4.6.2019, Anne Onidi / Correctement choisi, le maquillage de maman vaut parfois mieux que celui de l’enfant. Photo: Jean-Luc Barmaverain
Fards, gloss et vernis vendus au rayon jouets respectent-ils la santé des petits? Les parents seraient en droit de l’attendre, mais ce n’est pas le cas.
L’envie de jouer au «grand» en se maquillant ou en mettant une touche d’écarlate sur les ongles débute très tôt dans la vie de l’enfant. Jadis, pour satisfaire cette curiosité, il dérobait en douce, de temps à autre, un cosmétique à maman. Aujourd’hui, s’offre à lui un marché qui lui est tout destiné. Sauf qu’étalés sur sa peau délicate, fards à paupières ou à joues, gloss et vernis à ongles sont susceptibles de provoquer des allergies. Ils peuvent aussi transmettre à l’organisme des substances indésirables, telles que des perturbateurs endocriniens et, lorsqu’ils sont appliqués sur les lèvres, faire ingérer des composés douteux.
Deux produits retirés
Suite aux résultats communiqués par la FRC, la Coop a cessé la vente, par mesure de précaution, du set de vernis Rêve de princesse de la marque Sentosphère. Franz Carl Weber en a fait de même pour la boîte de maquillage de luxe de Make it real.
Jouer au «grand» a donc ses limites. Ce sont elles que nous avons cherché à cerner en analysant des maquillages vendus au rayon jouets ou dans les enseignes pour jeune fille. Un test mené avec la participation de l’émission radio On en parle de la RTS et de l’association française Consommation Logement Cadre de vie (CLCV).
Neuf boîtes destinées aux enfants dès 3 ans étaient dans notre ligne de mire. En préambule, nous devions savoir si nous avions affaire à des jouets ou à des cosmétiques. Les deux, répond Laurence Wittner, rédactrice en chef de L’Observatoire des cosmétiques (cosmeticobs.com): «Et en tant que tels, ces produits doivent être conformes aux deux législations.» En clair, les listes d’ingrédients figurent bien sur l’emballage, comme pour n’importe quel cosmétique. Ces informations, nous les avons soumises à l’oeil critique de notre application FRC Cosmétiques, qui juge chaque substance selon l’usage qui en est fait et le public concerné.
Composés démasqués
Pour les quatre brillants à lèvres, le jugement est sans appel: tous contiennent entre une et quatre substances hautement indésirables. Leur point commun, des huiles minérales qui posent problème lorsqu’elles sont ingérées. Tous également recèlent du phenoxyethanol, un composant toxique pour le foie et déconseillé aux enfants. Aucun de ces gloss n’est donc recommandable, les pires s’avérant être les rouges à lèvres magiques de Make it real.
Seuls deux sets ont trouvé grâce aux yeux aiguisés de notre décrypteur de composition: les vernis des marques Style me up!, achetés chez Migros, et Suncoatgirl, trouvés en ligne sur un site de cosmétiques dits naturels. Nous avons néanmoins écarté les premiers, à base de solvants volatils.
Quant à nos analyses en éprouvettes (lire ci-dessous), elles ont mis en évidence dans la boîte de maquillage de luxe de Make it real des traces de BHT (perturbateur endocrinien), ainsi que de methylisothiazolinone et de methylchloroisothiazolinone (allergènes), tous absents de la liste d’ingrédients. Dans le vernis Rêve de Princesse de la marque française Sentosphère, ce sont des doses anormalement élevées de styrène (perturbateur endocrinien et cancérogène suspectés) que le laboratoire a relevées. Par mesure de précaution, Coop en a arrêté la vente sur la base de nos résultats.
Pas de libre-service
Face à pareils mauvais résultats, on est en droit de se demander si les cosmétiques pour enfant ne seraient, au fond, pas plus nocifs que ceux destinés à l’adulte. Comment l’expliquer? Selon Laurence Wittner, une des raisons pourrait tenir au statut des fabricants: «Ce sont des spécialistes du jouet, pas des cosmétiques. Pour eux, le joujou prime probablement. Ils sous-traitent donc la production de ces produits à des firmes qui ne sont sûrement pas les plus chères ni les plus compétentes.» Faut-il dès lors interdire tout maquillage aux petits? Pas forcément, car un compromis entre jeu et santé est possible. Nos fiches produits proposent à ce titre des alternatives à favoriser. La FRC conseille tout de même de respecter un principe de base: le maquillage ne doit pas être à la disposition de l’enfant en libre-service. C’est à l’adulte de le conserver et au petit de demander la permission de l’utiliser. Agir ainsi permet non seulement de veiller à la santé de l’enfant, mais aussi de mieux le préparer à l’adolescence.
Cet article est paru dans FRC Mieux choisir sous le titre «Maquillage pour enfant: jouer ne rime pas avec santé»