29.8.2017, Barbara Pfenniger
Gages de transparence et de proximité, les appellations d’origine offrent de la sécurité... et attisent les convoitises!
Chaque nouveau scandale alimentaire – aujourd’hui les oeufs au fipronil (lire Etiquetage des oeufs: fraîcheur et provenance sur frc.ch), hier les lasagne à la viande de cheval – est l’occasion de rappeler à quel point le manque de transparence envers le consommateur est criant; il est donc nécessaire de pouvoir se prémunir contre cela. Pour contrer l’industrialisation de la production à tout va, diverses initiatives garantissent une certaine qualité jusqu’à nos assiettes. Zoom sur les appellations d’origine – AOP/AOC et IGP – qu’on retrouve sur les emballages.
DE QUOI PARLE-T-ON? | L’appellation d’origine protégée (AOP), qui remplace l’appellation d’origine contrôlée (AOC), désigne un produit dont les ingrédients proviennent d’une région précise, élaboré sur place selon des règles fixées dans un cahier des charges approuvé par l’Office fédéral de l’agriculture. L’indication géographique protégée (IGP) désigne un produit dont au moins une étape de la production doit avoir lieu dans la région indiquée. La recette est également fixée dans un cahier des charges approuvé, mais les ingrédients peuvent venir d’autres régions du pays. Dans le cas de la viande des Grisons IGP, l’ingrédient principal peut même être importé, mais la provenance doit forcément être indiquée. Toute la production labellisée est dûment contrôlée par des organes indépendants qui certifient ainsi la crédibilité des produits.
RÈGLEMENT EUROPÉEN | Les précurseurs des signes de qualité ont été la France (1935) et l’Italie (1954), la Suisse a suivi en 1997 seulement. Depuis 2011, la Suisse et l’Union européenne, ainsi que la Russie, reconnaissent mutuellement leurs AOP et IGP. Pour aider le consommateur à repérer ces produits, l’Union européenne a créé des logos universels. Frileuse, la Suisse a laissé les groupements des AOP et IGP s’associer pour créer un visuel commun dont leur association doit défendre l’usage. Certains, comme la viande des Grisons IGP, n’en font pas partie et ne peuvent pas prétendre au logo, bien que leur appellation soit également protégée par la loi.
LUTTE CONTRE LA FRAUDE | La reconnaissance liée à ces labels provoque bien des convoitises de la part de certains acteurs de l’agroalimentaire, donnant lieu à des formulations propres à entretenir la confusion. Ainsi, le «Camembert élaboré en Normandie» industriel n’a rien à voir avec le Camembert de Normandie AOP, à base de lait cru de la région, élaboré selon la tradition. L’Emmentaler AOP, produit à base de lait cru de vaches nourries sans ensilage, a été copié par des profiteurs qui ont fait du fromage à gros trous confectionné rapidement à base de lait non conforme et nécessitant un conservateur, le lysozyme (E1105). Résultat: un «Emmental Original» bas de gamme vendu à un prix surfait. D’autres tromperies ont lieu, à la vente comme au restaurant. En 2016, selon les chiffres des chimistes cantonaux, Damassine AOP, Viande séchée du Valais IGP, Parmigiano Reggiano et Feta AOP n’ont pas été épargnés par les faussaires.
UNE ÉTIQUETTE DOUTEUSE? | L’Italie dispose d’agents de vigilance qui dénoncent les contrefaçons et les fausses indications aux autorités. C’est le cas des tomates quelconques vendues à Rome sous l’appellation Pomodoro di Pachino IGP de Sicile. En Suisse, l’Association AOP-IGP sillonne les magasins et note les cas problématiques. Vous pouvez aussi y contribuer en envoyant des photos de produits douteux à la FRC via nos formulaires de contact. A l’instar de ce voyageur qui nous a signalé un «gruyère» servi dans un avion américain: un fromage fondu à base de cheddar… à des milliers de miles de l’original.