Événementiel
La grogne des festivaliers
Archive · 06 septembre 2022

Jean Busché
Responsable Économie et Nouvelles technologies
De vrais concerts partagés en vrai, cela avait manqué à tout le monde et leur retour fait du bien au moral. Lequel s’assombrit parfois face à certains aléas ou à des pratiques commerciales qui se retournent contre les festivaliers. Les consommateurs, solidaires durant les deux années de pandémie qui ont miné la scène culturelle, ne se sentent pas toujours pris en considération. Alors qu’un simple geste, une attitude plus conciliante et commerçante suffirait souvent à désamorcer un litige et à rendre compréhensif.
Les festivaliers paient de leur personne en faisant toutes les démarches et financent une solution dont ils sont captifs. C’est un non-sens !
Le «cashless», entre facilité et encoubles
Les manifestations sont de plus en plus nombreuses à bannir complètement l’argent comptant, à l’instar de Paléo, Venoge Festival ou Festi’neuch. En lieu et place, on utilise l’application Twint, le sans-contact de la carte de débit, un bracelet muni d’une puce électronique. Pour cette dernière option, le festivalier charge de l’argent sur la puce soit en créant un compte utilisateur, soit en se rendant dans un endroit dédié sur le site de la manifestation. Le recours à ce type de solution dite cashless (ou monétisation virtuelle) s’inscrit dans une tendance de fond qui rejoint de nouvelles habitudes de paiement. Si la solution séduit les organisateurs d’événements, c’est qu’elle facilite la gestion des caisses, évite les erreurs et améliore la rapidité d’exécution du service dans un contexte de très forte affluence.
Néanmoins, une solution digitale nécessite généralement dans le choix préconisé par l’événemment le téléchargement d’une application dédiée ou la création d’un compte utilisateur. Ces opérations génèrent des données et laissent des traces. Sous l’angle de la protection de la vie privée, le cashless contribue à vulnérabiliser le consommateur. D’autant plus dans un contexte où les vols d’informations personnelles se multiplient. Dans cette optique, les organisateurs devraient donc chercher à diminuer ce type de collecte.
D’un point de vue pratique, les encoubles sont diverses et variées. Notamment quand le réseau internet est saturé sur un site qui accueille 10 000 ou 35 000 personnes. Le trafic rend une transaction, ou la recharge d’une puce, chronophage et exaspérante, au détriment du plaisir de vivre l’événement. Les conditions de remboursement d’un avoir inutilisé ou d’une consigne sont arbitrairement fixées et dans un délai imparti à la fois trop court pour le client – 15 jours pour réclamer un avoir non dépensé, p. ex. – et bien assez long pour le festival, jusqu’à une semaine pour rendre l’argent lié à une consigne ou un solde d’avoir.
Se voir imputer des frais liés à l’activation d’une puce électronique pour pouvoir consommer plutôt que d’offrir différentes modalités de paiement irrite également. À ce titre, le Venoge réclamait 1 franc avant le début des festivités, puis 3 francs en cours de manifestation. Les festivaliers qui n’ont pas été correctement mis en garde au moment de l’achat des billets ont grimacé.
Le cashless constituant avant tout un avantage pour les organisateurs, la FRC est d’avis qu’imputer au consommateur des frais et des désagréments pour lui donner la possibilité de dépenser dans l’enceinte du festival constitue un non-sens. Qu’on s’en souvienne pour 2023!
Améliorations souhaitables
La FRC plaide pour différentes mesures favorables aux festivaliers.
- Mise en place de solutions qui n’exigent pas la création d’un compte.
- Recours à des moyens de paiement multiples (via smartphone, cartes de débit/crédit) pour faciliter les démarches et mettre tout le monde sur le même pied.
- Possibilité de charger le système cashless avec des espèces. Idem pour se faire rembourser.
- Dates limites de remboursement étendues.
- Proactivité de l’organisateur dans la communication des modalités de paiement/ remboursement.
Annulations
Ce que dit la loi
«Les billets ne peuvent être ni échangés ni remboursés, même en cas de modification ou d’annulation d’un groupe.» C’est en gros la teneur de la plupart des conditions générales des organisateurs, comme celles de Rock Oz’Arènes. Les fans de Placebo ont réagi sur les réseaux sociaux, lorsque la tête d’affiche a déclaré forfait. À raison. Malheureusement, une telle exclusion est licite car le festival est maintenu dans son ensemble et le concert remplacé. Les mécontents sont livrés à eux-mêmes pour revendre leur billet. L’absence d’une communication directe et claire ou d’un geste commercial renforce le déséquilibre dans le contrat. Offrir une boisson ou un avoir dans la boutique atténuerait certainement les réactions. Surtout que les prix des billets ont subi une augmentation générale cette année!
Autre annulation, celle des Rolling Stones à Berne en juin. Sur les billets achetés auprès de la billetterie officielle Ticketcorner, une indemnité de 5 fr. a été déduite du remboursement au titre de «frais extraordinaires liés à l’annulation». Durant le Covid, la billetterie avait prélevé la même somme. Et l’avait reversée aux organisateurs par solidarité. Ticketcorner a adapté ses conditions générales en prévoyant cette retenue dans les cas de force majeure. Cet élément doit rassurer les fans déçus: Mick Jagger malade, même du Covid, n’est pas un cas de force majeure. La ponction de 5 fr. n’est pas justifiée et l’indemnité doit être rétrocédée. La FRC a interpelé la billetterie pour savoir comment et dans quel délai elle allait procéder. Tenez-vous prêt·e à avoir des
nouvelles.
Marché gris
Le retour en plein des concerts et événements sportifs s’est accompagné d’une recrudescence d’offres de billets à prix majorés sur des plateformes de revente. La Confédération s’illustre par son laisser-faire et de nombreux internautes se font piéger. La France et l’Italie ont pris des mesures qui empêchent la revente de tels billets.
La FRC ne cesse de mettre en garde les internautes pour qu’ils prennent le réflexe de commander leurs billets sur le site du vendeur officiel. Elle rappelle que les sites de revente à prix majoré bénéficient d’un très bon référencement et misent sur la discrétion de leur nom sur leur interface. Le risque de confusion est d’ailleurs au cœur de la plainte pénale de la FRC de 2017 contre Viagogo toujours en cours d’instruction auprès du Ministère public.
Le même phénomène se produit sur Anibis, par exemple, qui intègre le moteur de recherche Google: les sites de revente du marché gris ou les intermédiaires comme Booking dans l’hôtellerie ressortent en tête des recherches.
Alltickets (plateforme de la société zougoise Povami Sàrl) fait aussi l’objet de réclamations pour des billets revendus plus cher. Gardez les deux yeux bien ouverts!
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