Obsolescence

L’enjeu de la réparabilité

En Suisse, la majorité des adultes possède un smartphone. Pierre d’achoppement de la durée de vie de ce dernier: la réparation que les fabricants empêchent par tous les moyens.

Enjeux collectifs Économie circulaire Maison et loisirs Électroménager

Archive · 03 février 2021

Selon un récent sondage de la FRC et de ses consœurs (SKS et ACSI), 97% des consommateurs ont déjà dû jeter au moins une fois un objet encore en bon état parce que le coût de la réparation était trop élevé ou que les pièces détachées n’étaient pas disponibles. Les chiffre ont aussi révélé que pratiquement tout le monde serait prêt à payer plus cher pour un produit qui offre des garanties spécifiques de réparabilité. Les Suisses ne sont pas seuls. Selon l’Eurobaromètre, 77% des Européens préféreraient réparer leurs appareils plutôt que de les remplacer et 79% estiment que les fabricants devraient être juridiquement tenus de faciliter la réparation des biens numériques ou le remplacement de leurs pièces détachées.

Le ras-le-bol est général et le verdict sans appel: le marché propose trop de produits dont la durée de vie est plus courte que ce que n’attendent leurs détenteurs. Ces chiffres démontrent aussi tout l’enjeu autour de la question de la réparabilité. Dans ce domaine, l’accès aux pièces détachées, la difficulté à démonter l’objet – notamment lorsqu’il est impossible de l’ouvrir ou que cela nécessite des outils non standards – et le prix de la réparation en sont les principaux freins. Tout comme les matériaux inadaptés à une longue durée de vie: le plastique a ainsi progressivement remplacé l’inox dans de nombreux produits. Sans parler de l’obsolescence technologique, soit l’absence de mises à jour, de logiciels ou encore le ralentissement des performances d’un appareil alors trop lent pour être utilisable.

Les Repair Cafés et annuaires de réparateurs créés par la FRC offrent certes des outils qui peuvent aider le consommateur (lire encadrés), mais ces solutions sont inutiles si la conception même des objets rend toute panne irrémédiable...

APPRENDRE À RÉPARER

En Suisse romande, la FRC est la principale organisatrice de ces événements gratuits destinés à apprendre à réparer ses objets en bénéficiant du savoir-faire de réparateurs bénévoles. La pandémie freine leur organisation, mais les agendas en ligne seront mis à jour au fur et à mesure.

Entre tutoriels et sites d’achat de pièces détachées, les ressources pullulent sur le net pour permettre à chacun de reprendre le pouvoir sur ses appareils en apprenant à les réparer. Dans le domaine,
ifixit.com fait figure de référence, offrant non seulement des guides pour effectuer une réparation pas à pas, mais aussi la possibilité d’acquérir les outils ou pièces détachées nécessaires. La plate-forme propose en plus un classement des produits par marque selon leur degré de réparabilité.
Des sites analogues existent, sosav.fr par exemple. La prudence est toutefois de mise pour un néophyte, le risque d’endommager l’appareil est réel tout comme le sont les dangers, ceux liés à la manipulation d’une batterie, entre autres.

Depuis 2013, la FRC a mis en place des annuaires de réparateurs dans plusieurs domaines, dont celui de la téléphonie et de l’informatique. Notre association a toutefois besoin de votre aide pour mettre à jour et étoffer ces adresses dans les cantons de Fribourg, du Valais, du Jura et Jura bernois: rejoignez nos équipes de bénévoles!

Législation: Changer la donne

Certaines mesures politiques pourraient inciter les fabricants à revoir leurs pratiques.

Dans le dossier de l’obsolescence programmée, l’Union européenne avance à pas de géant. Elle dispose d’un nombre croissant de mesures ayant pour but de tacler le problème. Inscrites dans son plan d’action sur l’économie circulaire, ces mesures entrent dans le nouvel «agenda du consommateur» pour la période 2020 - 2025. La Commission européenne indique qu’elle «favorisera la réparation des produits et encouragera les plus durables».

En novembre dernier, le Parlement européen est allé plus loin. Il a plébiscité le «droit à la réparation», lequel a pour but de «rendre les réparations attrayantes, systématiques et peu coûteuses». Les députés proposent d’étendre les garanties, de les prévoir pour les pièces détachées, ou encore d’améliorer l’accès aux informations sur la réparation et l’entretien des produits. Le Parlement invite en outre la Commission à «introduire un étiquetage obligatoire, afin de fournir au consommateur des informations claires, immédiatement visibles et faciles à comprendre sur la durée de vie estimée et la réparabilité d’un produit au moment de l’achat».

La voie pour une mention de l’indice de réparabilité tel que mis en place par la France est par exemple tracée. Présentant une note allant jusqu’à 10 sur l’étiquette de certains produits, cette information offre enfin la possibilité de les comparer avant acquisition sur la base de critères objectifs. La FRC milite pour l’instauration d’un tel indice en Suisse souhaité par 98% des sondés sur le sujet. Sa Secrétaire générale a d’ailleurs déposé une motion en ce sens au Conseil national à l’automne.

Outre ces éléments qui devraient à terme être repris par la Confédération, la FRC défend une réforme du droit de la garantie afin d’inciter les fabricants à offrir des produits réparables. Notamment l’introduction d’un droit de la garantie plus long pour certaines catégories d’objets et l’obligation de mettre à disposition les pièces détachées pendant dix ans. Ou encore l’inclusion de tous les éléments nécessaires au fonctionnement de l’objet dans la garantie pour les défauts (logiciel sans lequel l’appareil est inutilisable, p. ex.). Un renversement du fardeau de la preuve serait aussi bienvenu; charge alors au fabricant de prouver que le bien n’était pas défectueux lors de l’achat. Ainsi que l’option pour le client de choisir entre réparation ou remplacement du produit, soit un droit à la réparation tel qu’il existe déjà à l’étranger.

L’introduction de prescriptions techniques favorisant la réparation est aussi une voie à suivre, puisque, comme le démontre notre test (lire pages suivantes), des obstacles importants les rendent trop dificile. Les appareils devraient notament être le plus souvent facilement démontables pour favoriser la réparation directe par l’utilisateur. Cela implique la possibilité d’utiliser des outils standards et l’interdiction de pratiques telles que l’impossibilité de changer des pièces indispensables au fonctionnement de l’objet (LED intégrées dans les luminaires). Ces éléments plaident en somme pour la mise en place d’une véritable économie circulaire, puisque les produits doivent être pensés dès l’origine pour durer et être réparés.

Parallèlement, pour que le consommateur puisse se défendre efficacement contre les pratiques de certains fabricants, d’autres outils législatifs font encore défaut, dont l’existence de l’action collective en Suisse; car nombreux sont ceux qui renoncent à agir face à une procédure qui demanderait un investissement trop lourd par rapport au gain espéré (une batterie d’iPhone valant entre 49 fr. et 69 fr. selon le modèle).

Ces revendications, multiples et au long cours, font de ce dossier un combat phare de la FRC pour 2021.

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