Brevets
Le business des brevets de fruits et légumes
Archive · 22 février 2011
L'histoire débute en 2002, alors qu'une nouvelle variété de brocoli aux vertus réputées anticancérigènes, développée par la société de biotechnologie anglaise Plant Bioscience, décroche le sésame de l'Office européen des brevets (OEB). Une première pour une variété végétale obtenue sans l'once d'une manipulation génétique! Et qui dit brevet dit également accès payant et plus restrictif non seulement à la semence mais aussi aux denrées alimentaires qui en découlent. Alors que le procédé habituel appliqué dans la filière, le Certificat d'obtention végétale, garantit un retour sur investissement pour le sélectionneur tout en laissant la ressource certifiée en libre accès à tous.
Après plusieurs recours et de nombreuses années de procédures - visant également une "tomate ridée" née par des procédés traditionnels de sélection dans les laboratoires du Ministère israëlien de l'agriculture -, ces brevets ont finalement été révoqués en décembre dernier par la plus haute instance de l'OEB, la Grande Chambre des recours. Sa sentence: une méthode de sélection conventionnelle ne peut pas être considérée comme une invention. Cette décision est une victoire dans la lutte contre la privatisation du vivant aux yeux des ONG, des agriculteurs et des consommateurs.
Toutefois, il est toujours possible de breveter une plante qui résulte d'un processus de sélection conventionnel. Car après la controverse des brevets sur les OGM, la tendance à certifier des plantes augmente. Fin 2009, on comptait en Europe 1300 brevets sur les plantes délivrés par l'OEB et 5000 demandes sont actuellement en cours. Sachant que trois multinationales, les américains Monsanto et Pioneer Hi-Bred, filiale de Dupont, et le suisse Syngenta contrôlent 40 à 50% du marché des semences protégées et que le dépôt de brevets est l'affaire d'une poignée de pays, il y a de quoi s'inquiéter.
Agriculteurs liés par contrat
Dans une perspective plus large, les semences agricoles prennent une place croissante dans les intérêts économiques des firmes de biotechnologies en qualité de ressources naturelles stratégiques. Des brevets prévus initialement pour l'industrie s'étendent progressivement aux plantes, voire aux animaux, transformant ces derniers en une propriété intellectuelle. Et ce qui auparavant était géré par les agriculteurs - de la sélection des variétés en passant par la production de semences, la culture et la commercialisation -, se trouve de plus en plus en mains de multinationales qui contrôlent toute la chaîne de production. Conséquence pour les agriculteurs: ils seraient, pour ainsi dire, plus que liés par contrat avec ces entreprises, avec la perte de liberté et les rapports de force inégaux qui en découlent!
Quant aux consommateurs, ils verraient probablement le prix des denrées alimentaires augmenter si le brevetage du vivant prenait de l'ampleur. Pour François Meienberg, de la Déclaration de Berne, "il faut une interdiction claire dans la législation concernant le brevetage de plantes ou d'animaux, de procédés de sélection, de matériel sélectionné et de denrées alimentaires provenant de plantes ou d'animaux". Pour le représentant de l'ONG suisse, une recherche publique indépendante dans la sélection de nouvelles variétés est vitale, notamment pour contrer le monopole de ces grandes entreprises.
Qu'en est-il en Suisse?
La loi helvétique sur les brevets diffère des règles européennes. Elle assure le libre accès de la plante brevetée à la recherche, mais pas à la commercialisation. D'autre part, l'agriculteur peut produire librement les semences pour ses propres besoins. La création de certaines variétés est assurée par la recherche publique, travail de longue haleine puisqu'il faut compter environ une quinzaine d'années de recherche pour l'obtention d'une nouvelle variété. Toutefois, les décisions de l'Office européen des brevets sur la brevetabilité des plantes sont aussi valables en Suisse.
En quoi le brevet se distingue-t-il d'un certificat d'obtention végétale? Décryptage
Différences en Europe | ||
COV (Certificat d'Obtention Végétale) | BREVET | |
Tout sélectionneur peut utiliser librement la variété protégée pour en créer une autre | > | Nécessité d'obtenir l'accord du détenteur du brevet et, dans l'affirmative, d'acquitter des droits pour utiliser la variété à des fins de création variétale |
Possibilité d'utiliser librement la variété à titre expérimental, sans production | > | Autorisation nécessaire pour utiliser la variété à titre expérimental, même sans production commerciale |
Possibilité pour l'agriculteur de réutiliser -sous certaines conditions- le produit de sa récolte pour ensemencer la suivante ("semences de ferme") | > | Possibilité pour l'agriculteur de réutiliser -sous certaines conditions- le produit de sa récolte pour ensemencer la suivante ("semences de ferme") |
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" La FRC avait déjà pris position en 2002 contre les brevets sur le vivant
Liens pertinents:
" Toscanella et autres campagnes liées à la multinationale suisse
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