La conso sur petit écran

En ce lundi 10 janvier, ça sent la rentrée au quai Ernest-Ansermet 20 à Genève. Mais les retrouvailles masquées sont vite écourtées: à 15 h, Linda Bourget s’installe sur le plateau. Un pschitt de laque, un coup de rouleau à habits, une gorgée d’eau, et «c’est parti pour le générique. Noir!» «Bonsoir, bienvenue dans À bon entendeur!»

Les trois caméras suivent habilement celle qui officie comme journaliste, productrice et présentatrice. Une prise pour beurre. Les séquences s’enchaînent avec fluidité, parfois en une fois, parfois en deux. L’émission préenregistrée va emmener les téléspectateurs en Italie pour découvrir les origines du tiramisu… et les quelques bactéries et additifs qui s’y baladent.

À J-1 de la diffusion, les reportages à Trévise ou l’interview du Chimiste cantonal ont évidemment été tournés en amont. Mais comment la narration s’est-elle construite? Rembobinage.

«Lorsque l’on a défini le sujet en équipe de rédaction, il était clair que le point principal serait la présence ou non de bactéries. D’où une immersion chez des restaurateurs et un focus sur la fragilité des œufs, le conditionnement. Et il nous semblait étrange de parler tiramisu sans évoquer l’Italie. C’est un reportage intéressant, notamment niveau images», souligne la productrice. 

Entre désir et concrétisation, cela demande du temps. ABE compte généralement deux semaines pour que les recherchistes vérifient que l’idée est applicable, qu’ils trouvent les lieux, les produits, les intervenants. Les tests «maison», avec ou sans collaboration, peuvent être finalisés en une semaine comme en un mois selon leur complexité, les vérifications et les contrôles, indispensables. Deux semaines de préparation sont allouées aux journalistes. Puis une semaine au tournage, une pour le montage et une dernière pour la post-production. Arrive finalement la semaine de l’enregistrement. 

Retour sur le plateau. Stéphane Fontanet, responsable des tests, rejoint Linda Bourget pour dévoiler les résultats. Chacun jette un dernier regard sur ses fiches. Cafouillages sur le mot Escherichia coli. De quoi s’en amuser, la caméra ne tournant pas. Deux prises. «Le timing est respecté?» interroge le chef plateau dans son micro à l’intention de l’équipe technique. «Ça vous a plu?» continue-t-il en direction du binôme filmé. Les têtes hochent de haut en bas; dans l’oreillette, cela semble être bon aussi. Les tiramisus cèdent la place aux couteaux de cuisine qui, contrairement aux desserts italiens qui trônent au congélateur durant trois mois en cas de contestation, sont disposés sur une table. Pour être du plus bel effet, ils reçoivent une petite beauté, entre dépoussiérage et lumière idéale. De quoi mettre en valeur un assortiment neuf, ceux du labo ayant été fort malmenés pour les besoins du test!

Droit à la réplique

Malmené, personne ne l’aura été sur le plateau: il n’y a aucun interviewé pour l’occasion. Néanmoins, chaque entreprise aura pu commenter son propre résultat, comme toujours. Et les commerces sont avertis avant la diffusion. «Certains demandent à en savoir plus quand leur note n’est pas à la hauteur. D’autres ne se prononcent pas. En revanche, les gens viennent rarement sur le plateau quand ils s’en sortent mal!» sourit Linda Bourget. 

En ce lundi, aux alentours de 17 h, les applaudissements dans le studio sont nourris. Les consommateurs, silencieux devant leur écran, n’en sont pas moins fans: quarante-six ans que ça dure, le clap de fin n’est pas pour demain.