2.2.2016, Laurence Julliard
Un collectif incite des familles de la Cité de Calvin à faire maigrir leurs poubelles durant un mois. Récit en trois temps.
02.02.2016 I Le hasard permet de belles rencontres, qui engendrent des projets réjouissants. Prenez Adèle et Isabelle, trentenaires établies à Genève. La première est chimiste, la seconde sage-femme; elles partagent le fait d’être de jeunes mamans soucieuses d’offrir à leur famille un avenir plus vert et durable. Elles lancent leur petite entreprise d’ateliers en santé environnementale à l’intention des jeunes parents, et ouvrent un blog sur lequel elles partagent conseils, astuces et bonnes adresses locales.
Toujours à l’affût de bons plans green, elles découvrent au hasard de ce qu’elles dénichent l’expérience Zéro déchet de Béa Johnson, une Franco-Américaine qui érige en style de vie la règle des cinq R (pour Refuser, Réduire, Réutiliser, Recycler et Rot, composter, en anglais), parce que «le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas». «Nous en sommes loin, sourit Adèle, mais ce qui est réjouissant, c’est que notre marge de progression est énorme!»
Effort collectif
Et là germe une nouvelle idée qui rallie Mouna, Alessia et Audrey. Parce que le hasard fait bien les choses. A Genève, pas de taxe au sac, ni au poids, une mesure inscrite dans la Loi fédérale sur la protection de l’environnement appliquant le principe du pollueur-payeur. La question sera soumise à votation en 2017. «En attendant, détaille Isabelle, on s’est dit que le meilleur moyen de réfléchir à sa consommation courante, et infléchir le volume de nos déchets, c’était de lancer un défi: trouver une trentaine de familles qui pèsent toutes leurs poubelles pendant un mois sans rien changer à leurs habitudes, puis leur faire subir un régime amaigrissant le mois suivant.»
L’objectif à atteindre: avoir réduit la part des déchets d’une tonne, en additionnant tous les efforts. «Chacun est libre d’agir sur le contenu de sa poubelle, ajoute Adèle. Mais nous voulons démontrer qu’il est facile de mieux faire.» En effet, le canton, dont le taux de recyclage se situe à 45,5%, doit progresser pour rejoindre ceux qui ont introduit une taxe. Comme Vaud, passé de 45,6% à 55% entre l’avant et l’après.
L’expérience vient tout juste de démarrer. Au final, 39 familles y participent, elles ont à réduire de 40% leurs déchets, recyclables inclus. La FRC, qui suit le défi de près, partage ses tips antigaspi sur les réseaux sociaux et via sa plate-forme web. Rendez-vous dans ces pages pour le bilan dans notre édition d’avril. En attendant, allez voir Demain, le film de Cyril Dion et Mélanie Laurent: comme les participants au défi, vous vous ferez du bien!
Pointage à mi-parcours
01.03.2016 I Le collectif genevois des Ecoccinelles a terminé la première phase de son défi le 22 février. Ce défi est resté à échelle humaine durant sa première phase: 41 familles se sont annoncées, toutes animées par l’envie de se faire du bien chez soi, dans leur quartier, et d’agir à leur mesure. Elles ont pesé toutes les poubelles, incinérables et recyclables inclus, durant quatre semaines, sans rien changer aux habitudes. Une mesure-étalon nécessaire, pour que chacun évalue là où il consentira le plus d’efforts en mars. Quelques 27 familles ont scrupuleusement noté chaque semaine le poids de leurs verres, de leur compost, de leurs piles, etc. «Après la première pesée, certains ont été horrifiés, raconte Adèle, l’une des initiatrices. Du coup, à la seconde, les participants avaient inconsciemment introduit un biais: les poubelles étaient moins lourdes. Faire comme si de rien n’était s’est avéré plus délicat qu’on ne le pensait.» A la troisième semaine, le tir avait été corrigé. En moyenne, les familles ont donc généré près de 400 kilos de déchets par semaine pour l’ensemble du groupe.
