8.3.2022, Joanna Moreno, Almeria
Mise à jour le 22.03.2022
La FRC continue cette année son combat pour la saisonnalité. L’actualité démontre que derrière la fraise low cost de l’hiver, les abus concernent tant les droits humains que la préservation d’une réserve écologique. Une proposition de loi a fait trembler la majorité des organisations de défense environnementales, Bruxelles et l’Unesco compris.
Le parc national Coto de Doñana, une zone humide importante sur le plan écologique et inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1994, est menacé. Une loi proposée par le gouvernement régional d’Andalousie prévoit d’y légaliser plus de 1900 hectares de fermes illégales dédiées à la culture des fraises et autres fruits rouges. Un sale coup pour les agriculteurs qui travaillent bien, et un arrêt de mort de l’aquifère qui alimente la plus importante réserve écologique d’Europe. Irene Reyes, responsable Environnement de Unidas Podemos, un parti membre de la plateforme écologiste «Sauvons Doñana», explique: «Cette proposition de loi, c’est de l’électoralisme. Tout le monde sait ici que le parc manque d’eau.»
Cette vaste zone de marais, lagunes et dunes est le sanctuaire de milliers d’espèces et le refuge d’oiseaux migrateurs. Elle est aussi victime du changement climatique et de la désertification. L’agriculture intensive de la fraise ainsi que les forages illégaux sont littéralement en train de vider les ressources du parc. Dans certaines zones, les apports en eau naturelle auraient diminué de 80%. En juin 2021, la Cour de justice de l’Union européenne émettait une sentence historique contre le gouvernement espagnol pour non-respect des règles communautaires en matière de gestion de l’eau du parc.
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Le vol de l’eau représente l’équivalent de milliers
de terrains de football. (source WWF)
Côté ONG, cette proposition de loi fait bondir. Selon le porte-parole WWF Espagne, Juan Carlos del Olmo, elle «a été construite de toutes pièces pour esquiver les voies légales et limiter la participation du public. Nous allons tout faire pour qu’elle ne passe pas.» Notamment en alertant la Commission européenne. Celle-ci avait déjà adressé un avertissement sévère, donnant lieu, en 2014, à un Pacte de la fraise. Ce plan de gestion des zones d’irrigation mis en place par le gouvernement visait à stopper le développement incontrôlé de l’agriculture irriguée au sein du parc.
Or, fait accablant, 83% des mesures de ce plan étaient incomplètes en 2021. Pis, les cultures continuaient à croître. «Pas un hectare illégal n’a été fermé. À Huelva, les cultures illégales sont irriguées en toute impunité», déclare Juan Carlos. Et d’ajouter: «Dans le cas où cette loi passerait, les productions de fraises issues des cultures légales et illégales se mélangeront. Une vraie tromperie pour le client!» Le 2 février, c´était Florika Fink Hooijer, responsable environnement à la Commission européenne, qui revenait à la charge. Elle a alerté le gouvernement espagnol en lui donnant un mois pour répondre concernant ce projet de loi. La fraise low cost en hiver coûte trop cher.