4.9.2012, Nicolas Berlie / L'utilisation des réseaux sociaux demande une grande prudence quant à sa vie privée. Photo: lenetstan/shutterstock.com
Les paroles s’envolent, les écrits restent: c’est d’autant plus vrai sur internet, avec Google, Facebook et Twitter. Nos recommandations pour préserver votre vie privée.
Quand on évoque la vie privée sur internet, on pense immanquablement à Facebook: le réseau social aux 900 millions de membres fait figure de Léviathan de la sphère privée. D’ailleurs, de plus en plus d’adhérents quittent le navire, pestant contre la publicité ou la perte de contrôle sur leurs données personnelles. La Suisse n’est pas épargnée. Et comme le révèle une étude de l’agence Bernet, ce sont surtout les jeunes qui désertent le service: entre avril et juin, 10 000 adolescents de moins de 15 ans ont fermé leurs comptes en Suisse. Redoutant sans doute moins les indiscrétions de Facebook que les parents fouineurs…
Le désamour pour Facebook est à mettre en parallèle avec l’entrée calamiteuse en Bourse de la société californienne, le 18 mai dernier. Le succès programmé a viré au vinaigre, la valeur de l’action échouant au-dessous de son prix d’émission. C’est que les investisseurs se demandent encore comment la société va faire pour convertir en revenus son carnet d’adresses pantagruélique sans s’attirer les foudres des législateurs. «Le trésor de données de Facebook est aussi sa grande faiblesse», titrait l’International Herald Tribune en février.
Voilà pour les spéculations. Mais, en l’état, un usage imprudent des réseaux sociaux peut déjà avoir de fâcheuses conséquences. Sans tomber dans la paranoïa, notre petit vade-mecum du réseautage social.
Tes photos de vacances tu ne publieras point
En trois clics, on peut poster, directement de la plage, ses photos des Maldives sur Facebook ou un statut vacancier sur Twitter: difficile de résister. Or, à des fins pédagogiques, le site américain Please Rob Me s’amuse à collecter et compiler ces statuts, établissant un genre de «cartographie» des maisons vides: on voit immédiatement l’usage que des cambrioleurs peuvent faire de ce genre d’informations.
Avec ton chef tes propos tu contrôleras
Comment tuer son boss? se demandait une récente comédie américaine. Or, sur Facebook, la vraie question, c’est plutôt: comment refuser son boss? Car avoir son chef (ou ses collègues) comme «amis», c’est risquer un licenciement suite à un commentaire un peu acerbe sur l’entreprise. En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a ainsi été saisie à plusieurs reprises pour des affaires de ce genre.
Tes contacts tu trieras
«Les réseaux sociaux sont des outils extraordinaires, mais ils exigent une certaine pédagogie, une éducation numérique», souligne Edouard Geffray, directeur des affaires juridiques à la CNIL. Par exemple, 30% des jeunes ont déjà accepté comme «amis» sur Facebook des personnes qu’ils n’ont jamais rencontrées. Un «ami» Facebook n’a donc pas grand-chose à voir avec un ami dans la vie. Il faut en tenir compte quand on en vient aux confidences…
Pas besoin pour autant d’éjecter son chef. Il suffit de créer des «listes d’amis» sur Facebook: en définissant des cercles d’intimité, du plus proche au moins proche, on évite ainsi qu’une blague potache ne soit diffusée à la ronde. Pour ce faire, un tutoriel vidéo est disponible sur le site de la CNIL.
Ton empreinte numérique tu surveilleras
Cambrioleurs, patrons et recruteurs ne sont pas les seuls à fureter sur Facebook, Twitter ou Google. De plus en plus d’entreprises épient aussi leur clientèle. Voici un cas d’école, relaté par The Economist et concernant une firme suisse, Rigi Capital Partners (RCP): la société est active dans le life-settlement, qui consiste à acquérir des polices d’assurance-vie pour un montant supérieur à leur valeur de rachat, mais inférieur à l’indemnité de décès. Continuant à payer les primes, l’acquéreur de la police encaisse le capital à la mort de l’assuré.
RCP envisageait de racheter la police d’une vieille dame, apparemment atteinte de démence. Avant de conclure l’affaire, son patron, Robin Willi, a toutefois consulté le profil Facebook de cette dernière: une procédure standard, a-t-il souligné, contacté par FRC Mieux choisir. C’est là qu’il s’est rendu compte que la vieille dame avait une vie sociale plutôt vibrante, incompatible avec son état de santé. Dès lors, il a abandonné l’affaire.
L’exemple est certes extrême, mais aussi révélateur: les traces que nous laissons sur internet peuvent être utilisées à des fins commerciales. Google, par exemple, utilise notre historique de recherche pour proposer des publicités ciblées. Et des sociétés comme 123people ou Pipl agrègent des informations disponibles en ligne pour générer des «fiches d’identité» des internautes.
Aux applications tu prendras garde
Il faut donc garder le contrôle sur son «identité numérique» et, en premier lieu, sur les réseaux sociaux. Limiter les épanchements, choisir ses amis et prendre garde aussi aux applications installées dans Twitter ou Facebook. «Il faut constamment vérifier ce qui se passe sur son profil, ce qui a été posté à son nom», insiste Yannick Rochat, doctorant à l’Université de Lausanne et cofondateur de Pegasus Data Project, plate-forme d’étude des réseaux sociaux.
En effet, installer une application revient souvent à donner les clés de son compte: «Il n’y a pas de transparence, on ne sait pas ce qu’une application fait des données qu’elle récolte», ajoute Yannick Rochat.
Là encore, il faut être parcimonieux: ne pas installer n’importe quelle application et vérifier auparavant son sérieux, par exemple en consultant les avis. Le nombre de téléchargements peut aussi être un indicateur.
Ne pas oublier non plus de faire régulièrement le ménage parmi les applications auxquelles on a donné un accès. Dans Twitter: Paramètre/Applications. Dans Facebook: Paramètres du compte/Applications.
Ton enfant tu coacheras
Pour stopper l’érosion de ses membres, Facebook devrait bientôt autoriser les moins de 13 ans à ouvrir un compte. Officiellement, car quelques millions de préados auraient déjà sauté le pas en trichant sur leur date de naissance…
Les parents doivent donc se préparer, sachant que l’interdiction est sans doute la pire des solutions. Mieux vaut en effet garder un œil sur ce que fait sa progéniture en ligne. «Il faut responsabiliser les mineurs, mais aussi les parents, estime Edouard Geffray, de la CNIL. A ces derniers notamment de vérifier les paramètres de confidentialité, mais aussi de démythifier la course aux amis.»