"Il faut diversifier la consommation de poisson!"

La loi n'oblige pas les restaurateurs à afficher la provenance des poissons qu'ils servent. Qu'en pensez-vous?
C'est une lacune qui permet à certains restaurateurs peu scrupuleux de vendre des filets importés au prix de ceux du Léman. A ce stade-là, j'estime que c'est une fraude! Prenez les vins: un Côte du Rhône et un Saint-Emilion sont mentionnés en tant que tels sur la carte et sont vendus à des prix différents. Malheureusement, je connais peu de restaurants qui servent des perches du Léman et des perches importées à des prix différents. L'affichage de la provenance devrait être exigé. Cela profiterait tant au consommateur qu'au pêcheur, dont le travail serait ainsi mieux mis en valeur.

A qui vendez-vous vos poissons?
Je ne les vends pas aux comestibles car ils font la pluie et le beau temps en matière de prix, qu'ils font varier en fonction de la production. Je préfère vendre moi-même tous mes poissons, au marché de Vevey ou à la pêcherie, et si je ne n'y arrive pas, je les congèle. J'aime pratiquer la vente aux particuliers, cela amène des contacts et les remerciements font toujours très plaisir. Les restaurants, quand ils sont en vacances ou lorsque la chasse est ouverte, ne se préoccupent pas de ce qu'on pêche. C'est en été qu'ils commandent le plus. Encore faut-il arriver à attraper des perches à cette période!

Vendez-vous d'autres poissons du lac?
Autour du Léman, le poisson roi, c'est la perche! Pour les consommateurs qui en raffolent et pour les restaurateurs parce qu'elle est plus rentable. C'est dommage car il y en a d'autres très bons et peu exploités. Malheureusement, il y a assez peu de demandes. Par ailleurs, chez nous, les gens mangent très peu de poissons entiers et ils connaissent mal les espèces indigènes. Ils ont par exemple l'idée que le brochet est plein d'arêtes. C'est faux: s'il est bien préparé, les arêtes s'enlèvent facilement et sa chair est excellente. Mon épouse dit de lui que c'est une bonne à tout faire car on peut apprêter le brochet de multiples manières! Autre exemple, la féra. Elle est sous-exploitée alors qu'il y en a en abondance. Et il y a tant de recettes: poisson grillé, meunière, au gros sel, en filets, en papillotes, émincé, fumé.

Y a-t-il des différences entre les lacs suisses au niveau des réglementations de la pêche pendant la période de fraie?
Dans le Léman, l'interdiction de pêche est fixée chaque année entre le 1er et le 25 mai. Dans le lac de Neuchâtel, la pêche est autorisée à cette période, mais avec un matériel réduit. Il faut savoir que la période de fraie varie d'une année à l'autre en fonction de la température du lac. Cette année, elle a commencé le 15 avril. Durant la période de fraie, j'aimerais demander au plan d'aménagement piscicole de pouvoir pêcher avec des cages. Je ne trouve pas normal qu'au bord du Léman, les restaurateurs doivent servir des perches importées, alors que les touristes arrivent et que les terrasses ouvrent. Dans les années 1970 on pêchait en mai, mais cela a été supprimé pour cause de surexploitation. Maintenant les perches se portent bien.

Y a-t-il une différence de qualité entre les perches suisses et celles de l'est?
On sait dans quelle eau vivent celles du Léman! Le lac est extrêmement contrôlé et l'eau y est de très bonne qualité. Mais il faudrait tout de même laisser davantage de grèves naturelles, car seuls 3% des rives le sont. Le gravier est ramassé et les bords sont trop bétonnés. Les cailloux constituent un système autonettoyant qui permet à certaines espèces de poissons, comme les ablettes, de se développer. La CIPEL (Commission internationale pour la protection des eaux du lac Léman) a montré que les embouchures des rivières sont les endroits où il y a le plus d'espèces de poissons.

Quels sont les contrôles dans les pays de l'Est?
Y a-t-il des traces de métaux lourds ou de radiation? Nous n'en savons rien, à mon avis c'est là le problème principal. Au niveau de l'apparence, il n'y a en revanche aucune différence. C'est une idée fausse de penser que les poissons de l'Est sont plus grands. En Suisse aussi, on produit de grands filets. Mais les restaurants leur préfèrent les petits, car les arêtes sont imperceptibles.

On les consomme surtout meunière, mais y a-t-il d'autres manières de préparer les perches?
Oui, bien sûr! Lorsqu'on les cuisine entière, leur chair ressemble au loup ou au bar. On peut aussi les cuire en papillotes, au four, au grill et au court bouillon. A la Tour-de-Peilz, la perche se cuisine en désossée. Ce sont deux filets retenus par la colonne que l'on sale, poivre et farine et que l'on fait cuire dans l'huile ou le beurre puis que l'on déglace au vin blanc.

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