7.2.2018, Robin Eymann / Shutterstock.com
Mise à jour le 28.05.2018
L'équipementier français basé à Marin et Meyrin contraignait les clients à fournir une adresse e-mail ou un numéro de téléphone avant de passer en caisse. Le Préposé fédéral a été interpelé. Face à la pression, Decathlon est revenu en arrière
Mise à jour: victoire pour la FRC
Decathlon accède à la demande de la FRC
Depuis le 22 mai, Decathlon a cessé d’obliger ses clients à fournir leurs données personnelles pour pouvoir effectuer un achat dans ses succursales suisses. La FRC s’était insurgée contre cette pratique dès janvier et avait demandé dans la foulée à l’enseigne française de revenir en arrière et au Préposé fédéral à la protection des données d’intervenir. Ce dernier avait ouvert une procédure d’établissement des faits début mai. C’est une très bonne nouvelle pour les nombreux consommateurs qui s’étaient adressés à la FRC pour faire part de leur mécontentement. A l’heure où la protection de la vie privée est sur toutes les langues, c’est un signal très important vis-à-vis des autres entreprises qui souhaiteraient collecter des données personnelles.
Pour tous ceux qui auraient été forcé de donner leurs données pour acheter un produit chez Decathlon et qui ne souhaitent plus avoir un compte, il est possible demander la suppression de ses informations personnelles en vertu de l’article 5 de la loi sur la protection des données. Une lettre-type se trouve ici
Mise à jour: réaction du préposé
Le 7 mai 2018, le Préposé a annoncé avoir ouvert une procédure, ce qui réjouit la FRC et confirme qu’il y a matière à réflexion au niveau de la protection de la vie privée.
Les consommateurs sont fâchés. Depuis fin janvier, l’enseigne spécialisée dans les articles de sport leur demande d’ouvrir un compte pour effectuer un achat dans ses filiales. Le magasin servirait de «test labo», selon la direction. Pour créer ce compte, chaque client doit fournir un e-mail ou, à défaut, un numéro de téléphone. Sans fournir ces informations personnelles, pas d’achat possible. La pratique a soulevé de nombreuses protestations, notamment du côté de la FRC. En cause: l’absence de liberté de choix. Une préoccupation d’autant plus brûlante que l’enseigne française étend son empire en Suisse. Après Marin, Decathlon a ouvert ce printemps une nouvelle filiale à Meyrin (GE) et a annoncé s’implanter à Villeneuve (VD) dans le courant du second semestre de 2019.
Afin d’y voir clair, des clients mystères FRC sont allés sur place pour tester le système. Ils devaient acheter un article, puis poser des questions quant à la nouvelle pratique pour rendre compte des arguments du personnel en réponse à leurs interrogations.
Pêche aux données
L’enquête montre qu’en plus de devoir fournir une adresse électronique, le client est invité à «finaliser son compte» en entrant ses nom, prénom et date de naissance. Cette pêche aux informations personnelles est inacceptable pour la FRC puisqu’elle est présentée comme nécessaire pour qui pense retourner dans ce magasin. Decathlon indique dans sa communication et en magasin n’avoir besoin que d’un «point de contact», sait-on jamais, mais de nombreuses questions restent ouvertes. Si le fait de finaliser son compte semble facultatif aujourd’hui pour continuer à fréquenter ce magasin, qu’en sera-t-il dans quelques semaines voire dans quelques mois? De plus, un client qui ne détient pas de compte ne peut choisir de recevoir ou non des envois promotionnels, des newsletters et autres publicités. Sur ce dernier point, Decathlon assure pourtant ne pas utiliser les données à des fins de marketing. Pour l’instant…
Face aux clients inquiets de transmettre des informations sensibles, Decathlon se veut rassurant, invoquant les lois sécuritaires en Suisse, plus restrictives qu’en France selon l’enseigne, pour justifier la pratique. Aux yeux de la FRC, l’argument paraît bien fragile, car cela impliquerait que les autres enseignes devraient adopter la même stratégie. Or ni Athleticum, ni Ochsner, ni SportXX n’exigent l’ouverture d’un compte pour effectuer des achats.
Autre élément qui interpelle: les données récoltées seront transférées en France, un pays pourtant soumis dès le 25 mai 2018 au nouveau règlement européen sur la protection des données, qui interdit clairement ce type de pratique. A terme donc, Decathlon devra renoncer à ce système ou rapatrier les données en Suisse, où la loi est plus permissive sur ce point. La FRC a rédigé un courrier à la direction française du groupe pour en savoir davantage qui n’a pas souhaité s’exprimer au nom de la filiale suisse.