8.3.2022, Sandra Imsand / Genève, 09.08.12 Dr Patrick Edder, chimiste cantonal.© Sébastien Féval
Une vaste opération des Chimistes cantonaux a mis le marché des aliments à base de cannabis sens dessus dessous. Les consommateurs ont lieu de s’inquiéter.
Récemment, les Chimistes cantonaux ont communiqué leurs résultats sur un contrôle de denrées contenant du cannabis ou portant la mention CBD. Sur 100 produits analysés, 85 ont été jugés non conformes. Par ailleurs, 73 marchandises, dont 28 présentaient un risque avéré pour la santé, sont frappées d’une interdiction de vente. Les huiles CBD s’en sortent particulièrement mal: 43 références sur 46 sont concernées par les interdictions de vente et les rappels. Explications.
Le point de départ
«Nous avons choisi de nous intéresser à ces produits en raison de l’ampleur qu’a pris le marché en quelques années», explique Patrick Edder, chimiste cantonal genevois. En cause également, les allégations thérapeutiques interdites qui fleurissent sur la publicité et le marketing entourant ces denrées. Concernant l’échantillon évalué, il inclut uniquement des entreprises suisses, productrices ou importatrices, avec des produits choisis dans diverses catégories des denrées vendues dans le pays.
Le vif du sujet
Lors de sa légalisation en 2016, le chanvre CBD était prévu pour être fumé, pas pour être mangé. En effet, pour qu’un aliment puisse être mis sur le marché, il faut démontrer qu’il appartenait aux habitudes de consommation déjà avant 1997. Dans le cas contraire, la denrée doit obtenir une autorisation Novel Food auprès de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV).
Nous suivons les organes d’évaluation des risques à l’étranger au sujet des effets toxiques. Il y a déjà eu des cas référencés aux États-Unis et en Angleterre.
Un vendeur doit notamment fournir un dossier attestant que l’ingestion est sans danger. Contrairement aux infusions de feuilles, dont la consommation est avérée avant 1997, le cannabis et les extraits concentrés contenus dans les huiles et autres denrées CBD sont une nouveauté. Ils n’ont jamais été évalués et ne peuvent pas être considérés comme «sûrs» du point de vue de la sécurité alimentaire. Ils circulent donc illégalement, justifiant ainsi les interdictions de commercialisation prononcées.
Par ailleurs, les analyses de certaines huiles ont montré que le seuil toxicologique était dépassé dans bien des cas. La mesure, attestée dans la littérature, indique la limite à partir de laquelle les principes actifs pourraient avoir des effets sur la santé. Effets psychotropes, léthargie et effets cardiovasculaires concernant le THC. Léthargie, dommages au foie possibles et indices d’effets indésirables sur la fertilité des animaux de laboratoire pour le CBD.
Le marché
Si les Chimistes cantonaux sont astreints de par la loi à taire le nom des produits concernés, des rappels ont été publiés. L’affaire n’est pour autant pas encore réglée, car tous les articles non conformes n’ont pas encore été retirés du marché. En cause, le nombre d’acteurs ainsi que la lourdeur des procédures.
Et maintenant?
Ces résultats lamentables ont au moins un avantage: les Chimistes cantonaux vont travailler sur ce domaine. «On se rend compte que ce n’est que le début», explique Patrick Edder pour qui, clairement, le vent est en train de tourner sur ce marché. «Il s’agit encore de produits peu connus, mais nous suivons les organes d’évaluation des risques à l’étranger au sujet des effets toxiques. Il y a déjà eu des cas référencés aux États-Unis et en Angleterre.»
Pour l’expert, le seul avenir de ces huiles CBD est d’entrer dans la catégorie des phytomédicaments, avec une posologie claire et une autorisation délivrée par SwissMedic. Mais pour ce faire, il faut être en mesure de prouver les bienfaits pour la santé de manière irréfutable. À ce jour, un seul et unique médicament au CBD a obtenu une homologation: il s’agit de l’Epidyolex, autorisé aux États-Unis pour le traitement de formes rares d’épilepsie infantile précoce.