29.8.2017, Sandra Imsand
Après des années de bras de fer entre la FRC et La Poste, les bonbons ont enfin été supprimés complètement. Cependant, le problème risque fort de ne s'être que déplacé dans les agences tierces. Explications.
Le géant jaune a-t-il véritablement tenu ses promesses faites en 2015 et retiré les sucreries de son assortiment? La FRC avait le droit d’en douter. En 2011 déjà, nous dénoncions cette dérive, après avoir réalisé une enquête dans la grande distribution ainsi que certains offices postaux. Chez le géant jaune, tous les guichets exhibaient chocolats et bonbons à hauteur d’yeux et de main d’enfants.
A l’époque, La Poste s’était engagée à les retirer, pour «recentrer son offre sur la vente de produits de télécommunications et pour renforcer la présence de Postfinance». Une bonne nouvelle donc… sauf qu’il n’en a rien été. En 2014, la FRC avait à nouveau mené l’enquête, cette fois avec ses confrères alémaniques du SKS et tessinois de l’ACSI pour une opération d’envergure nationale. Et là, surprise, les sucreries étaient toujours là. Sur les 74 offices visités, dont 38 en Suisse romande, 72 étaient largement pourvus en snacks et bonbons, avec deux à quatre présentoirs en moyenne. Le record observé était de sept rayonnages, à La Poste de Saint-François, à Lausanne. Seuls les petits offices de Venthône (VS) et Vuadens (FR) étaient dépourvus de sucreries.
Stratégie commerciale
Interpellé à ce sujet, le géant jaune avait alors adopté une réponse relevant de la stratégie commerciale, argumentant que le fonctionnement du réseau d’offices de poste engendrait un déficit annuel d’environ 100 millions de francs. «La majorité des réactions de la clientèle concernant ces articles de confiseries sont positives», avait alors répondu le porte-parole.
C’est pourquoi, quand fin 2015, La Poste a annoncé vouloir enfin supprimer les sucreries de ses offices, nous avions des réserves. Cette mesure devait être mise en place au courant du premier semestre 2016. Nous avons donc voulu vérifier par nous-mêmes ce qu’il en était. Dans le courant du mois de juillet 2017, la FRC, nous avons envoyé des enquêteurs dans les mêmes offices qu’en 2014. Si ceux-ci avaient fermé entre temps, nos enquêteurs se sont rendus dans un office de taille similaire dans le village avoisinant. Par ailleurs, quand dans l’intervalle les bureaux avaient été remplacés par des agences postales, les enquêteurs leur ont également rendu visite, pour voir si des bonbons et chocolats étaient proposés à côté des guichets servant aux opérations postales.
Faites glisser le curseur pour comparer les années 2014 et 2017.
- En 2014, nos enquêteurs ont visité 74 offices postaux. Sur cet échantillon, ils étaient 72 à disposer d’un assortiment de sucreries à portée d’yeux et de mains des enfants proches du guichet.
- En 2017, l’échantillon a quelque peu changé, certaines postes ayant fermé leurs portes. Au final, nos enquêteurs ont visité 73 bureaux postaux et 3 agences (un kiosque et deux épiceries de village). Sur ces 76 lieux de vente, 2 agences romandes proposaient un assortiment de sucreries, et les guichets postaux en étaient tous dépourvus.
Epilogue d’une longue bataille
La bonne nouvelle? La Poste a tenu parole. Aucune trace de sucreries dans les 73 offices auxquels nos enquêteurs ont rendus visite. «Il aura fallu batailler ferme pour obtenir ce résultat, commente Barbara Pfenniger, spécialiste alimentation à la FRC. Les messages des consommateurs et le sondage que nous avons réalisé sur notre site internet ont donné du poids à nos arguments. Ce sont les services utiles aux clients qui doivent assurer la raison d’être des offices, et non la tentation des enfants par des colliers de douceurs, des épées laser en sucre et autres bonbons-jouets placés à portée de main.»
Si ce résultat vient couronner plusieurs années de lutte et de négociations pour la FRC, force est de constater que La Poste ne renonce pas pour autant à attirer les yeux (et les doigts) des petits, puisqu’à la place des gourmandises, les rayonnages les plus bas dans certains offices sont désormais occupés par des jouets, des DVD, des articles de papeterie ou des livres adressés spécifiquement aux plus petits. Il ne sera donc pas dit que les passages des parents accompagnés de leur progéniture à La Poste soient plus sereins…
Agences: La Poste doit prendre ses responsabilités
Autre élément à relever: la transition des offices vers les agences postales. Si dans les premiers, il n’y a effectivement plus de sucreries, deux des trois agences postales visitées (kiosque et petites épiceries) proposaient des rayons bonbons conséquents. Au vu du rythme des fermetures des bureaux de poste, les clients risquent fort de se retrouver à nouveau avec le problème des confiseries à hauteur de bambins quand ils iront retirer leur colis, acheter un timbre ou envoyer un pli recommandé. C’est pourquoi la FRC souhaite que La Poste prenne ses responsabilités et fasse en sorte qu’il n’y ait pas de marketing pour enfants agressif dans les lieux où se déroulent les opérations postales. Par ailleurs, il faudrait que le géant jaune rémunère correctement les propriétaires d’agences postales pour leur permettre de continuer à pouvoir offrir des services de qualité pour tous, estime Robin Eymann, spécialiste de la politique économiques à la FRC. Sinon, ce problème des confiseries ne sera que déplacé vers d’autres acteurs et l’engagement du géant jaune n’aura été au final que vaines paroles.