22.10.2019, Sandra Imsand / shutterstock.com
La part des lampes à LED indémontables est importante. Un scandale que la FRC dénonce.
La LED est présentée comme une révolution pour nos intérieurs. Il est vrai que cette technologie présente bien des avantages, tant en matière d’efficacité que de longévité (lire encadré). Les diodes prennent place dans tout type de lampes et autorisent toutes les fantaisies. S’y ajoutent les interdictions successives des ampoules à incandescence et des spots halogènes ces dernières années. Bref, la LED gagne du terrain de manière spectaculaire au rayon luminaires des magasins. En soi, c’est une bonne chose.
La FRC a cependant eu vent de dérives peu réjouissantes avec cette technologie. De nombreuses personnes se sont plaintes d’avoir acheté des lampes à LED dont l’ampoule ne pouvait être remplacée, car intégrée dans le dispositif et indémontable. En somme, quand la source lumineuse arrive en fin de vie, c’est toute la lampe qu’il faut changer, jeter! «Cette politique est injustifiable, explique Laurianne Altwegg, spécialiste Environnement à la FRC. A l’heure où les consommateurs sont sensibilisés au gaspillage des ressources, on leur impose des lampes à la durée de vie limitée. Les ampoules LED ont beau résister dix à quinze ans en théorie, nos tests ont montré qu’elles ne tiennent souvent pas leurs promesses. Que dire des objets constitués de plusieurs ampoules: une seule lâche et il faut racheter la lampe dans son intégralité pour bénéficier de la lumière souhaitée? C’est comparable à une voiture dont on ne pourrait pas changer les phares.»
Mais quelle est véritablement l’ampleur de ce phénomène? Notre réseau d’enquêteurs de terrain a visité 37 points de vente dans six cantons romands avec pour objectif de faire l’inventaire des lampes à LED et de répertorier celles dont l’ampoule n’était pas remplaçable.
Vendeurs évasifs
Première constatation, on trouve des lampes à ampoule LED intégrée dans tous les commerces qui vendent des luminaires, aussi bien les magasins d’ameublement que les enseignes spécialisées. Et il ne s’agit pas d’un phénomène isolé qui ne toucherait que quelques modèles. Un enquêteur vaudois a réalisé que sur 20 plafonniers, un seul disposait d’une ampoule amovible. Selon les rapports des visites, la part des modèles avec ampoules intégrées peut aller jusqu’à 75% des lampes à LED. Autre point, le fait de pouvoir ou non changer les ampoules n’a pas d’incidence sur le prix du luminaire. Notre échantillon regroupe aussi bien des lampes de table à moins de 20 francs que des suspensions à près de 1000 francs.
Confrontés à la question du gaspillage, les vendeurs se sont montrés assez évasifs. L’un d’entre eux a même estimé qu’il était passéiste de vouloir des supports durables. Tous se sont accordés à dire que les diodes LED ont une durée de vie bien plus longue que les ampoules traditionnelles, soit 10000 à plusieurs millions d’heures, selon les chiffres avancés. Sauf qu’aucune enseigne ne certifie véritablement cette durée de vie. Dans la plupart des magasins, la garantie est traditionnellement de deux ans, avec quelques exceptions, comme chez Coop Brico+Loisirs où elle grimpe à cinq ans. Un vendeur de la filiale de Sierre a toutefois essayé de convaincre l’enquêtrice que la lampe était couverte pendant dix ans avant que la cliente ne fasse remarquer que la réalité était moins avantageuse. Chez Livique à Neuchâtel, le personnel a mis en avant une prolongation possible de la garantie de deux ans pour un prix à hauteur de 10% de l’article.
Consommateurs dans le noir
A la Confédération, on est conscient du problème. «C’est un phénomène connu, explique Fabien Lüthi, porte-parole de l’OFEN. Il est du ressort du client de savoir s’il souhaite acheter un produit qu’il devra changer lorsque la partie lumière sera hors-service ou un modèle dont il peut remplacer la source lumineuse. L’OFEN préconise de choisir un modèle de ce typeci afin d’éviter des déchets supplémentaires.»
Il est donc de la responsabilité du consommateur de faire le bon choix. Un peu facile et vite dit. Encore faut-il savoir comment trouver l’information. Et là, les expériences divergent. La majorité des enquêteurs ont dû procéder par déduction en retournant les étiquettes, pour y trouver la fiche énergie, des indications comme «sans douille» ou encore le type d’ampoule nécessaire. D’autres ont même dû ouvrir les emballages afin d’étudier les modèles pour trouver l’information. Quand elle ne figurait pas carrément sur la notice d’utilisation, consultable seulement après l’achat. Seul un enquêteur a estimé être correctement informé, dans la mesure où les emballages indiquaient soit les heures approximatives de durée de vie des ampoules, ce qui impliquait la possibilité d’en changer, ou que les lampes avaient une source lumineuse intégrée sans possibilité de remplacement. Soit. Mais pour décoder une mention, mieux vaut y avoir été rendu attentif.
Heureusement, le vent tourne. En effet, selon les propos rapportés par une enquêtrice, Hornbach fait gentiment machine arrière. Alors que 90% de l’assortiment fonctionnait avec des LED intégrées jusqu’à très récemment, ces modèles ne représenteraient que 50 à 60% de l’assortiment aujourd’hui. Cela grâce à la pression des clients. De façon générale, la lumière se fait donc sur le phénomène d’obsolescence programmée.
L’Union européenne discute de futures mesures concernant les sources lumineuses et il est justement question de cette problématique. La réponse, attendue prochainement, aura une incidence sur la Suisse dans la mesure où elle est tributaire des autres marchés. «Ce type de produit, lui aussi symbole d’une forme d’obsolescence, devrait tout simplement être interdit à la vente ou au moins muni d’une information obligatoire et transparente, estime Laurianne Altwegg. Cela renforce la pertinence de la revendication de la FRC pour un étiquetage qui renseignerait le consommateur sur la durée de vie des produits, au-delà même des seules ampoules.»