27.5.2020, Yannis Papadaniel / Gérer en virtuel le suivi d’une grossesse et d’un post-partum ? Pas une panacée! Photo: shutterstock.com
La prise en charge du post-partum révèle quelques limites concernant les interventions à distance. Explications et témoignages.
La naissance est considérée comme un événement heureux. Cela semble une telle évidence qu’on oublie parfois qu’elle peut aussi être un moment de doute, de douleur ou de déprime. Les sages-femmes sont précisément là pour s’assurer que le bonheur n’est pas contrarié, pour accompagner les difficultés et aider à les surmonter. L’épidémie du Covid-19 est venue s’immiscer dans cette relation dont chaque détail compte.
Entre le 16 mars et le 27 avril, le Conseil fédéral a suspendu toutes les consultations et toutes les interventions jugées non urgentes dans les hôpitaux comme dans les cabinets médicaux. Le travail des sages-femmes s’en est trouvé passablement limité. Durant les premières semaines du confinement, de nombreuses professionnelles ont dû faire avec, ou plutôt sans le matériel de bord pour se protéger elles-mêmes et les futures mères de la contamination.
L’indignation des sages-femmes
Il a fallu un mois avant que ne soit rendue rétroactivement possible et facturable l’intervention à distance – grâce aux outils désormais usuels de la télémédecine. Les conventions collectives passées avec les assureurs ont dû être adaptées à cet effet. Christophe Kaempf, porte-parole de Santésuisse, précise que «les assureurs ont réagi rapidement à la crise du coronavirus et mis sur pied, en étroite collaboration avec l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), des solutions pragmatiques pour de nombreux acteurs du système de santé. Ainsi, les femmes qui viennent d’avoir leur enfant peuvent, par exemple, recevoir des conseils par téléphone ou par vidéo de la part de leur physiothérapeute dans les cas urgents.»
Cette décision a suscité l’indignation des sages-femmes puisque la rémunération de cette nouvelle prestation à distance n’a été fixée qu’à la moitié du traitement ordinaire. Par ailleurs, la télémédecine révèle ici quelques limites. Fanny Perret, sage-femme indépendante et membre de l’Arcade sages-femmes, le décrit: «Heureusement qu’on avait cette mesure en début de confinement, dans l’urgence. Mais à long terme, cela reste problématique. Après l’accouchement, il y a tellement de dimensions en jeu qu’on ne peut pas tout régler en échangeant devant une caméra ou en analysant des photos peu fiables. Que faire d’ailleurs assise devant son ordinateur quand une femme se met à pleurer et qu’elle est en détresse?»
Bilan mitigé
La télémédecine est considérée comme un des outils qui renforcent les compétences des patients et leur facilitent la tâche. C’est vrai, en partie. La pandémie a même été une aubaine pour ses promoteurs les plus convaincus. Toutefois, être épaulée, imiter des gestes qu’on nous montre, être rassurée, tout ceci implique une présence physique et tolère mal une image pixélisée ou un cadrage forcément limité.
Certaines sages-femmes ont bien tenté d’accompagner à distance, en laissant notamment des balances au domicile, mais le bilan s’avère au final mitigé. Manon, maman d’un bébé d’un mois, son premier, a pu compter sur la présence régulière à ses côtés d’une sage-femme: «Je suis chanceuse. Il était important pour moi de l’avoir à mes côtés, sinon je me serais sentie comme laissée-pour-compte. Quand on a son premier enfant, on a besoin de conseils, de proximité et d’une certaine complicité.»