Sur le chemin de l'école

Le midi des adolescents, entre mythes et réalités

Symbole d’autonomie pour les 12-16 ans, la pause de midi ne se vit pas partout de la même manière. Entre contraintes budgétaires et offres inégales, la FRC s’est intéressée à ce que «choisir» signifie vraiment pour les jeunes du secondaire 1. Enquête en deux temps.

Alimentation Pub et arnaques Marketing ciblé

04 novembre 2025

Sur le chemin de l'école

Mon fils mange parfois avec ses copains ce que je considère être de la malbouffe, comme des tacos ou des kebabs. Malheureusement, nous lâchons une fois par semaine pour qu’il ne soit pas à l’écart des autres.» Cette observation d’une enquêtrice de la FRC est certainement partagée par de nombreux parents. Mais qu’en est-il réellement des habitudes alimentaires des adolescents à midi lorsqu’ils sont à l’école? Parmi les options envisageables: privilégier la cantine, apporter les repas de la maison, céder aux sirènes des sandwichs bon marché de supermarché et profiter de la moindre occasion pour se rendre au fast-food. Et de quel budget disposent-ils pour se nourrir? Pour comprendre leurs choix et les influences auxquelles ils sont soumis, la FRC a lancé une grande enquête en deux parties concernant les habitudes alimentaires des jeunes du secondaire 1 (12-16 ans) en Suisse romande.

 

Sommaire

Que disent les ados?

Il était important de connaître la perception des jeunes sur leur quotidien. Notre questionnaire a largement circulé auprès des élèves du secondaire 1. Appelé collège, cycle d’orientation ou école secondaire selon les cantons, ce niveau englobe les trois dernières années de la scolarité obligatoire. Pour beaucoup d’élèves, c’est le moment où ils sont amenés à se rendre plus loin que leur quartier ou leur village pour aller à l’école et où ils mangent de manière indépendante, hors de la maison ou d’une structure parascolaire. Un passage qui symbolise un peu plus de liberté, en somme. Il s’agit aussi d’un âge où la pression sociale de l’entourage amical se fait fortement sentir, tout comme l’influence grandissante des réseaux sociaux et de leurs contenus.

Nous avons récolté durant le mois de juin les retours de 78 adolescents, âgés de 12 à 16 ans, scolarisés dans les cantons de Vaud, Genève, Neuchâtel, Fribourg et Jura. Les questions portaient sur leurs habitudes durant la période scolaire ainsi que l’offre existante autour de leur établissement en termes d’alimentation et les raisons qui les poussaient à choisir leur repas de midi.

Les retours obtenus montrent que la majorité des 78 sondés se rend à l’école à pied ou en transports publics, pour un temps de trajet compris entre cinq et quarante minutes. Le budget disponible pour midi est inférieur à 10 fr. pour 66%. Ils sont 23% à suivre un régime particulier ou à présenter des allergies alimentaires. Des facteurs qui impactent le contenu de l’assiette.

Lieux et choix de repas

Les infrastructures dont l’école dispose ainsi que la distance entre le domicile et l’établissement scolaire ont une influence non négligeable sur les habitudes. Ainsi, 16 ados ne disposent tout simplement pas de cantine. Et parmi ceux qui ont cette solution, 30 élèves (48,4%) n’y vont jamais.

Des adolescents ont spontanément commenté la qualité et le prix de la cantine. Si un Vaudois a jugé les repas proposés par le restaurant scolaire très bons et variés, deux écoliers fréquentant d’autres collèges du canton estiment que les prix pratiqués sont trop élevés. Une adolescente, qui juge la qualité de la nourriture médiocre, souligne: «J’aimerais que mes parents goûtent ce qu’on mange!»

Certains élèves déclarent amener une lunch box. Leur établissement propose une salle où il est possible de réchauffer et manger des plats apportés de l’extérieur. «On s’est fait une fondue, une fois», commente un collégien vaudois.

