Santé

L’automédication à la ménopause? Mauvaise idée

Trois médecins ont jugé les ingrédients de huit préparations pour soulager les premiers symptômes. Leur verdict: certaines sont d’une utilisation potentiellement risquée.
Santé

Archive · 09 mai 2023

Elle s’invite dans la vie des femmes à la cinquantaine, mais peut aussi survenir plus tôt. La ménopause a de nombreux visages et sa venue se manifeste de multiples manières. Bouffées de chaleur, sautes d’humeur voire état dépressif, prise de poids, risque accru d’ostéoporose, de maladies cardiovasculaires, baisse de libido, sécheresse vaginale, troubles du sommeil, douleurs articulaires: une liste non exhaustive de symptômes dont l’intensité varie de manière très personnelle. Pour obtenir un soulagement rapide, on voudrait acheter un remède en pharmacie ou sur internet. C’est d’ailleurs ce que la FRC a fait: sans avoir eu le moindre entretien de santé avec un médecin ou un pharmacien, elle s’est procuré huit traitements en rayon ou sur des sites spécialisés dans la vente de compléments alimentaires.

Les préparations achetées contiennent quatre catégories d’ingrédients: des phyto-œstrogènes – soit des composés produits par les plantes ayant une activité hormonale –, des vitamines, des minéraux et des extraits de plantes ou d’huiles végétales. En tout, nous avons soumis 26 composés aux doctoresses Carole Nicolas (Hôpitaux universitaires genevois, HUG), Karine Dubrit (Clinique La Prairie à Clarens, VD) et Anna Surbone (Centre hospitalier universitaire vaudois, CHUV).

«Beaucoup de gens croient, à tort, que les remèdes à base de plantes sont sans danger.» Anne Onidi, spécialiste Tests comparatifs

Pour apaiser certains symptômes, la médecine classique propose, entre autres, une supplémentation hormonale. Or ce traitement n’est pas adapté aux femmes ayant développé un cancer hormono-dépendant (sein ou ovaires), avec des prédispositions à ce type de cancer ou présentant des risques de thrombose. Trois préparations du panel contiennent des phyto-œstrogènes de soja (isoflavones) dont l’utilisation est potentiellement risquée. Les autres nécessitent un suivi médical.

Certains produits, parfois mis en avant par des publicités riches en promesses, coûtent cher et ne sont pas remboursés par l’assurance-maladie (hors prescription médicale), notamment en raison du manque d’études scientifiques et de contrôles à leur sujet. Il est donc conseillé de bien se renseigner avant d’acquérir ce genre de préparation, auprès de son gynécologue ou de son pharmacien, afin d’éviter une surprise.

Infographie utilisation risquée

À leur sujet, les trois médecins sont unanimes: la prudence s’impose. En cause leur teneur en isoflavones de soja. Beaucoup moins contrôlées que les hormones de synthèse, les préparations à base de phyto-œstrogènes soulèvent en effet des problèmes de sécurité. «Avec elles, on ne sait pas ce que la patiente ingère en termes de quantité et de qualité. Les hormones de synthèse sont, elles, beaucoup mieux surveillées», résume Carole Nicolas.

Karine Dubrit partage cet avis et recommande également de faire attention aux aliments contenant du soja car il peut être inducteur du cancer du sein. Pour elle, il faut limiter la consommation de tofu, de produits vegan et/ou hyperprotéinés. Trois préparations contiennent des isoflavones de soja et sont donc à considérer avec méfiance. À noter que les contre-
indications figurent sur l’emballage.

Les plantes cimicifuga, sauge, trèfle rouge, igname sauvage et l’extrait de pollen ont des principes actifs connus pour le traitement des symptômes de la ménopause.

Mais les preuves quant à leur efficacité font défaut. Et leurs effets sur la santé ne sont pas encore bien cernés. À ce jour, il est difficile de savoir s’ils agissent de la même manière que les isoflavones et s’ils représentent donc les mêmes dangers…

Pour l’heure, il n’existe aucune contre-indication. Les médecins peuvent prescrire des préparations à base de cimicifuga et de sauge et des patientes en font des retours positifs.

Le Menolesse contient, lui, de la vitamine E. Cette substance, Karine Dubrit déconseille de la prendre sans suivi ni dosage préalable car cet antioxydant est déjà bien présent dans l’alimentation.

Bien de consommation courante ou médicament?

Catégoriser les produits disponibles sur le marché afin de savoir quelles dispositions légales sont applicables peut constituer un vrai casse-tête. Il existe en effet une zone grise, avec une marge d’interprétation importante. Cette problématique est relativement délicate puisque des exigences différentes s’appliquent à la commercialisation et à la surveillance du marché et que seule une classification correcte est à même de garantir que les consommatrices sont protégées contre les produits soumis à des contrôles insuffisants.

