12.3.2019, Yannis Papadaniel / On obtient son «profil» ADN avec un échantillon de salive... et on offre de précieuses données! Photo: nevodka/shutterstock.com
Interdit en France, commercialisé en Suisse, ce dispositif profite d’un flou juridique. Conseils.
En Suisse, sans supervision d’un médecin, il est interdit de recourir à des tests génétiques pour en tirer des informations liées à son état de santé. Pour connaître la probabilité de développer un cancer ou la maladie d’Alzheimer, il est obligatoire de consulter. Il en va de même pour les tests de paternité, de parenté ou prénataux.
En revanche, les tests dits «de bien-être » sont légaux et disponibles en pharmacie, droguerie, fitness ou sur internet. Un marché qui propose des kits d’analyse pour connaître les origines de vos ancêtres à partir de votre patrimoine génétique, adapter votre régime alimentaire ou établir un programme de fitness sur mesure.
Ludique mais science inexacte
Selon Jacques Fellay, professeur de génomique à l’EPFL et au CHUV, si les analyses sont menées sérieusement, les tests sur les origines sont valables. Ils reposent sur des connaissances scientifiquement fondées. A l’inverse, les tests alimentaires et fitness se rapprochent davantage «de l’horoscope»: «L’influence que les variations du génome sont susceptibles d’exercer sur l’effort physique ou la perte de poids est une information qu’il n’est actuellement pas possible de fournir à l’échelle individuelle.» Autrement dit, même si les descriptions de ces tests ressemblent à de la science, elles n’en sont pas.
L’aspect ludique de ces kits ne doit pas faire perdre de vue les enjeux liés à la protection des données. Ils profitent d’un flou juridique qui devrait se dissiper, mais pas avant 2021, date à laquelle la nouvelle Loi sur l’analyse génétique humaine (LAGH) posera un cadre plus strict.
Après l’analyse, l’échantillon est anonymisé, codifié puis archivé pour une période qui diffère d’une structure à une autre. De dix à vingt-cinq ans selon nos informations. Mais même traité ainsi, un ADN peut être relié à son détenteur. Toutefois, à la demande du client, les échantillons et le profil ADN doivent en principe être détruits. Dans l’intervalle, ils sont propriété du laboratoire. S’il se situe à l’étranger, le client est tributaire du niveau de protection du pays dans lequel son échantillon est stocké. Le laboratoire peut transmettre ces informations à des organismes tiers, voire monnayer la transaction. La compagnie américaine 23andMe a ainsi annoncé fin 2018 avoir vendu les données anonymisées de ses clients pour 300 millions de dollars à la firme pharmaceutique GlaxoSmithKline… Une autre entreprise aux Etats-Unis, FamilyTreeDNA (avec qui la firme Igenea, active en Suisse, collabore) a aussi défrayé la chronique en février pour avoir mis à la disposition du FBI l’entier de sa base de données.
David Raedler, avocat spécialiste en protection des données et sphère privée, relève que «tant le droit de la protection des données que le cadre légal applicable aux tests médicaux ADN imposent par principe le consentement libre, informé et explicite du client, notamment du fait qu’ils impliquent des données sensibles». Et confirme qu’avant l’entrée en vigueur du nouveau cadre légal «un flou demeure concernant les règles exactes régissant ces tests et, de ce fait, la nécessité impérative d’un consentement signé dans tous les cas et pour toute utilisation des données». Le niveau actuel de protection et de contrôle pour le consommateur semble donc précaire. D’autant que les dispositions visant la protection des données ne s’appliquent que si ces dernières ne sont pas anonymisées.
Une photo de soi traînant sur les réseaux sociaux n’a l’air de rien à côté des propriétés de l’ADN. Celuici fournit l’identité biologique d’un individu ainsi que des informations sur son état de santé, présent ou futur, et sur sa parenté. Faut-il céder ce matériau si particulier à des tiers? On ne saurait trop inciter le consommateur à recourir à ces tests génétiques non médicaux qu’avec une infinie précaution.