1.5.2017, Barbara Pfenniger / Photo: Shutterstock.com
Depuis le 1er mai 2017, la Suisse autorise la vente des insectes comme aliment et ingrédient dans les denrées composées. Ces produits sont-ils réellement utiles? Et suffisamment sûrs? Eclairage.
La plupart des personnes divisent les animaux en quatre catégories: ceux qui peuvent être mangés, les animaux de compagnie, ceux qui sont nuisibles et les autres. Chacun classe les bêtes selon son propre système, qui peut d’ailleurs varier au cours d’une vie. Chez nous, les insectes étaient jusqu’à maintenant surtout classés parmi les nuisibles. Un paradigme qui a changé le 1er mai grâce à la nouvelle législation alimentaire.
Trois sortes d’insectes sont désormais autorisées pour l’alimentation humaine: le ver de farine (Tenebrio molitor), le grillon (Acheta domesticus) et le criquet migrateur (Locusta migratoria). Ces insectes avaient déjà été autorisés de manière provisoire pour des manifestations, à la demande de personnes enthousiastes à l’idée d’offrir des expériences organoleptiques inédites. Sentant l’opportunité commerciale, plusieurs entreprises ont laissé entendre qu’elles voulaient se positionner sur ce nouveau marché.
Protéines
Les aliments riches en protéines sont ceux qui ont l’impact environnemental le plus important dans l’assiette. La production de viande nécessite d’importantes quantités d’eau et d’aliments.
La production de protéines d’origine végétale charge nettement moins l’environnement. Un ragoût de champignons a un impact quatre fois moins important qu’un ragoût de bœuf. Toutefois, les protéines d’origine végétale contiennent moins d’acides aminés essentiels et doivent être complétées judicieusement pour être équivalentes au point de vue nutritionnel.
Les protéines des insectes sont a priori de meilleure qualité nutritionnelle que celle d’origine végétale, par exemple du soja. L’impact environnemental est moins important que celui de la viande. Toutefois, la composition nutritionnelle dépend de l’espèce, du stade de développement, de l’élevage et de l’alimentation des insectes.
Autocontrôles
La sécurité des produits à base d’insectes est directement liée à l’élevage. Selon le substrat et l’aliment distribué, les animaux peuvent être porteurs de parasites et de germes pathogènes. Pour limiter ces risques, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a donné un cadre précis dans une «lettre d’information» publiée juste avant l’entrée en vigueur de la nouvelle ordonnance.
Première mesure de sécurité: chaque entreprise qui veut élever des insectes en Suisse doit être enregistrée et contrôlée régulièrement par les inspecteurs cantonaux. Les installations doivent être propres, les substrats et l’eau changés régulièrement. La nourriture donnée à ces insectes est également strictement réglementée. Elle doit répondre aux mêmes critères que les aliments pour les animaux de rente. Il est donc interdit d’utiliser des déchets, des produits traités (peaux, sciure de bois), des sous-produits animaux ou des matières fécales. Le but est d’écarter tout risque de transmission de prions ou de bactéries nocives. Avant d’être mis sur le marché, les insectes doivent être surgelés et chauffés (pasteurisation ou stérilisation) pour détruire d’éventuels germes.
L’autocontrôle doit garantir la traçabilité et le bon respect de ces règles. La FRC demande qu’il soit complété par des inspections sanitaires strictes à toutes les étapes de la production.
Allergie
En Suisse, nous n’avons pas encore de recul concernant le potentiel allergène des insectes. Il est possible que les insectes provoquent une réaction chez les personnes sensibles aux acariens, aux crustacés et aux mollusques. Une déclaration bien visible de leur présence est donc d’autant plus importante. L’OSAV recommande d’apposer une remarque sur le potentiel allergène des insectes sur les emballages, mais ne la rend pas obligatoire.
Tromperie
Si quelques consommateurs se réjouissent à l’idée de pouvoir acheter des insectes, d’autres ne souhaitent pas du tout en manger. Ainsi, la majorité du panel FRC était favorable à l’autorisation d’insectes pour l’alimentation humaine (56%), mais quand il s’agit d’ingrédients à base d’insectes incorporés dans des aliments, la majorité y était opposée (60%), dont plus de la moitié de manière catégorique. Dans les aliments transformés, le potentiel de tromperie est très élevé, comme l’avait montré le scandale de la viande de cheval.
Etiquetage
La nouvelle législation a prévu trois obligations:
- Le nom commun et le nom scientifique doivent être indiqués.
- Lorsqu’un aliment contient des insectes comme ingrédient, cela doit être indiqué dans la dénomination spécifique de la denrée. Celle-ci se trouve généralement sur la face arrière de l’emballage, au-dessus de la composition.
- Les insectes doivent être étiquetés comme les allergènes, donc leur nom doit être écrit en gras dans la liste des ingrédients.
Toutes ces indications, certes très utiles, se trouvent sur la face arrière des emballages. Aucun avertissement n’est prévu pour la face avant, malgré la demande de la FRC. Il ne sera pas non plus obligatoire d’indiquer la quantité d’insectes que contient le produit, ni de mentionner leur provenance ou les coordonnées du producteur. Pourtant, obliger les fabricants à jouer cartes sur table aurait permis de les responsabiliser.
Fraude
Face au développement actuel qui permet de vendre des saucisses à rôtir et des émincés ressemblant aux produits carnés mais en réalité à base de protéines d’origine végétale hautement transformées, on peut craindre de trouver bientôt sur le marché des tranches panées semblables à première vue aux originales mais élaborées à base d’insectes. Il faudra retourner l’emballage pour le voir et comprendre l’étiquette qui pourrait être rédigée en allemand.
A la vente à l’emporter et au restaurant, les insectes pourront aussi se trouver dans des burgers fantaisie, de la farine de criquet dans une quiche originale. Le renseignement devra être donné sur demande. La «boulette de viande hachée» à base d’insectes vendue chez Coop serait un de ces cas au potentiel trompeur, si le prix des insectes n’était pas si prohibitif. A plus de 500 euros le kilo de criquets néerlandais, ce genre d’ingrédient sera probablement plutôt mis en avant pour justifier le prix élevé des boulettes.
La FRC va néanmoins rester vigilante et invite les consommateurs à lui faire parvenir tout exemple jugé douteux.