16.3.2021, Laurianne Altwegg
Votre vieil appareil a laissé sa place à un smart meter? Ce sera le cas de 80% des consommateurs d’ici à fin 2027. Explications.
Le déploiement des compteurs dits «intelligents» (smart meters) a été inscrit dans la Loi et l’Ordonnance sur l’approvisionnement en électricité (LApEl et OApEl) suite à l’adoption de la Stratégie énergétique 2050 en 2017.
But premier: favoriser les économies d’énergie du côté du client final en le laissant accéder à sa consommation électrique en temps réel, d’une part; obtenir une meilleure planification du réseau par une connaissance plus fine de la demande et de la production par le gestionnaire de réseau de distribution (GRD ou entreprise électrique), d’autre part.
Obligation légale
Ce n’est donc pas une lubie de votre fournisseur si vous avez reçu un avis de passage, mais bien une obligation légale. Tous les GRD sont tenus de remplacer 80% de leurs systèmes de mesure par un smart meter d’ici au 31 décembre 2027. Un changement impossible à refuser, le compteur étant un instrument indispensable à la facturation et le choix du modèle n’incombant pas au client. Que les services de comptage soient libéralisés ou non à l’avenir, comme le prévoit la nouvelle mouture de la loi, le compteur classique ne sera plus une option, sauf exception.
Côté fonctionnalité, rien de révolutionnaire: il s’agit de pouvoir relever à distance et en permanence les kilowattheures produits (par une installation solaire, p. ex.) et utilisés. A l’avenir, l’appareil pourrait aussi permettre de proposer des tarifs dynamiques ou d’autres outils favorables à une meilleure gestion de l’électricité et du réseau.
Si les données sont enregistrées toutes les 15 minutes, elles ne sont communiquées au GRD qu’une fois par jour. Le client peut ainsi théoriquement connaître sa consommation en temps réel et surtout recevoir des factures basées sur du concret (exit le système opaque d’acomptes). L’appareil peut aussi être relié aux compteurs d’eau, de chaleur et de gaz. On obtient ainsi un relevé unique pour toutes les énergies sans la venue d’un technicien.
Dans les faits, même si le consommateur reste propriétaire des données et peut en disposer sur demande, il y a fort à parier que les services ne seront pas les mêmes d’une entreprise à l’autre et que ces informations pourraient être difficiles à comprendre pour le commun des mortels.
La vigilance est aussi de mise quant à leur protection. La loi encadre tout cela certes de manière stricte – pseudonymisation ou anonymisation selon l’utilisation prévue, consentement obligatoire pour certaines utilisations, etc. – mais le rôle central que pourrait jouer le smart meter dans la «maison intelligente» de demain rend les données de consommation particulièrement sensibles. C’est pourquoi il est important que le niveau de sécurité de la branche électrique soit élevé. Et c’est une gageure avec plus de 640 GRD!
Contrairement à la France qui installe un même compteur sur son territoire (le controversé Linky), la Suisse laisse aux sociétés le libre choix de l’appareil, pour autant qu’il soit conforme aux exigences légales. Les prix et fonctionnalités varieront donc immanquablement comme c’est le cas pour les tarifs d’électricité.
Penser économie circulaire
Romande Energie et les Services industriels de Lausanne (SiL) ont ainsi groupé leur appel d’offres pour bénéficier de meilleurs prix. De son côté, Viteos a opté pour un compteur développé selon les principes de l’économie circulaire, un choix louable sachant le gaspillage qu’engendrera la mise au rebut de millions de compteurs en parfait état de marche.
Surtout, le remplacement de tous ces appareils (déjà amortis) était évalué à 1 milliard en 2012. Mais cette somme pourrait être en dessous de la réalité: si tous les GRD font les mêmes projections que les SiL, la facture se monterait à plus de 2 milliards (460 fr./ compteur), main-d’oeuvre et outils informatiques compris! S’agissant de coûts principalement à charge du particulier, reste à espérer que les économies d’énergie réalisées compenseront l’investissement. Le pari n’est pas gagné d’avance!
Cet article est paru dans le magazine FRC Mieux choisir sous le titre «La valse des compteurs».