Les supermarchés ont la cote

Le sondage révèle qu’un peu plus de la moitié des ados ne mangent jamais en dehors de la maison ou de la cantine scolaire, tandis que l’autre moitié prend ses repas à l’extérieur une à plusieurs fois par semaine. Lorsqu’ils mangent en dehors de la maison ou de l’enceinte scolaire, 82% des ados achètent leur repas chez Migros, Coop, Aldi ou Lidl. En deuxième option, ils se rendent en boulangerie ou dans des fast-foods.

Le sandwich accompagné d’une boisson de type thé froid ou coca s’inscrit comme «menu» numéro 1. Il est suivi par la tranche de pizza, le taco et le kebab. Seuls deux adolescents déclarent prendre parfois des salades. Les viennoiseries, snacks sucrés et bonbons sont également revenus à plusieurs reprises dans les réponses. Côté boissons, un sondé de 12 ans déclare acheter régulièrement un café, tandis que deux filles de 15 et 16 ans privilégient le Red Bull. Fait réjouissant, l’eau, gazeuse ou non, revient à plusieurs reprises.

Les facteurs d’influence

La dimension sociale influence fortement les choix alimentaires: près de 80% des sondés déclarent que passer du temps avec les copains est la première motivation pour manger dehors, devant l’envie de varier les choix et la perception que la nourriture est moins bonne à la cantine qu’ailleurs.

Le formulaire contenait aussi des questions concernant la publicité repérée en chemin et autour de l’établissement. Seuls 14 des 78 adolescents ont déclaré en avoir vu sur leur trajet et 7 ont identifié des publicités spécifiquement pour des fast-foods.

La publicité fait tellement partie de leur quotidien que la plupart des adolescents ne la remarquent plus.

Sandra Imsand

Responsable Enquêtes FRC

Que voient les enquêteurs?

Le deuxième volet de l’enquête portait sur l’analyse de l’offre alimentaire disponible autour des établissements scolaires. Entre septembre et début octobre, les enquêteurs de la FRC se sont rendus dans des lieux fréquentés par les élèves ayant répondu au questionnaire dans les cantons de Vaud, Genève, Fribourg, Neuchâtel, Jura et Valais. Dans un rayon de cinq à dix minutes à pied autour des écoles, un périmètre correspondant à un trajet raisonnable lors d’une pause de midi d’une heure, ils ont recensé les commerces d’alimentation et relevé les éventuelles offres «étudiant» proposées. Ils ont aussi observé la présence de publicités, avec la mission d’identifier dans quelle mesure elles ciblent les jeunes.

Ce volet met en évidence une différence marquée entre les milieux urbains et ruraux, tant sur le plan de l’offre alimentaire que publicitaire. Dans les petites localités, les options sont limitées: les élèves rentrent plus souvent manger à la maison et sont peu exposés à la publicité. En ville, au contraire, la densité des commerces et la présence accrue d’affiches leur offre certes plus de choix mais les expose à davantage de malbouffe. Si peu d’adolescents ont déclaré avoir remarqué la publicité, nos relevés montrent qu’elle est bien présente.

Durant ce travail de terrain, McDonald’s est sans conteste l’enseigne la plus visible dans l’espace public à proximité des collèges. L’omniprésence de la marque et son influence, déjà relevées par la FRC lors de précédentes enquêtes, se confirme une fois encore.

Les enquêteurs ont relevé toutes les publicités et lieux visant les jeunes.

PETITS VILLAGES | À Vicques (JU), pas grand-chose à signaler. Autour de l’école secondaire du Val-Terbi, qui accueille environ 270 élèves, on ne trouve qu’une épicerie Volg et un bar à café. Aucune publicité n’a été relevée aux alentours. L’enquêteur, présent sur place durant la pause de midi, a estimé que les sept huitièmes des élèves étaient aux arrêts de bus pour se rendre en direction de Courroux-Delémont ou de Courchapois-Montsevelier. Seul un petit nombre est parti à pied. Dans cet établissement, les élèves ont visiblement pour habitude de rentrer chez eux pour le repas. À Puidoux (VD), autour du Collège du Verney, la situation est similaire: une Migros, un Landi et un restaurant à proximité, sans offre étudiant ni publicité alimentaire notable.

