Argent
Baisse de la TVA: les consommateurs sont floués
Archive · 26 mars 2018


Sandra Imsand
Journaliste
En fin d’année passée, la FRC vous avait demandé de lui faire parvenir vos quittances de caisse pour tous les articles non alimentaires. Le but? Récolter un maximum de données sur les prix pratiqués en 2017, alors que la TVA se montait encore à 8%, pour les comparer à ceux en vigueur dès le 1er janvier. Vous avez été nombreux à jouer le jeu, fournissant des tickets portant aussi bien sur des services que des loisirs, de la restauration ou des achats de Noël. De son côté, la FRC a fait un exercice semblable sur des sites de vente en ligne, dans le même intervalle de temps. Alors, la baisse de 0,3% de la TVA a-t-elle bien été répercutée en faveur du consommateur?
218 fr. La somme dont les ménages devraient profiter chaque année.
Un délai raisonnable pour s’adapter
Les résultats dévoilés ci-après tiennent compte d’un délai raisonnable laissé aux commerces pour adapter leurs prix et trouver une solution. Ainsi, Interio, magasin de meubles du groupe Migros interrogé à ce sujet, a expliqué avoir fait les changements nécessaires pour le 12 février. Mi-mars, la FRC estime que la phase transitoire est close et que l’on peut considérer les données comme fermes... à quelques exceptions près. En effet, Ikea a dit vouloir introduire les changements à l’occasion de la sortie de son nouveau catalogue, en septembre!
Et le résultat, quel est-il? Trop peu de commerces ont joué le jeu puisque la FRC ne constate aucune baisse véritable liée à l’adaptation de la TVA. A leur immense majorité, les centaines de prix qui ont été relevés n’ont pas bougé; certains ont même augmenté. Le constat ne surprend guère: «Dès le mois d’octobre 2017, nous avions pris contact avec différentes entreprises pour connaître leurs projets quant à cette réduction de taux», mentionne Robin Eymann, responsable de la Politique économique à la FRC.
Certaines branches, comme le leasing automobile, ont pratiqué une baisse automatique. Chez Volkswagen ainsi que chez Mercedes, certains prix ont été réduits. En revanche, les contrôles effectués auprès d’Opel ont permis d’apercevoir que la réduction n’avait pas été prise en compte. Dommage, car pour un achat représentant plusieurs dizaines de milliers de francs, un abaissement de 0,3% de la TVA devient clairement perceptible. Chez Opel, les prix de certains modèles ont même légèrement augmenté. Leur excuse? Le franc fort, l’augmentation des coûts, etc. Des justifications malheusement entendues tout au long de cette enquête.
138 fr. 88 L’économie qui aurait pu être réalisée sur l’achat d’une Opel Ampera-e.
Des négociations difficiles
Si le commerce de détail s’est montré coopératif, annonçant vouloir répercuter la baisse pour ses clients (lire article ci-après), les négociations ont été plus difficiles du côté des transports publics. «Lors des premiers échanges, les dirigeants nous avaient indiqué qu’ils n’entreraient pas en matière sur la baisse de la TVA, déclarant qu’ils n’avaient pas suffisamment augmenté les prix en 2017», explique Robin Eymann. Une réponse d’autant plus insatisfaisante que même l’autorité de tutelle des transports publics, l’Office fédéral des transports, leur avait demandé un geste envers les usagers. Avec l’aide de la FRC et de ses alliés alémaniques et tessinois, le Surveillant des prix a pu faire plier ces entreprises afin que la différence soit en faveur des consommateurs. Une victoire acquise de haute lutte et qui représente quand même 20 millions.
Du côté des opérateurs, autre déception, la bataille est loin d’être gagnée. En effet, aucun n’a adapté ses tarifs à la baisse, prétextant vouloir fixer des prix au plus juste. Comble de l’ironie, UPC augmente même en avril le prix de son abonnement de base! La FRC décerne donc un bonnet d’âne à l’ensemble de la branche.
Au départ, la baisse de la TVA devait être une bonne nouvelle pour les consommateurs. Mais force est de constater que la réalité leur laisse un goût amer puisque de nombreux acteurs refusent de jouer le jeu.
Les entreprises sont libres de fixer les prix qu’elles souhaitent sans avoir de comptes à rendre à leurs clients. La conclusion de cette vaste enquête fait d’autant plus regretter le fait que le Conseil fédéral n’a pas jugé utile de s’emparer du sujet. «Il est inacceptable que le Conseil fédéral n’ait pas mis beaucoup plus de moyens pour garantir que la baisse de TVA profite aux consommatrices et consommateurs, s’insurge Samuel Bendahan. Le Conseiller national (PS/ VD) estime par ailleurs qu’une grande partie de cette somme pourrait être accaparée par certains acteurs en bout de chaîne.
Dérisoires, les sommes en jeu? Pas pour les budgets des ménages pour qui cette somme est tout sauf ridicule. En effet, pour 2018, cette baisse de la TVA correspond à 807 millions de plus dans la poche des consommateurs, à savoir 218 francs par année et par ménage, ou encore 18 francs par mois. Et, au final, nous n’en voyons pas vraiment la couleur.
Sac-poubelle taxé
Communes gagnantes
Malgré la baisse de la TVA, le prix des sacs-poubelles taxés n’a pas bougé d’un iota. Selon nos informations, la différence bénéficierait aux communes. Celles-ci sont en effet souvent en charge de fixer le prix de gros qu’elles facturent aux commerces, mais également le prix de vente auquel les magasins proposent les sacs taxés. Quel est le montant de ce gain pour les communes et à quoi serat- il utilisé? Selon l’Association des communes suisses, cette somme ne peut pas être utilisée pour autre chose que la gestion des déchets. Par conséquent, en cas d’excédent, les communes adapteront leur taxe de base ou le prix du rouleau.
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