9.7.2024, Propos recueillis par Anne Onidi
Patrick Badertscher est électrophysiologiste interventionnel à l’Hôpital universitaire de Bâle. Il y dirige également un groupe de recherche à l’Institut de recherche cardiovasculaire. Ses investigations examinent les nouvelles technologies pour l’évaluation diagnostique et le traitement interventionnel des patients atteints de fibrillation auriculaire (FA*), le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent.
Quels sont vos domaines de recherche liés aux montres connectées?
J’ai dirigé la Basel Wearable Study, une vaste étude évaluant la précision diagnostique de cinq montres connectées de marques différentes pour détecter la fibrillation auriculaire (FA) sur une cohorte de 211 patients en situation réelle. La sensibilité et la spécificité pour la détection de la FA se sont révélées similaires entre les appareils. En revanche, le taux de tracés non concluants se situait entre 17 et 26%. Les principaux résultats ont été publiés dans le Journal of the American College of Cardiology. Cette étude a également permis la validation de deux nouveaux algorithmes d’intelligence artificielle.
Considérez-vous les montres connectées comme de bons outils de prévention de la santé?
Pas encore. Elles sont présentées comme des produits «style de vie». Le nombre de pas, le comportement en matière de sommeil, l’activité, etc. sont analysés et disponibles pour l’autosurveillance. Il n’a pas encore été démontré que cela se traduisait réellement par une amélioration de la santé. Nous menons actuellement un essai randomisé sur des personnes suivant un programme de fitness cardiaque. Notre but est de savoir si le fait de s’autocontrôler avec une montre connectée a un impact sur les facteurs de risques cardiaques tels que l’hypertension et le poids, par exemple.
«Les technologies portables vont jouer un rôle croissant en cardiologie. Il est important de rester informé. Sans sous-estimer l’impact d’une bonne hygiène de vie sur la santé cardiaque. Pratiquer une activité physique suffisante d’au moins 30 minutes à raison de 3 fois par semaine est la clé.» Patrick Badertscher, électrophysiologiste interventionnel.
Ces appareils présentent-ils des caractéristiques intéressantes?
Les fonctions électrocardiogramme (ECG) des montres connectées sont très prometteuses. Les appareils sont équipés d’algorithmes d’intelligence artificielle, en constante amélioration, pour la classification automatique des rythmes.
Faut-il toutefois être prudent avec ces appareils?
Les cliniciens doivent être conscients des limites, des risques et des pièges de cette nouvelle technologie. Tous les électrocardiogrammes présentant un résultat pathologique doivent être vérifiés par un médecin.
Quel message aimeriez-vous faire passer au sujet des montres connectées?
Ces dispositifs sont là pour durer. Les cliniciens doivent maintenant trouver des moyens de les intégrer de manière cliniquement significative dans la pratique quotidienne.
* La fibrillation auriculaire peut provoquer, outre des troubles cardiaques, des attaques cérébrales. Elle est causée par une sorte «d’orage électrique» dans le système de conduction du cœur. Les oreillettes et les ventricules «pompent» de manière désorganisée et généralement trop rapidement. Par conséquent, le débit cardiaque diminue.
Outre ses activités de recherche, le groupe de Patrick Badertscher a mis en place une plateforme d’analyse d’ECG à une seule dérivation pour les utilisateurs de montres connectées: Basel Wearable Clinic.