VILLAGES UN PEU PLUS GRANDS | L’exposition aux lieux de restauration et à la publicité augmente légèrement. À Préverenges (VD), le collège se trouve près de la route cantonale reliant Lausanne à Morges, et les élèves passent à proximité d’une grande affiche pour une boisson sucrée au citron de la marque Elmer. À côté de l’établissement, une boulangerie, un restaurant et une Migros accessibles à dix minutes à pied offrent quelques alternatives au repas à la maison.

Les élèves fréquentant le Collège de la Combe, à Cugy (VD), viennent de quatre villages. Beaucoup rentrent chez eux en bus, à vélo ou à trottinette. À proximité immédiate de l’école, on retrouve Migros, Denner, une boulangerie et un kiosque. Deux food trucks sont présents deux fois par semaine et proposent poulet-frites et kebabs. Plusieurs lieux situés à un ou deux arrêts de bus du collège offrent aussi à boire et à manger. La stationservice Avia propose une promotion sur les boissons énergisantes (3 achetées, 1 offerte), tandis que Giga Tacos, très populaire auprès de cette classe d’âge, offre un menu sandwich et boisson à 8 fr. L’espace pour l’affichage publicitaire est limité dans le village, mais deux affiches sont néanmoins visibles le long de la route, une pour McDonald’s (à 13 minutes en bus), une autre pour le maté El Toni.

VILLES MOYENNES ET GRANDES | La variété de lieux et le nombre de publicités augmentent sensiblement. À Morges (VD), autour du Collège de Beausobre, aucun établissement proposant à manger ne se trouve à moins de cinq minutes à pied, mais l’accès au centre-ville ou au lac en bus permet de rejoindre rapidement de nombreuses options. L’école se situant près de la sortie d’autoroute sur un axe très fréquenté, les enquêteurs ont relevé 20 publicités dans le quartier. En période d’ouverture de la saison culturelle, on y trouve des affiches pour promouvoir des spectacles et du théâtre, certains pour le jeune public. Parmi les publicités alimentaires, deux se détachent: l’une pour les tomates «De la région» de Migros, et l’autre pour McDonald’s. Cette dernière, positionnée le long du trajet emprunté par le bus allant dans le quartier de la gare où se situe le fast-food, promeut les «McDeals» et incite à télécharger l’application pour bénéficier d’un rabais jusqu’à 50%.

Offre foisonnante à Lausanne autour du Collège des Bergières.

À Lausanne, l’offre devient foisonnante. Au Collège des Bergières, au moins sept lieux de restauration sont accessibles à cinq minutes à pied, parmi lesquels Coop, Migros, mais aussi des kiosques, food trucks, restaurants et boulangeries. Une offre étudiant y a été repérée: panini et boisson pour 8 fr. 40. Un restaurant indien propose, quant à lui, le plat du jour et une boisson pour 13 fr. 50. Les élèves sont aussi confrontés à plus de 20 affiches publicitaires dans le quartier, dont deux ciblent directement l’alimentation: l’une met en avant les produits bio d’Aldi, l’autre promeut les burgers au poulet de McDonald’s.

Au centre-ville de Lausanne, au Collège du Belvédère, la densité augmente encore, avec de nombreux restaurants, épiceries, kiosques et food trucks. Denner et Migros sont à proximité. Une seule offre étudiante a été identifiée: pizza ou burger avec un soda pour 10 fr. «Il n’y a vraiment pas beaucoup de choix sains pour un enfant aux alentours, sauf peut-être chez Migros s’il décide de s’acheter une salade», synthétise l’enquêtrice.

 

Il n’y a vraiment pas beaucoup de choix sains pour un enfant aux alentours, sauf peut-être chez Migros s’il décide de s’acheter une salade

F.

Une enquêtrice de la FRC

Les publicités sont omniprésentes dans le quartier, avec une trentaine d’affiches couvrant des thèmes variés: crédits, événements culturels, ainsi que des activités destinées aux jeunes. On y repère également des promotions alimentaires, notamment pour Aldi et Lidl. Autour du collège, McDonald’s déploie un marketing particulièrement agressif. McDeals et Burgers au poulet «jusqu’à la dernière miette», promet l’affiche format mondial. Nos enquêteurs ont relevé cinq publicités pour le géant du fast-food, dont une fois deux côte à côte. A-t-il à ce point besoin de se faire remarquer?

