Vente forcée
Le coup du toner
Archive · 02 décembre 2015

Au départ, le subterfuge paraît subtil: les démarcheurs se font passer pour une association à but non lucratif, Smav; ils prétendent revendre du matériel d’impression neuf, inutilisé dans les écoles en raison d’un changement du parc informatique. Ils expliquent pouvoir ainsi pratiquer des prix très concurrentiels. Leurs victimes de prédilection sont des petites et moyennes entreprises, des institutions accueillant des personnes handicapées, des médecins, des géomètres, voire des garagistes, dont les secrétaires pensent conclure une bonne affaire. Selon plusieurs sources parvenues à la FRC, il s’agit en réalité plutôt de toner ou de cartouches d’encre reconditionnées vendues au prix des originaux.
Liste des entreprises en question
Des noms et des rues qui se recoupent: voici la liste des sociétés qui nous ont été mentionnées et le ballet de leurs boîtes aux lettres (mise à jour septembre 2020).
Au fil du temps et à mesure que la ruse s’évente, le ton se durcit: les démarcheurs appellent pour annoncer de but en blanc qu’ils sont prêts à livrer le matériel d’impression. Lorsqu’une téléphoniste soupçonneuse s’étonne, ils assurent qu’un membre de l’entreprise a bien passé commande, vont jusqu’à la menacer de poursuites, voire à l’insulter. Quelques jours plus tard, paquets et factures arrivent à destination.
Le contrat est nul
Sur le plan juridique, l’affaire est claire. Il s’agit d’envoi de matériel non commandé, sanctionné par l’art. 6a du Code des obligations (CO) et lorsque le numéro est accompagné de l’astérisque, de démarchage téléphonique trompeur, contraire à la Loi contre la concurrence déloyale (LCD, art. 3 al. 1). En général, les victimes peuvent également prétendre qu’elles n’ont pas manifesté leur accord à la conclusion du contrat (CO, art. 2 et 4) et peuvent donc invoquer sa nullité.
Les choses se corsent quand il s’agit de remonter la piste de ces entreprises aux méthodes discutables. Car elles ont l’art de se cacher derrière des raisons sociales opaques et volatiles. Elles échappent ainsi aux sanctions du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). Comme les cibles visées sont des entreprises et non des consommateurs, la FRC renvoie en effet les plaignants à l’institution étatique, qui est habilitée à agir sous certaines conditions: «Le Seco peut prendre des mesures judiciaires contre des entreprises s’il dispose d’une certaine quantité de réclamations de la part de personnes concernées et s’il a un fort soupçon qu’un comportement déloyal existe», explique Antje Baertchi, cheffe de la communication.
Or, comme visiblement ces entreprises changent régulièrement de lieu et de nom, le nombre de plaintes atteint difficilement le seuil critique pour déclencher une action. Elles ont également le chic pour brouiller les pistes. Pourtant, en examinant les inscriptions au Registre du commerce, les liens émergent peu à peu.
Ainsi, l’association de matériel scolaire Smav était établie à la Weinberglistrasse 4, à Lucerne, de novembre 2013 à février 2016. C’est aussi l’adresse mentionnée pour Öko Schweiz jusqu’en juillet 2014. Ainsi que pour Digitip, qui annonce cette adresse-ci sur son site internet actuellement, et ce pour les questions de garantie et de produits défectueux.
Selon le Registre du commerce, Digitip est pourtant logé à Murbacherstrasse 19 à Lucerne. Mais, sur leur site, l’adresse proposée se trouve être Steinenvorstadt 13 à Bâle. La même qu’Innova Print en octobre-novembre 2014, tout d’abord installée à Roostrasse 63 à Wollerau en août 2012. Aujourd’hui, et depuis août 2013, c’est Druck-Verband AG que l’on retrouve à cette adresse.
L’entreprise Innova Print a, elle, continué ses activités à Steinenvorstadt 53 jusqu’en juillet 2016. A la quasi même période, on découvre qu’Universal Print possédait aussi ses locaux à la même adresse, après avoir logé dans le même bâtiment qu’Öko Schweiz. L’un des administrateurs d’Öko Schweiz était par ailleurs en juillet-août 2015 l’un des dirigeants d’Universal Print (nom connu de la rédaction).
Les coïncidences ne s’arrêtent pas là: Universal Print a eu le même administrateur (autre nom connu de la rédaction) que Tonerpark, inscrite le 30 avril 2015 au Registre du commerce du canton de Bâle-Ville.
D'autres sociétés mises en cause
Parlons encore de SIO Media AG et Swiss Office Solutions AG, deux entreprises dont nos membres ont malheureusement eu affaire avec. La première se situe à Oberwil, la seconde à Engelberg. Tout du moins au Registre du commerce. Car sur le site internet de Swiss Office, l’adresse inscrite est Ringstrasse 9 à Allschwil. Et l’adresse de réclamation de SIO Media se trouve être, elle aussi, à Ringstrasse 9.
En juin 2018, une association d'aide et soins à domicile nous fait part de démarches douteuses de la part de Schweizerische RZ GmbH. Selon l'adresse apposée à l'email, celle-ci serait basée à Bâle, à la même adresse que Globalnet GmbH (voir ci-dessous). Mais sur le site internet, surprise, celle notée est une fois de plus... Ringstrasse 9!
La direction d’une association accueillant des personnes handicapées se plaint d’agissements de la part de Copedia cette fois-ci: la téléphoniste a été victime d’une agressivité toute particulière de la part du démarcheur. Copedia reconnaît l’incident mais le décrit comme un fait isolé. Contactée par la FRC, l’entreprise se distancie de tout lien avec les autres sociétés citées et les pratiques dénoncées. «Les maisons que vous citez nous sont connues, mais je tiens à préciser que Copedia n’a strictement rien à faire avec ces enseignes. Nous nous distançons également des méthodes ainsi utilisées (…)», nous écrit-elle.
Peu après l’appel, une autre société a contacté la même association. Il s’agit de Druckerstube24, qui semble vierge de tout lien direct avec ses consœurs, si ce n’est qu’elle est inscrite au Registre du commerce de Bâle-Ville et qu’elle marche dans les traces de Tonerpark en suivant le même modus operandi!
Plusieurs personnes se sont aussi plaintes de Büromedia GmbH et Globalnet GmbH. Quant à Offitec GmbH, ÖKW GmbH et BA Store GmbH, les noms ne sont apparus qu’à une seule reprise chacun, mais nos membres ne nous ont annoncé leurs pratiques que récemment, pratiques qui correspondent en tous points aux autres entreprises citées. La prudence est donc de mise.
Pour faire avancer le dossier de ces arnaques, n’hésitez pas à faire affluer les plaintes au Seco: fair-business@seco.admin.ch, en mettant la FRC en copie.
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