3.10.2017, Sandra Imsand / Quand le corps n’a pas terminé sa croissance, il est indispensable de se faire bien accompagner. Photo: Jean-Luc Barmaverain
Les jeunes garçons sont nombreux à vouloir se sculpter un corps d’Apollon. Mais ils ne sont pas toujours conscients des risques.
Plus performant, plus beau, plus musclé. Une réalité qui touche aussi les adolescents. «Au cinéma, les hommes ont tous des plaques de chocolat et les femmes sont toutes minces, constate Alain Amherd, membre du comité de la Fédération suisse des centres fitness et de santé (FSCF). Etre confronté à ces images à longueur de journée n’est pas simple pour le regard qu’on porte sur soi. Alors forcément, les jeunes essaient de leur ressembler.» Une constatation confirmée par Franziska Widmer Howald, auteure d’un mémoire sur l’image corporelle positive, portant sur 1023 adolescents. «L’influence des médias est très importante pour l’image corporelle chez les jeunes de 13 à 16 ans. Moins ils sont en contact avec les médias, moins ils souhaitent changer leur corps et meilleure est leur santé psychique.»
Selon cette étude menée pour Promotion Santé Suisse, plus de six jeunes Romands sur dix estiment ne pas avoir la silhouette souhaitée. Outre-Sarine, le pourcentage des insatisfaits tombe à 44%. Mais l’information est à prendre avec des pincettes. «Nous avons réalisé l’étude juste après l’Eurofoot 2016, il est possible que les jeunes Romands aient été influencés par la saison et les sportifs qui sont aussi des modèles», nuance la spécialiste.
Mise en scène du corps
L’identification, c’est bien là que réside une grande part du problème. «Au niveau mondial, on constate une augmentation de l’insatisfaction corporelle chez les jeunes, aussi bien filles que garçons. Il y a une grande pression sur la minceur et le muscle, explique Isabelle Carrard, psychologue et professeure à la Haute Ecole de santé de Genève. Pendant l’adolescence, le corps change beaucoup, le jeune construit ses nouveaux repères par comparaison. Or la plupart des images sont retouchées et proposent des modèles de beauté inatteignables. Par ailleurs, les ados se prennent aussi beaucoup en photo, mettant leur corps en scène de manière permanente. Un phénomène relativement nouveau.»
La tendance n’a pas échappé aux fitness. Selon le rapport de branche de la FSCF, les salles se sont très clairement réorientées vers la musculation. Près de 50% des sondés disent concentrer leurs efforts dans ce domaine, alors qu’en 2011 et 2013, le chiffre n’atteignait pas 40%. Qui dit offre dit aussi demande: les adolescents sont nombreux à fréquenter les salles pour obtenir un corps de rêve. Le phénomène touche principalement les garçons. Selon Franziska Widmer Howald, 59,7% des Romands disent vouloir se muscler pour modifier leur silhouette, contre 36,3% des filles du même âge. «Des clients de plus en plus jeunes, moins de 15 ans, veulent s’inscrire au fitness, raconte Alain Amherd, qui est également directeur de Leader Top Fitness à Givisiez (FR). Avant, je refusais les mineurs, mais j’ai assoupli les conditions pour les accepter dès 16 ans, moyennant l’autorisation écrite des parents.»
Attention aux mouvements mal maîtrisés
L’utilisation de machines et d’haltères est, selon cette tranche d’âge, un moyen plus rapide et efficace pour obtenir des résultats que les sports traditionnels. Comme pour Aurélien, 17 ans: «J’ai constaté que le physique est important chez la plupart des femmes, notamment les muscles.» Le Lausannois espère donc pouvoir trouver l’amour grâce à sa silhouette sculptée. Adam s’est pour sa part inscrit dans une salle à l’âge de 14 ans, avec l’accord de sa mère. «J’étais assez mince, je trouvais plus joli de me muscler.»
Mais tous les spécialistes s’accordent à dire qu’à l’adolescence, un mouvement mal maîtrisé, effectué avec des charges trop lourdes, peut avoir des effets dévastateurs. «Travailler avec le poids de son corps, c’est très bien, explique German Clénin, médecin-chef de la Maison du sport à Ittigen (BE). Mais si les poids utilisés sont trop lourds ou que la charge d’entraînement est trop importante, les conséquences peuvent être néfastes au niveau de la croissance ou des os.» L’encadrement et les conseils sont donc indispensables à cet âge.

Est-ce le cas? Nous avons envoyé un client mystère âgé de 18 ans effectuer des séances d’essai dans différents fitness. Il énonçait très clairement vouloir gagner en masse musculaire. Sauf en de rares cas, il a été livré à lui-même. Un constat alarmant, au vu des risques courus. «Je surveille que les mineurs effectuent correctement les mouvements, sans charges trop importantes. Je ne veux pas qu’ils prennent de risques, confie Alain Amherd. Et s’ils ne se plient pas aux règles, je peux les exclure.» Malheureusement, beaucoup de jeunes s’inspirent d’exercices vus sur la Toile pour établir leur programme. «J’ai un coach sur internet, mais un bon!» Comme pour Adam, l’entraîneur Youtube semble être la norme à cet âge.
Pour gagner du muscle, il faut compter plusieurs années de dur labeur. Or les jeunes sont pressés d’obtenir des résultats. «Quand l’image corporelle est la motivation principale pour se mettre au sport, c’est inquiétant car cela peut mener à des dérives dans l’utilisation de produits», explique Isabelle Carrard. C’est là qu’intervient l’attrait des compléments alimentaires protéinés.
Adam, de son côté, s’est taillé un physique impressionnant en deux ans de pratique. «Mon père trouve que je suis trop musclé. Je ne suis pas d’accord avec lui», explique le Genevois de 16 ans. A force de travail et de discipline, il a trouvé les exercices qui fonctionnent le mieux pour lui. «Il faut faire attention, apprendre parfaitement le mouvement avant de mettre du poids. Je ne veux pas risquer la blessure.» D’une occupation occasionnelle, le fitness est devenu une passion, puis un métier. Il vient de débuter une formation d’instructeur spécialisé en musculation. Son expérience sera donc utile pour tous les jeunes qu’il côtoiera. Et s’il ne se voit pas freiner son temps dans les salles de sport et consomme des compléments protéinés après chaque entraînement, il y a une frontière qu’il n’est pas près de franchir. «Je ne veux pas me doper. C’est mauvais pour la santé et dégradant.»