve en est l’éventail des produits dédiés disponibles dans le commerce. Depuis peu, des smartphones spécifiques ont aussi fait leur apparition: l’offre est nouvelle et le marché prometteur, puisque 9,2% des 65 ans et plus utilisent déjà un téléphone portable pour accéder à internet, selon l’Office fédéral de la statistique. Les vendeurs feraient bien de s’en souvenir, eux qui n’ont pas brillé par leurs conseils dans notre enquête…
Nous avons mis 12 modèles dans les mains de neuf personnes âgées de 60 à 78 ans. Deux d’entre elles utilisent des aides auditives, et la majorité porte des lunettes. Tous devaient accomplir 19 tâches distinctes. La qualité des appels a également été mesurée en milieu calme puis bruyant.
Des fonctionnalités intéressantes
Le grand gagnant du test est l’Emporia Smart, un appareil de type smartphone présentant plusieurs fonctionnalités intéressantes pour cette tranche d’âge. Il est équipé d’un clavier détachable et d’un stylet pour faciliter la précision et la manipulation. Gros avantage: une application intégrée bien pensée permet de s’entraîner à l’utilisation. Côté technique, le téléphone est moyen, lent. Autre inconvénient, il est le seul à ne pas avoir réussi le test de durabilité (résistance aux chutes, à l’eau et aux rayures). Malgré ces défauts, il reste le mieux classé. Et ce en dépit de son prix.
Juste derrière figurent deux appareils de la marque Doro: le PhoneEasy 612 et le PhoneEasy 518. Le premier est un modèle à clapet particulièrement adapté aux malentendants grâce à ses possibilités de connexion. Autre atout, il se configure à distance grâce à des commandes envoyées par SMS. Il talonne le premier de classe et décroche le Choix de la rédaction, grâce à son prix.
Ecran mal adapté et touches décalées
Tout en bas du classement se trouve le PowerTel M9000 d’Amplicomms, un des plus chers de notre échantillon. Preuve que prix et qualité ne vont pas toujours de pair. Avec lui, nos seniors ont connu de grosses difficultés d’utilisation. En cause, un écran mal adapté et des touches décalées. Il faut en effet taper sur les touches voisines pour obtenir la lettre désirée. Saisir un message ou un mot de passe devient mission impossible. Sans parler de l’absence d’écouteurs, de la mauvaise lisibilité de l’écran et de la performance moyenne de la caméra. A déconseiller donc.
Dans un tout autre registre, il existe des applications transformant un smartphone standard fonctionnant sous Android en téléphone pour seniors. Une bonne idée… a priori. Ces solutions proposent de grandes icônes, parfaites pour des appels ou autres fonctions de base. Cependant, une configuration fait retomber sur les menus de base du système Android. De plus, l’option d’appel d’urgence manque. Ces applications ont beau être gratuites, elles ne peuvent pas être recommandées.
Vendeurs: encore un effort
Ce n’est pas tout d’avoir le choix, reste à être bien orienté. A cette fin, une dizaine de clients mystères ont écumé les points de vente romands. Ces seniors avaient pour mission d’évaluer aussi bien l’assortiment qu’on leur proposait que la qualité de la prise en charge. Si certains vendeurs ont fait preuve de beaucoup d’empathie et se sont visiblement démenés pour satisfaire leurs requêtes, l’écrasante majorité n’avaient visiblement aucune idée ni des besoins spécifiques liés à cette tranche d’âge ni du fonctionnement des appareils. Ainsi, un vendeur a même découvert le mode d’emploi en même temps que son client potentiel. «Les problématiques propres aux seniors ne sont visiblement pas leur priorité», commente l’enquêtrice valaisanne. Un constat malheureusement partagé: dans de nombreux points de vente, aucun modèle n’était exposé ou mis en avant. Il a parfois fallu aller chercher les appareils dans le stock, toujours emballés dans un carton.
Bizarrement, nos enquêteurs se sont régulièrement vu recommander l’achat d’un iPhone, même si l’appareil n’est pas forcément adapté pour eux. «Après 15 minutes d’attente, le jeune homme m’a fait comprendre qu’il n’avait pas de temps à perdre, puisqu’il m’a aiguillée vers la concurrence. Il m’a clairement dit qu’il n’y avait pas de smartphone pour personnes âgées et que j’avais intérêt à acheter un iPhone», explique notre enquêtrice, déçue de son expérience dans un point de vente lausannois. Cette sémillante testeuse neuchâteloise, qui n’éprouve pas de difficulté particulière, résume bien l’impression générale qui découle de ces visites sur le terrain: «J’espère ne jamais devoir faire ce genre d’achat, vu le peu d’attention portée à ce genre d’appareils.» Les commerçants ont encore bien du pain sur la planche.