Commerce

Fromage: un choix immense... en apparence

L’assortiment de la grande distribution est pléthorique et en main d’une poignée de géants de l’agroalimentaire.
Alimentation

Archive · 30 octobre 2018

Le fromage fait partie des denrées préférées des Suisses. Ils en mangent plus de 21 kilos par an. Les supermarchés le savent, puisqu’ils proposent des rayons entiers de spécialités fromagères. La FRC a relevé 450 produits chez Coop et Migros et les a passés sous la loupe: fabricant, caractéristiques, composition, provenance du lait, pays d’élaboration et prix.

Que ceux qui valorisent les denrées indigènes soient rassurés: 61% de l’assortiment est helvétique. Suit la France, avec un cinquième de l’inventaire élaboré dans l’Hexagone. La Suisse fabrique presque la totalité des pâtes dures et les trois quarts des pâtes mi-dures commercialisées par les géants orange. Pour les produits à pâte molle, France et Suisse se partagent les rayons équitablement. Les pâtes extra-dures, quant à elles, proviennent aux trois quarts d’Italie. Les fromages étrangers font donc peu concurrence aux Gruyère, Emmental et Tilsit.

PRIX: CRITÈRES IMPACTANTS | Le prix dépend du type de fromage. Les frais coûtent, en moyenne, deux fois moins cher que les autres. «Un fromage frais contient davantage d’eau et demande moins de manutention qu’un produit affiné. Certains contiennent cinq fois moins de protéines qu’un Gruyère, souligne Barbara Pfenniger, spécialiste Alimentation à la FRC. Leur prix bas est donc en réalité encore trop élevé.» Le pays d’où vient le fromage a une influence non négligeable sur le prix. Venant de France ou d’Italie, le kilo coûte, en moyenne, 24 francs, quand le suisse est à 20 francs. Seule l’Allemagne offre des produits pour un prix bien inférieur, autour de 11 fr. 50. Mais ce sont soit des premiers prix, soit des fromages frais. Le type d’entreprise a aussi un impact sur le prix. Les fromages de grandes firmes sont plus de 25% moins chers que ceux de concurrents de taille modeste.

PROVENANCE: FLOU ARTISTIQUE | Pour la matière première, le lait, le constat est sans appel. A peine plus de la moitié des emballages en indiquent la provenance. Certes, la loi n’oblige pas à donner cette information. Néanmoins, la FRC se bat contre l’absence d’indication et les localisations trop englobantes. Pour les marques Président et Galbani, par exemple, le lait provient d’Union européenne. Ce n’est que grâce à l’apposition d’un label (AOP, Bio ou Suisse Garantie) que la donnée est fournie, dans 15% des cas. Voilà qui est décevant. En outre, les distributeurs fournissent l’information de manière très inégale: chez Coop, les emballages indiquent la provenance du lait dans 73% des cas, chez Migros, 40% des produits sont concernés. Ce n’est pas la première fois que la FRC le déplore, la «bonne» volonté ne suffit pas!


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FABRICANT: NÉBULEUSE SAVAMMENT ENTRETENUE | Les analyses de la FRC montrent une réalité des rayons bien éloignée des spots publicitaires qui vantent le petit artisan. Presque trois quarts des fromages sur les étals proviennent de multinationales ou de grandes entreprises suisses. Parmi ces dernières, Mifroma (18%) et Emmi (17,5%) couvrent le plus vaste assortiment en Suisse romande. Suivent dans des parts non négligeables les groupes français Savencia (10%) et Lactalis (7%), qui n’est autre que le premier transformateur fromager mondial. Ces géants n’apparaissent pas sur l’emballage, difficile donc d’identifier leurs produits. Ce n’est pas le cas du groupe Bel, lui aussi français à l’origine, qui fait oeuvre de transparence en apposant systématiquement son logo.

Autre pays, autres agissements. Pour les fromages suisses, l’entreprise est parfaitement identifiable sur l’emballage, mais le fabricant initial a été effacé. Le paquet uniformisé de Mifroma, spécialisée dans l’affinage et le conditionnement, empêche le client de savoir qui est l’artisan. «Chaque producteur a un numéro d’agrément officiel qui garantit la traçabilité dans la filière: un numéro de quatre chiffres, ou de huit pour les fromageries récentes. Mais seule l’Interprofession du Gruyère AOP les publie sur son site. Bel exemple de transparence! Les consommateurs doivent cependant chercher ce code caché dans le numéro de lot des produits emballés par les grands groupes», explique Barbara Pfenniger. Emmi efface aussi le fabricant initial, sauf sur les produits labellisés bio Bourgeon.

QUALITÉ: L’AOP GRANDE GAGNANTE | La diversité des produits suisses reste immense, et ce malgré l’ouverture totale du marché des fromages en 2007. Pour les spécialités étrangères, il est regrettable de trouver surtout des produits industriels, qui contiennent des additifs. «Les gens ont tout intérêt à viser les fromages suisses ou à se fier aux appellations d’origine AOP, qui garantissent la composition, la provenance des ingrédients et un savoir-faire local, conseille la spécialiste alimentation de la FRC. Celui qui préfère les grandes marques internationales est condamné à lire les étiquettes s’il veut savoir ce qu’il mange vraiment.»


ADDITIFS: DIFFÉRENCE FLAGRANTE

Conservateurs, acidifiants, épaississants, colorants, stabilisants ou même gélatine, certains fromages sont bourrés d’additifs. Le quart des fromages de notre analyse en contient. Les fromages frais ont tendance à en contenir davantage. Cependant, les éviter n’est pas impossible. En effet, les fabricants suisses n’usent que très peu de ces additifs: seulement pour 15% des produits présents sur les étals des distributeurs. «Les producteurs suisses de fromage se sont engagés depuis 2002 à ne pas recourir aux additifs, notamment à ceux qui permettraient de nourrir les vaches au silage bon marché, ainsi qu’au traitement de la croûte à la natamycine (n.d.r.l.: E 235), un antimicrobien. Une bonne chose pour les consommateurs», explique Barbara Pfenniger. Là aussi, le type d’entreprise a un impact sur l’utilisation de ces additifs, puisqu’on en trouve dans 27% des produits de petits producteurs, contre 40% des fromages provenant des grands groupes.

 

Mozzarella Italiana ma non troppo!

La mozzarella, ce fromage à pâte filée d’origine italienne qui fleure bon les saveurs du Sud, les Suisses en sont friands. Ils en mangent presque 6 kilos par an. Mais son élaboration est bien moins transalpine que sa recette. En effet, deux tiers des mozzarellas du commerce sont fabriquées par des entreprises suisses, y compris les Alfredo à consonance bien italienne. Le reste ne vaut guère mieux, puisque les Galbani (12,5%) appartiennent au géant français Lactalis. Seules les labellisées AOP (DOP en italien) sont finalement réellement authentiques.

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