9.5.2023, Aude Haenni - Photo: Shutterstock
Cette céréale possède un potentiel considérable face aux changements climatiques, selon l’ONU. Sur nos terres, millet et sorgho se font encore rares, alors que leurs bienfaits nutritifs sont évidents. Découverte.
Le millet est une céréale un peu sèche: pensez à l’accompagner d’une sauce. Et s’il est mal cuit, cela fait de la papètche!» C’est donc avec attention – et un soupçon d’inquiétude – que nous l’avons cuisiné, en suivant les recommandations de Geneviève Robert, agricultrice passionnée des Graines de l’Ami Luron, à Montmollin (NE). Mais pourquoi diable du millet au lieu des habituelles pâtes et riz comme accompagnements? L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a déclaré 2023 l’Année internationale du mil; et à la FRC, nous sommes curieux!
Curieux, le binôme des Graines de l’Ami Luron l’est aussi. Depuis huit ans, les Neuchâtelois travaillent en agriculture de régénération, faisant tourner différentes céréales, légumineuses, pseudo-céréales et espèces de plantes, telles que quinoa, sarrasin, lentille, lin, pois chiche… et millet. «Il est arrivé sur notre domaine en 2018 pour différentes raisons, raconte l’agricultrice. Bien qu’elle vienne d’Asie au départ puis qu’elle ait été domestiquée en Afrique, c’est une plante endémique. C’est important pour nous.» Sans gluten, elle est idéale pour les cœliaques. Ajouté à cela ses nombreuses qualités nutritives, «elle est super intéressante à cuisiner en salé ou en sucré».
Surtout, agronomiquement parlant, le millet est peu gourmand en eau et pousse facilement, tout en restant en santé. «Malgré les aléas, il nous apporte quelque chose à manger, contrairement au maïs, où l’on peut perdre la récolte.» À Coinsins (VD), on abonde. «Ici, sur La Côte, on arrive même à le faire pousser en deuxième culture, se réjouit Francis Jaggi de la ferme du même nom. Il concurrence les mauvaises herbes, n’a ni ravageur ni maladie fongique. C’est l’idéal, surtout lorsqu’on parle de résilience alimentaire!»
Pourtant, la commercialisation est à la peine. «En vente directe à la ferme, il y a de la demande, car il est sans gluten, explique le Vaudois. On en propose aussi dans des épiceries locales bio, mais le marché a clairement une limite.» La céréale ne semble pas simple à vendre, selon Geneviève Robert. «Les gens ont l’habitude du neutre avec le blé… Et c’est bien dommage. On nous demande de la biodiversité dans les champs, mais ce serait bien qu’il y en ait dans l’assiette! Alors nous, on continue de la faire connaître, de proposer des recettes…»
Chez Dicifood, petite entreprise de Cottens (VD) qui promeut les produits agricoles locaux, la démarche, c’est de tester. De varier avec une large gamme. Et même si la société en vend moins que le quinoa, le maïs, les lentilles ou le boulgour, c’est tout naturellement qu’elle a ajouté le millet à sa liste, ainsi qu’une autre céréale appartenant à la famille du mil: le sorgho. «Résistants à la sécheresse, ces deux-là sont dans l’air du temps! Mais on s’est posé la question avant de se lancer concernant le sorgho, car il n’est pas très connu par ici.»
Une céréale d’avenir
Au printemps 2020, Caroline Cuennet et Alexandre Destral, du Domaine Le Pontet à Gingins (VD), alors en chemin pour un salon d’agriculture bio, découvrent des champs inconnus en France. «On a ensuite acheté des graines de sorgho au salon. On a goûté, on a aimé. Lorsqu’on s’est retrouvés avec un champ vide, on y a repensé.» Accompagnés d’un grainier, d’un employé africain qui avait le savoir-faire de son pays et d’une personne pour régler la moissonneuse-batteuse pour la récolte, les agriculteurs ont relevé le défi avec, comme résultat, un magnifique champ malgré une année chaude et sèche. «Au vu de son mode de culture, c’est clairement une céréale d’avenir, garantie sans traitement ni ravageur.» Outre l’alimentation humaine, la graminée peut également servir de fourrage au bétail. La cultiver est une option très intéressante en période de sécheresse.
À l’image du millet, cette céréale sans gluten a, elle aussi, tout pour plaire d’un point de vue nutritif. Mais là encore, «les gens, comme les restaurateurs, n’osent pas, avoue Caroline Cuennet. Pourtant, le sorgho est doux, avec un petit côté noisette qui plaît autant en salé qu’en sucré. En grain, en salade, il reste bien compact. Dans une potée de légumes en tant que féculent, il se tient bien aussi. Concassé, comme une polenta ou en galette, on l’adore!»
Pour le fin mot de l’histoire, on pensait recuisiner du millet suisse la semaine prochaine. Mais Caroline Cuennet nous a convaincus de tenter le sorgho à la place. Et vous?