S’il n’y a pas de lieux pour se restaurer à proximité immédiate du Cycle d’orientation de Jolimont à Fribourg (FR), cet établissement se situe à moins de dix minutes à pied de la gare, sur un axe bien desservi par le bus. Sont donc rapidement accessibles plus d’une dizaine d’endroits pour manger: Coop, Migros ainsi que les fast-foods Burger King et McDonald’s, kebabs, tacos et d’autres restaurants. La publicité est aussi bien présente, soit par de l’affichage soit par le biais d’écrans aux arrêts de bus qui font défiler des réclames, mais elle ne cible que peu directement les adolescents. Parmi celles liées à l’alimentation, on relève deux affiches: l’une pour Lidl, mettant en avant son offre de produits suisses, et l’autre pour McDonald’s, situé à sept minutes à pied du cycle, promouvant les McDeals avec le slogan accrocheur: «Rien ne vaut un burger», illustré par une image du sandwich.

Autour du Cycle d’orientation des Collines à Sion.

À Sion (VS), autour du Cycle d’orientation des Collines, il existe plus d’une dizaine de lieux, dont une crêperie, et plusieurs offres étudiantes: mini-crêpe et boisson 2 dl pour 20 fr., ou, dans deux boulangeries, un rabais de 10% sur certains sandwiches et boissons. La publicité porte sur l’offre culturelle.

Autour du Collège Numa-Droz, à La Chaux-de- Fonds (NE), les élèves n’ont que peu de choix. On trouve moins de cinq restaurants et cafés, ainsi qu’un kiosque, mais zéro offre étudiante. La gare et le centre-ville sont à plus de dix minutes à pied. Aucun affichage publicitaire n’a été relevé.

Pour garantir l’accès à une alimentation saine, il faut agir sur l’offre, les prix et l’environnement publicitaire.

Rebecca Eggenberger

Responsable Alimentation

Meyrin (GE), les élèves du Cycle d’orientation de la Golette trouvent une petite Coop, un restaurant, une boulangerie ainsi qu’une station-service dans un périmètre de cinq minutes à pied. Une offre bien maigre pour un établissement qui accueille 762 élèves. Il y a fort à parier que les élèves rentrent manger chez eux. L’enquêtrice n’a relevé que la publicité de la Caisse genevoise pour l’alimentation qui promeut une alimentation durable et solidaire.

Commentaire: un défi de taille

Notre enquête met en lumière plusieurs questions cruciales: comment assurer aux jeunes, quels que soient leur budget ou leur lieu de vie, l’accès à une alimentation saine? Quelle est l’influence visible ou diffuse de la publicité autour des écoles et sur les écrans?

Dans le cadre de la scolarité obligatoire, de nombreux efforts ont permis de donner accès aux élèves à une alimentation équilibrée: menus à la cantine, disparition des distributeurs automatiques dans les collèges et cours de cuisine. Mais pour beaucoup, l’expérience de l’école ne s’arrête pas une fois la porte de l’établissement franchie. Autour de l’école et durant leur pause, ils sont potentiellement soumis à une forte présence de malbouffe et livrés à eux-mêmes à un âge où les influences diverses (réseaux sociaux, cercle d’amis) sont prépondérantes dans les choix.

Ces moments sont aussi essentiels: ils participent à leur socialisation et à leur autonomie. Il importe d’accompagner ces apprentissages et de permettre d’explorer les choix, y compris ceux qui ne sont pas toujours les plus équilibrés.

Face à ces défis, il est essentiel que les autorités publiques ainsi que les acteurs économiques concernés réfléchissent ensemble à des solutions. Car si l’école joue un rôle central, la responsabilité d’une alimentation équilibrée se construit du foyer jusqu’à l’espace public.

Sandra Imsand et Rebecca Eggenberger

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