Vitamines et sels minéraux

À côté des principes actifs, des ingrédients notables sont à signaler dans les huit références analysées. Certains sont pertinents, d’autres inutiles, mais ils restent sans danger pour la santé.

La vitamine D associée au magnésium aide à prévenir l’ostéoporose.

Les vitamines B1, B2, B6, B9 et B12 sont bien pour tout! L’acide folique (B9) est indiqué pendant la périménopause, une période où les règles sont souvent plus abondantes.

Outre qu’il aide à prévenir l’ostéoporose, le magnésium agit sur l’anxiété et la fatigue nerveuse.

Le calcium (déjà bien présent dans l’alimentation et les eaux minérales), luzerne, vitamine C, silice, bore, iode (inutile pour qui consomme du sel iodé), oligomères procyanidoliques, huile d’onagre, extrait de graines de lin.

À noter encore parmi les ingrédients, la maca, parfois conseillée pour améliorer l’humeur et faire grimper la libido. Ainsi que le fer, le zinc, les omega-3, des substances ayant un impact positif sur l’humeur.

Quelques clés du mieux-être

Les doctoresses Carole Nicolas (HUG), Karine Dubrit (Clinique La Prairie, Clarens, VD) et Anna Surbone (CHUV) se sont exprimées sur les compositions des produits de notre panel, elles ont aussi livré quelques conseils pour traverser cette étape importante de la vie.

CONSULTER | Il est important de parler à son médecin et à son gynécologue. Par ailleurs, certains centres de santé et hôpitaux proposent des entretiens et ateliers dédiés. Par exemple, les HUG, le Réseau hospitalier neuchâtelois et le Centre médical de fertilité, à Lausanne. C’est grâce au soutien médical qu’une patiente trouve ce qui lui convient le mieux en termes de traitement et de suivi.

PRENDRE LE TEMPS | Comme le recommande Karine Dubrit, «en tant que pratiquante d’une médecine holistique, qui ne dissocie pas corps et esprit, je préconise du temps et de l’énergie pour accéder à un mieux-être». Il en faut pour comprendre ce qui se joue et trouver les solutions les plus adaptées. Les aspects psychologiques de la ménopause sont également à prendre au sérieux.

ARRÊTER DE FUMER | Une bonne hygiène de vie est importante et cette période ne fait pas exception. L’arrêt du tabac est l’une des recommandations les plus répandues pour mieux vivre. La consommation d’alcool est aussi à revoir, particulièrement le soir.

ADOPTER UNE BONNE ALIMENTATION | Les compléments alimentaires ne se substituent pas à une alimentation saine, variée et riche en fruits et légumes. Le conseil prévaut à toutes les étapes de la vie et les besoins des femmes diffèrent en la matière. En effet, dès la quarantaine, la masse osseuse et musculaire diminue progressivement. Un apport suffisant en protéines, par exemple, est essentiel. Mais face aux symptômes parfois gênants de la ménopause, l’appel des compléments alimentaires peut être plus fort. Le site de la Société suisse de nutrition contient des conseils spécifiques et adaptés.

FAIRE DE L’EXERCICE PHYSIQUE | Autre ingrédient essentiel à une bonne hygiène de vie, l’activité physique régulière pour garder et retrouver la forme. Anna Surbone préconise au minimum des sessions de 3 fois 30 minutes par semaine.

MÉDITER | Et 20 minutes par jour! Encore peu ancrée dans les mœurs occidentales, la méditation est pleine de vertus. À la ménopause, le risque de développer des maladies cardiovasculaires augmente. Méditer permet de réduire le stress, les symptômes d’anxiété et d’irritabilité.

AGIR
SOUTENEZ NOS ENQUÊTES. ON S'OCCUPE DU RESTE.

Preuves à l'appui, la FRC provoque des changements concrets. Faites un don.

SOUTENEZ NOS ENQUÊTES. ON S'OCCUPE DU RESTE.
SOUTENEZ NOS ENQUÊTES. ON S'OCCUPE DU RESTE.

Continuer ma lecture

Cover_magazine

Poker Menteur

Prouvé par la science: vraiment?

«Testé dermatologiquement», «recommandé par les dentistes», «efficace 48 h»: les termes et les chiffres impressionnent ou rassurent. Que valent ces promesses sous leur vernis scientifique ? La FRC a envoyé ses enquêteurs de terrain partout en Suisse romande.
06 mai 2025 Communication trompeuse
Huiles

Huile d'olive

Le comparatif des huiles d'olive

Deux flacons parmi les moins chers du panel de 10 produits que la FRC a fait tester ne méritent pas l’appellation «vierge extra». Par ailleurs, les informations figurant sur l’étiquette ne permettent pas de choisir une huile de qualité. Test, reportage et conseils pratiques.
01 juillet 2025