30.4.2019, Aude Haenni / Photos: Tina Sturzenegger/Ensectable
Autorisés depuis l’an dernier, les élevages peinent à se développer chez nous. Reportage en Argovie.
Nul ne pourrait se douter qu’à l’intérieur de cette jolie ferme à colombages, au centre du village d’Endingen (AG), se joue ce que certains pensent être le futur de l’alimentation. Seul le panneau en fer forgé «Ensectable » témoigne discrètement d’un élevage d’insectes comestibles. Bio de surcroît au vu du bourgeon affiché à l’entrée.
Après avoir travaillé avec d’autres élevages traditionnels, Benjamin Steiner mise sur ce nouvel aliment.
Dans la première salle, un chant caractéristique nous fait rapidement comprendre que nous sommes en présence de grillons. Benjamin Steiner, l’un des trois entrepreneurs, ouvre un des bacs imposants où son de blé, salade du paysan du coin et dépôt de bière nourrissent 2000 bébêtes, pourtant bien difficiles à observer. «Elles n’aiment pas la lumière, et se cachent rapidement dans la sciure et sous les cartons d’oeufs», nous apprend-il.
La visite continue alors au sous-sol, où règnent une odeur alléchante et une température de 24 °C. Dans l’un des cageots rouges s’agitent sans gêne des coléoptères, destinés à produire les vers de farine, grignotant des carottes et s’agglutinant autour du point d’eau. «Une fois par semaine, nous séparons les oeufs des insectes», explique l’ancien vétérinaire désignant un autre cageot où l’on ne devine que quelques infimes mouvements.
Chaque colonne correspond à une semaine de plus dans la vie des vers de farine, jusqu’à atteindre une taille consommable. Soit 16 semaines. Les grillons, eux, sont récoltés plus rapidement, entre 12 et 14 semaines. Triés, Tenebrio molitor et Acheta domesticus sont ensuite congelés à -12°C, cuits à 80°C durant 5 à 6 minutes, puis recongelés. «La température et le temps de cuisson ne sont pas idéaux… déplore l’éleveur. Nous pensons qu’il y a mieux pour enrichir la qualité gustative.»
Des conditions d’élevage à l’abattage en passant par le stockage, les normes établies par l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires sont strictes. L’explosion de saveurs attendra. Ensectable s’en tient à la réglementation et se focalise sur le bien-être et la durabilité de son élevage. C’est à l’entreprise Essento que revient le travail de la matière première argovienne, revendue telle quelle ou transformée en burgers, boulettes et barres fruitées.
La larve, plus couramment appelée ver de farine, se consomme sous forme de farine ou entière.
Quant aux criquets, eux aussi autorisés en tant que denrée alimentaire depuis le 1er mai 2017, ils ne sont pour l’instant pas au programme de la start-up. «Produire un kilo d’insectes, c’est facile, mais 100 kilos, c’est autre chose! Cela fait un peu plus d’une année que nous nous sommes lancés, curieux, et aujourd’hui, tout est encore nouveau, sourit Benjamin Steiner. Nous allons attendre quelques années, et peut-être que d’ici là, d’autres insectes intéressants pour l’être humain feront leur apparition en Suisse!»