Herbicide

«Le glyphosate est plus toxique que ce qu'on pense»

Robin Mesnages, docteur en biologie au King’s College de Londres, est de passage en Suisse pour une série de conférences. Rencontre en marge du dépôt des 25 340 signatures déposées le 4 février aux services du Parlement, à Berne.
Alimentation Agriculture Enjeux collectifs Impact environnemental Santé

Archive · 04 février 2016

Le chercheur français Robin Mesnages travaille depuis de nombreuses années sur le glyphosate et l’herbicide Roundup.  Aux côtés du professeur Gilles-Eric Séralini, de l’Université de Caen, en France,  il est l’auteur des plus longues études jamais menées sur ces pesticides. Ses résultats sont très inquiétants.

Comment avez-vous commencé à travailler sur le sujet des glyphosates?

Le déclic a eu lieu à l’université, lorsque je suivais les cours du professeur Gilles-Eric Séralini.  J’ai trouvé qu’il s’agissait d’un sujet très intéressant: il n’était pas exploré du tout, alors qu’il touche tout le monde. Nous en trouvons à chaque fois que nous testons les urines. Nous avons commencé avec des tests sur des cellules humaines. Nous avons comparé la toxicité du glyphosate pur aux formules de pesticides vendues dans les jardineries ou utilisées par les agriculteurs.

Quels ont été vos résultats?

Nous nous sommes rendus compte que le pesticide formulé était beaucoup plus toxique – parfois mille fois plus –, que le glyphosate pur. Il faut savoir que ce qu’on appelle couramment le glyphosate est en fait le Roundup, à savoir le produit formulé, qui contient des adjuvants. Le glyphosate n’est jamais utilisé pur par les agriculteurs. Or, ces adjuvants permettent justement la toxicité de la formulation.

Quelles ont été les réactions face à votre étude?

Nous avons subi beaucoup de critiques. Mais cela ne nous surprend pas, car nous touchons à un sujet aux intérêts économiques énormes. Depuis, la réglementation commence à évoluer un peu.

Vous ne vous êtes pas arrêté là...

Nous avons fait l’étude de toxicité d’un OGM traité ou non, ainsi que du Roundup. La nourriture de rats contenait 11, 22 ou 33% d’OGM, et le Roundup était dilué dans leur eau de boisson, de la même manière qu'il peut être un contaminant dans l’eau pour les humains. Nous avons voulu réaliser cette étude car, dans ses tests de maïs OGM, Monsanto a pu voir des premiers effets sur le foie et les reins après seulement trois mois. Nous nous sommes dit qu’il fallait mener l’expérience sur deux ans, pour voir si les premiers signes de toxicité se confirmaient et si nous constations des pathologies. Nous avons effectivement vu arriver ces dernières dans ces organes. Les animaux traités au Roundup ou qui consommaient des OGM traités avec cette substance mourraient plus rapidement et développaient davantage de tumeurs. Nous avons pu conclure que le Roundup était toxique pour le foie et les reins.

Peut-on extrapoler sur l’humain?

On ne peut pas dire que cela sera vrai dans tous les cas, mais quand on constate en étude un tel effet sur l’animal, par précaution, on n’expose pas les humains. Quand un animal de laboratoire présente des signes de toxicité, normalement, on ne poursuit pas la commercialisation du produit.

Que s’est-il passé dans ce cas-là?

Il aurait dû y avoir des réactions au niveau des gouvernements. Or, il y en a très peu eu. Nous nous sommes fait critiquer. En moins de 24 heures, tous les lobbyistes de Monsanto et de l’industrie nous sont tombés dessus pour nous dire que l’expérience était fausse, truquée. Au cours de la première semaine, on a essayé de nous attaquer sur nos données scientifiques. Nous avons répondu. Dans un second temps, des lobbyistes de Monsanto ont intégré le bureau éditorial de la revue. C’était supposé être secret, mais des messages ont fuité. Une personne, un ancien de Monsanto, avait demandé au rédacteur en chef de la revue de retirer l’article et d’analyser les données à nouveau. Cela ne se fait jamais, car l’article a déjà été évalué par des pairs.  Un an plus tard, nous avons reçu une lettre demandant le retrait de l'article, nous indiquant que nos données n’étaient pas incorrectes, que nos interprétations n’étaient pas erronées mais que notre étude n’était pas conclusive. C’est très étrange car une étude scientifique est rarement conclusive. On construit sur d’autres études. Nous avons donc dû republier dans autre revue. Au final, l’histoire finit bien car ce lobbyiste de Monsanto a été renvoyé de la publication et le rédacteur en chef en a été écarté.

Le classement du glyphosate par le CIRC comme cancérogène probable en mars 2015 a donc été une victoire pour vous?

Oui! Le fait qu’une grande agence comme celle-là prenne les choses en main face aux pesticides et en fasse une analyse objective n’était jamais arrivé. Auparavant, les examens avaient été menés par les compagnies qui mettent le glyphosate sur le marché.  Or, un produit qui demande des années de développement ne sera pas retiré. Les sommes en jeu sont trop importantes.  Par conséquent, ces études-là ne sont pas crédibles. J’ai été très content de voir qu’une agence allait dans notre direction.

Pensiez-vous subir autant de pression en travaillant sur le sujet?

Non, pas à ce point-là. Ça a été assez loin. Nous avons été pris dans une tempête de critiques pendant  deux ans. Nous pensions qu’il y aurait débat et que d’autres études seraient faites, mais non.

Suite à vos études, quelle est votre position personnelle face à ces pesticides?

J’essaie de faire attention à ma santé. Mon alimentation a changé. J’essaie de manger bio et de préparer moi-même mes aliments.

Est-il important d’interdire le glyphosate?

Il s’agit d’une question très délicate, car on ne sait pas si les alternatives sont plus toxiques. Certaines le sont assurément. L’idéal serait de changer de système agricole pour un système sans pesticide. Quoi qu’il en soit, le glyphosate est clairement plus toxique que ce qu’on pense et que ce qui est admis. De plus, l’humain y est beaucoup plus exposé que ce qu’on pensait.  J’estime que le glyphosate devrait être interdit immédiatement dans les espaces à proximité d’enfants, ainsi que pour les privés. Par ailleurs, je ne suis pas opposé aux initiatives qui poussent à l’interdiction totale et à la réévaluation de cette substance. Sinon, les choses ne bougeront pas.

Que peut faire le consommateur?

Il doit pousser pour que les gouvernements agissent. Consommer bio est un geste politique. Si tout le monde arrêtait d’acheter des mauvais produits, l’industrie arrêterait d’en produire.

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