22.2.2012, Propos recueillis par Pierre-Yves Frei
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est en première ligne pour l’application des lois sur les produits cosmétiques. Il suit aussi l’évolution des législations chez nos voisins. Entretien avec la cheffe de la section des denrées alimentaires et objets usuels à l’OFSP.
L’Office fédéral de la santé publique a-t-il une définition de ce qu’est un produit cosmétique?
On entend par «produit cosmétique» toute substance ou préparation destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles. Pour en savoir plus, on peut lire l’article 35 de l’Ordonnance sur les denrées alimentaires et objets usuels (ODAlOUs; RS 817.02).
Quelles conditions doit remplir aujourd’hui un produit cosmétique pour pouvoir être mis sur le marché?
Elles sont nombreuses. Mais ce serait trop long de décrire ici toutes les exigences et conditions prescrites par l’Ordonnance sur les denrées alimentaires (ODAl) ainsi que par l’Ordonnance sur les produits cosmétiques (OCos ; RS 817. 023.31) qui doivent être remplies. Il incombe au fabricant, à l’importateur et au vendeur que sa marchandise soit conforme aux dispositions existantes (voir aussi l’art. 23 de la Loi fédéral sur les denrées alimentaires).
La Commission européenne a identifié 553 substances qui ont montré une influence sur le système hormonal. Parmi elles, 194 sont dans la catégorie 1 – ce qui implique qu’une étude au moins a fourni des preuves de la perturbation endocrinienne dans un organisme intact – et 17 d’entre elles sont très souvent présentes dans les produits cosmétiques. Disposez-vous de la même liste, et, si oui, à quoi vous sert-elle?
Le but de cette liste, publiée par l’Union européenne, est de définir un ordre de priorité des substances afin de les tester ultérieurement pour leurs propriétés endocriniennes. Il faut savoir que les méthodes permettant l’évaluation des effets d’une substance sur le système hormonal sont actuellement en cours de validation par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Une fois que ces méthodes seront prêtes, ces substances seront évaluées par l’UE.
Existe-t-il, selon vous, suffisamment d’indices scientifiques sur l’influence de certaines substances présentes dans les produits cosmétiques sur le système hormonal?
La plupart des méthodes pour l’évaluation des effets d’une substance sur le système hormonal sont en cours de validation. Seules les méthodes validées, reconnues par l’OCDE, remplissent les critères internationaux (reproductibilité, fiabilité, etc.) sont considérées comme donnant des résultats fiables. Les méthodes non validées apportent des informations, mais ne peuvent servir seules comme base à une évaluation des risques. Une fois ces méthodes validées, des tests pourront être effectués afin de déterminer les propriétés endocriniennes de ces substances. En fonction des résultats, une adaptation de la législation sera alors envisageable. Par ailleurs, les scientifiques peinent parfois à s’accorder sur les conséquences d’une exposition à telle ou telle substance, et un lien de cause à effet reste difficile à établir. De plus, c’est l’effet de l’exposition à plusieurs substances en même temps qui pourrait s’avérer néfaste, alors que chaque substance prise séparément est très probablement non problématique dans les concentrations utilisées.
Si ce n’est pas le cas, faut-il faire jouer, selon vous, le principe de précaution?
Le principe de précaution est applicable uniquement si une alternative plus sûre est disponible. Or il est difficile de juger la qualité d’une substance alternative en l’absence de méthodes fiables. Imposer une pression dans le temps et l’utilisation d’alternatives pourrait même s’avérer contre-productif, puisque les alternatives doivent également présenter un niveau de sécurité équivalent voire supérieur à la substance utilisée jusqu’alors.
Comment l’OFSP se tient-il au courant des recherches internationales faites dans ce domaine?
L’OFSP participe activement aux réunions de l’OCDE et de l’UE concernant les perturbateurs endocriniens, ainsi qu’à des meetings scientifiques internationaux. Suite au programme national de recherche PNR-50 (lire aussi l’interview de Urs Ruegg), nous organisons par ailleurs régulièrement des conférences sur le thème des perturbateurs endocriniens, en collaboration avec l’OFEV. Au niveau national, nous participons également au financement de projets de recherche, par exemple pour évaluer l’exposition générale de la population suisse aux filtres UV, dont certains sont des perturbateurs endocriniens connus, via les produits cosmétiques.
Quelle est aujourd’hui la politique de l’OFSP en matière de perturbateurs endocriniens dans les produits cosmétiques?
L’absence de méthodes validées est problématique pour évaluer les risques liés aux perturbateurs endocriniens. De façon générale, nous évaluons la toxicité globale des substances, ce qui inclut certains points critiques pour les perturbateurs endocriniens. Certains filtres UV présentant des propriétés endocriniennes sont par exemple d’ores et déjà réglementés par l’Ordonnance sur les produits cosmétiques (OCos; RS 817. 023.31). Ainsi les concentrations de 4-MBC et 3-BC sont limitées respectivement à 4% et 2% du produit cosmétique fini. Par ailleurs, suite au programme national de recherche PNR-50, les industriels se sont engagés à bannir volontairement le 4-MBC de leurs produits (http://www.nrp50.ch).
Existe-t-il des projets législatifs ou réglementaires helvétiques concernant le même sujet?
Pas actuellement, mais une stratégie concernant la problématique des perturbateurs endocriniens est en cours d’élaboration.
Diriez-vous que la législation helvétique est plus ou moins avancée que celle de l’UE dans ce domaine?
La législation suisse est très proche de la législation européenne dans ce domaine (pas de restriction actuellement), mais une adaptation est prévue d’ici à 2015.
L’OFSP reçoit-il des doléances de la part des consommateurs dans ce dossier des perturbateurs endocriniens? Si oui, lesquelles?
Nous recevons très peu de questions de la part des consommateurs dans le domaine des cosmétiques. Le perturbateur endocrinien le plus discuté reste le Bisphénol A, au sujet duquel nous devons régulièrement donner des informations aux médias.