La régularité n’est pas allée de soi. «Certains ont été interrompus. Nous avons aussi eu deux abandons, liés à des naissances. C’est la vie!» Le 22 février, jour de rentrée scolaire, chaque famille avait déterminé sur quel(s) aspect(s) elle entend mettre son énergie pour réussir son défi personnel. «Les papiers et cartons représentent autant que le compost, c’est considérable, détaille Adèle. La première astuce est d’apposer l’autocollant Stop pub.» Les emballages alimentaires sont aussi une source qui pèse pour beaucoup, mais là, chacun fera sa petite cuisine en fonction de son mode de vie. «Moi, j’ai investit dans la yaourtière, rigole Adèle. Et mon petit dernier va découvrir les couches lavables!» Pour tenir l’objectif, le groupe devrait ne pas dépasser 150 kilos par semaine. Pari tenu?
A l’heure des comptes
29.03.2016 I Les jeux sont faits! Le 18 mars, à minuit, les compteurs des participants au défi Un mois, une tonne se sont arrêtés. Si l’aventure a démarré sur les chapeaux de roues avec 41 familles curieuses, 17 ont eu la ténacité de peser leurs poubelles avec une précision de métronome, semaine après semaine, jusqu’au bout. Ces 17 familles, rappelons-le, ont généré 964 kilos lors de la phase-étalon; durant le challenge, elles n’ont produit que 451 kilos. «On est de l’ordre de la demi-tonne, calcule Adèle Luria, l’une des cinq initiantes du projet. C’est à mi-chemin du but fixé au départ, mais 53% de réduction, c’est tout de même un joli score.» C’est même mieux que cela, souligne Laurianne Altwegg, spécialiste Environnement à la FRC, les efforts sont conséquents, d’autant que les repas pris hors du domicile ne sont pas inclus…
Quoi qu’il en soit, le défi était ambitieux. Il demandait d’avoir du cœur à l’ouvrage et incitait les commerçants à jouer le jeu. «On aurait aimé mettre en place une carte de Genève avec ceux qui acceptent que la clientèle arrive avec ses propres contenants pour limiter le suremballage. Ça n’a pas été possible, mais la plupart ont accepté bocaux en verre, «tup» en inox – tellement moins lourds à trimballer – et bee’s wraps (emballage réutilisable à base de coton et de cire d’abeille, ndlr) ou sacs en tissu avec le sourire.» Les courses en vrac ont donc été testées – et approuvées. Selon les affinités, certains ont adopté le marché, la vente à la ferme ou le panier contractuel.
Ce qu’a apporté l’expérience? «C’est surtout dans l’alimentation que les choses ont évolué. Pâtes, yogourts, biscuits sont désormais maison. Je m’approvisionne chez les petits artisans, raconte Adèle. J’essaie de ne recourir aux grandes surfaces qu’en cas d’extrême urgence… quand je pèche dans mon organisation.» C’est d’ailleurs là le talon d’Achille du zéro déchet: une logistique sans faille! Faire sa liste des courses, prévoir sa tournée, n’oublier ni sacs ni contenants…
L’histoire n’en est qu’à ses débuts
«Avant le défi, nous étions à 16 kilos de déchets par semaine pour 5. Aujourd’hui, nous en sommes à 6. Et le compost a sérieusement gonflé. J’éprouve une certaine fierté, mais on a encore une marge de progression. Mon succès du mois? Mon fils de 26 mois a boosté son apprentissage de la propreté. En un mois, c’est acquis! Et le petit dernier est aux langes lavables depuis lors.» L’enjeu, désormais, est sur la durée… «Notre plus grande victoire, c’est d’avoir suscité curiosité et réflexion chez les gens, y compris dans les familles qui ne sont pas allées jusqu’au bout de l’expérience: dans la démarche, chacun adopte son rythme.»
Si vous aussi vous êtes dans une démarche low consommation, retrouvez les astuces antigaspi du mercredi sur la page Facebook de la Fédération romande des consommateurs. Et dans FRC Mieux choisir, notre rubrique Ecogestes.