27.3.2018, Sandra Imsand / Les produits ménagers et les cosmétiques utilisent 24,2% de la production mondiale d’huile de palme. shutterstock.com
L’huile de palme est très utilisée dans les produits pour la vaisselle. Difficile pour le consommateur de le savoir.
Ingrédient contestable et contesté, l’huile de palme se niche partout. Son omniprésence dans l’alimentation est largement connue et décriée. Pour des raisons de santé, mais aussi pour des motifs éthiques liés aux problèmes environnementaux et sociaux que pose sa production. Ce désaveu marqué a d’ailleurs trouvé un nouvel écho au Conseil national, qui a largement accepté la motion Grin demandant d’exclure cette graisse de l’accord de libre-échange avec la Malaisie. Mais dans des domaines autres, peu de produits affichent la couleur. Raison pour laquelle la FRC s’est intéressée aux liquides vaisselle, voulant également vérifier à quel point les fabricants font preuve de transparence.
Le liquide vaisselle est soumis aux dispositions de l’Ordonnance sur la réduction des risques liés aux produits chimiques. En clair, le flacon doit faire figurer les agents de surface, les parfums, les agents de conservation, les allergènes. Détailler la composition ne fait pas partie des contraintes obligatoires.
Label aux ambitions insuffisantes
Nos enquêteurs ont tout d’abord relevé les liquides vaisselle disponibles sur le marché, ainsi que les ingrédients entrant dans la composition. Ils devaient s’assurer de la présence de logos tels que celui du RSPO (pour Roundtable on Sustainable Palm Oil), censé garantir une exploitation durable des cultures de palmiers à huile. Au total, une quarantaine d’articles ont été répertoriés. Mis à part deux produits arborant le logo RSPO, aucun autre n’indiquait de l’huile de palme. Nous avons ensuite écrit au service client des entreprises concernées comme tout consommateur soucieux d’éliminer cette substance de son quotidien: les produits en contiennent-ils, et si oui, en quelle quantité? Peut-on en connaître la composition?
Aldi gagne la palme de la transparence. Le discounter allemand a non seulement indiqué que les six produits de son assortiment étaient exempts d’huile de palme, mais a aussi envoyé les compositions détaillées. Vérification faite de l’étiquette, nous n’avons retrouvé ni cette graisse ni aucun dérivé. Leurs compositions ressemblent à s’y méprendre à celles des… gels douche. Autre réponse plutôt claire mais pas détaillée, celle de Denner (groupe Migros). Ses deux produits maison contiennent effectivement des dérivés de palme à hauteur de 5,44% dans la version 500 ml et de 2,83% pour le flacon d’un litre. Lidl a fait mieux en transmettant la réponse in extenso de son fournisseur pour les références W5, dans lesquelles figurent des matières premières partiellement ou entièrement fabriquées à partir d’huile de palme. En outre, le fournisseur assure adhérer au label RSPO. «En quinze ans d’existence, ce label n’a pas réussi à améliorer les conditions de production de l’huile de palme, nuance Laurianne Altwegg, spécialiste Environnement à la FRC. Si l’intention est louable, les directives ne sont pas suffisamment ambitieuses et leur caractère non contraignant est très problématique. D’autant que le système de contrôle et de sanctions est inefficace. De fait, le RSPO s’apparente davantage à du greenwashing donnant une image rassurante du produit qu’à une réelle solution pour rendre les cultures de palmiers à huile durables.»
Relation compliquée
Globus a déclaré laconiquement que ses produits ne contenaient pas d’huile de palme. Il ne fait pas mention des dérivés et il n’a joint aucune composition. Dans ces conditions, difficile de vérifier quoi que ce soit. Manor a transmis les informations de son fournisseur pour les produits Palmolive. Impossible, nous dit-on, de «vérifier l’origine et la production des matières premières à 100%. Ainsi, nous ne pouvons malheureusement pas exclure des ingrédients tels que les dérivés de l’huile de palme dans nos produits.» Pas de quoi nous éclairer!
Enfin, les réactions des deux plus gros acteurs du marché, Migros et Coop, présentent certaines similitudes. Ni l’un ni l’autre ne fournit de composition détaillée, «secret de fabrication» oblige. Leur relation à l’huile de palme semble compliquée. En effet, leurs réponses ressemblent à s’y méprendre à des justifications sur les avantages de cette graisse et le manque d’alternative satisfaisante, évoquant même chez Coop un «conflit d’objectifs». Au final, ils reconnaissent investir leurs efforts dans la nourriture plutôt que dans les cosmétiques ou les produits d’entretien. «Alors que les fabricants de produits agroalimentaires, acheteurs d’importantes quantités, peuvent exiger de leur fournisseur le respect de règles précises, y compris en matière de développement durable, les fabricants de produits non alimentaires, eux, ont beaucoup plus de mal à le faire, vu les faibles quantités en jeu et le degré élevé de transformations », justifie Coop.
Qu’en conclure? Que l’immense majorité des liquides vaisselle contiennent des dérivés d’huile de palme, transformés au point que même un laboratoire peine à les identifier. Aussi, si distributeurs et fabricants ne montrent pas patte blanche, le consommateur reste dans le flou. «Un point que la FRC et la Coalition suisse sur l’huile de palme feront valoir auprès du Seco. Ce dernier affirme que le client qui le souhaite peut parfaitement renoncer à cette substance, lance Laurianne Altwegg. Partiellement vrai pour les denrées, l’argument ne tient pas pour les produits ménagers. Cette enquête le démontre: sans contrainte, le voeu de transparence est vite oublié!»