25.3.2013, Huma Khamis
Publié en février dernier, un rapport conjoint de l'Organisation Mondiale de la santé et du Programme des Nations-unies pour l’Environnement considère les perturbateurs endocriniens comme "une menace mondiale pour la santé humaine et l'environnement".
C’est en 1991 que le terme de perturbateur endocrinien a été utilisé pour la première fois au cours d’une congrès scientifique. Près de vingt ans plus tard, l’ONU et l’OMS publient un rapport historique sur les effets pour l’homme de l’exposition aux perturbateurs endocriniens chimiques.
Cette étude, la plus complète à ce jour dans la matière, établit un lien entre les perturbateurs endocriniens présents dans les objets du quotidien et leurs effets sur la santé et l’environnement. Anomalies morphologiques chez les garçons, puberté précoce chez les filles et mêmes troubles neurocomportementaux, ce rapport de près de 300 pages se penche également sur les effets à plus long terme comme les cancers hormono-dépendants, le diabète et l’obésité. Les auteurs s’inquiètent aussi de l’impact des perturbateurs endocriniens sur la faune. Certaines molécules ont en effet longtemps été utilisées comme pesticides ou insecticides et sont à présent dispersées dans l’environnement.
Près de 800 molécules sont reconnues coupables ou suspectées de brouiller le système de communication hormonale chez les humains ou les animaux: les perturbateurs endocriniens interfèrent avec les récepteurs hormonaux, ou lors de la fabrication des hormones. Mais il en existe des « centaines de milliers » d’autres, précisent les auteurs du rapport, les perturbateurs endocriniens recensés comme tels ne représentant que la partie émergée de l’iceberg.
Omniprésentes dans notre vie quotidienne, ces substances entrent dans la composition de plastiques alimentaires (bisphénol A), d’appareils électroniques, d’insecticides, de retardateurs de flamme, de cosmétiques, de produits d’hygiène, etc. On les retrouve dans notre environnement, principalement par le biais des effluents industriels et urbains, le ruissellement des terres agricoles et le rejet des déchets. « L’être humain peut y être exposé lors de l’ingestion de nourriture, de poussière et d’eau ou de l’inhalation de gaz et de particules présents dans l’air, ainsi que par contact cutané », précise le rapport. Les enfants, avant ou après la naissance, présentent une sensibilité accrue à ces substances qui traversent facilement la barrière placentaire et atteignent le foetus.
« Les produits chimiques occupent une place de plus en plus importante dans la vie moderne, mais leur gestion irrationnelle remet en cause la réalisation d’objectifs de développement essentiels et le développement durable pour tous » a déclaré Achim Steiner, directeur exécutif du PNUE. «Investir dans de nouvelles méthodes de test et de nouvelles recherches peut permettre de mieux estimer les coûts de l’exposition aux perturbateurs endocriniens chimiques et de réduire autant que possible les risques, en privilégiant des choix et des solutions plus intelligents qui aillent dans le sens d’une économie verte», a-t-il ajouté.
Et il en va de l’avenir de l’humanité: «Dans certains pays, 40 % des jeunes adultes ont un sperme de mauvaise qualité, ce qui peut compromettre leur aptitude à concevoir des enfants», souligne le rapport. Pourtant, ces molécules sont encore trop présentes dans notre quotidien. Tandis que les études scientifiques manquent. Pour le Dr Maria Neira, directeur du Département Santé publique de l’OMS, il faut « mener d’urgence davantage de recherches afin de mieux connaître les conséquences sanitaires et environnementales des perturbateurs endocriniens. »