1.7.2014, Laurence Julliard / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Les cahiers de vacances fleurissent. Faut-il pour autant investir temps et argent dans les révisions ? Point de vue de professionnelles.
En juin, les bulletins de notes ne sont pas encore imprimés que libraires et grands distributeurs anticipent la rentrée, mettant en valeur des linéaires de «cahiers de vacances». De la préparation à l’entrée en classe au bachotage pour les grands, aucun niveau ne fait défaut. On peut se concentrer sur une matière – la dictée, les maths ou l’allemand – comme opter pour un panachage sur l’essentiel du programme de l’année écoulée, jouer la carte du sérieux ou travailler sur un mode ludique. Privilégier un éditeur conforme aux programmes romands ou lui préférer les produits français de Nathan, de Bordas ou d’Hatier. Bref, le choix ne manque pas, mais la question est ailleurs: faut-il ou non succomber à ce produit de grande consommation?
Bon pour l’enfant ou pour le parent?
L’institut GfK, qui avait réalisé une étude sur le seul marché français en 2012, concluait qu’en six semaines les éditeurs avaient écoulé près de 4 millions d’exemplaires pour une population de 12 millions de jeunes scolarisés. En clair, un marché juteux de 25 millions d’euros. Reste à savoir à qui – de l’enfant ou du parent – s’adresse véritablement ce business.
«C’est pas moi qui l’ai demandé, c’est Maman qui me l’a proposé! répond fraîchement Amandine, 10 ans. L’an dernier, j’ai rempli quelques pages, après, j’ai arrêté.» «Pour bien faire, et pour autant que cela soit sa demande, il faudrait laisser l’enfant choisir son cahier de vacances, ajoute Stéphanie Fahrni, logopédiste à Lausanne. Il ne s’agit pas d’un outil qui doit répondre à un parent soucieux de la réussite scolaire de sa progéniture.» Valentine Schneider, enseignante dans des classes de niveaux 5e-6e Harmos à Froideville (VD), ne dit pas le contraire: «Les rythmes ont leur sens: il y a le temps de l’école et celui du repos. Les vacances, c’est un moment privilégié pour les activités à l’extérieur, le jeu, les copains et la famille. On peut tout aussi bien utiliser le quotidien – écrire une carte postale, faire une recette de cuisine, une bonne partie de Monopoly – ou participer à un camp nature pour consolider certaines notions et leur donner un sens.»
Cela étant, ces fascicules répondent aux besoins de certains enfants, soit très demandeurs d’activités parascolaires, soit inquiets à l’idée d’avoir tout oublié d’ici la rentrée. «A choisir, pourtant, je leur suggérerai plutôt un cahier de jeux: Sudoku, mots fléchés, livre énigme. Il faut cultiver la dimension plaisir», disent en chœur les deux professionnelles. Un chemin de traverse qui évite d’avoir à trancher entre un produit français – très attractif à l’œil mais dont la terminologie diffère et dont les enseignements sont traités parfois durant d’autres degrés –, et un Klorophile, parfaitement dans la cible… mais qui a tout de la fiche vue en classe.
«Qu’on adhère pleinement ou juste un peu aux cahiers de vacances, il y a quelques règles à respecter», défend Stéphanie Fahrni: ne pas considérer ces activités comme des exercices, encore moins comme une baby-sitter. L’enfant, d’autant plus s’il rencontre des difficultés scolaires, les surmontera mieux, sachant que le parent l’accompagne dans son fascicule d’été. Le chantage type «pas de cahier achevé, pas de piscine» est à proscrire et il faut se limiter à quinze à vingt minutes par jour. Pour les cahiers orientés purement sur les révisions, y consacrer la dernière quinzaine avant la rentrée suffit amplement. Faut-il vraiment préciser qu’anticiper l’année suivante est une hérésie?