Electricité: au-delà des écogestes

Vous souvenez-vous des vidéos publiées par la FRC dans le but de permettre à tout un chacun de comprendre et réduire sa consommation d’électricité? L’éclairage sur cette thématique complexe et sur les gestes les plus propices aux économies fut bienvenu, mais avouons-le, rares sont ceux qui vont jusqu’à appliquer des conseils qu’ils connaissent pourtant.

Une récente recherche codirigée par Marlyne Sahakian et Suren Erkman, tous deux professeurs aux Universités de Genève pour la première et de Lausanne pour le second, permet de comprendre pourquoi la sensibilisation seule ne suffit pas. Leurs travaux mettent en lumière les normes sociales qui sous-tendent nos comportements. Ainsi, les Romands connaissent bien les écogestes liés aux économies d’énergie. Ils ont toutefois du mal à les mettre en oeuvre du fait que leur comportement est guidé par ce qu’ils pensent «devoir faire» – les normes sociales – elles-mêmes ancrées dans des habitudes et des routines rendant tout changement difficile.

62% La part des ménages déclarant avoir des appareils dont ils ne se servent jamais.

Les chercheurs ont par exemple étudié les normes de la propreté et de l’hygiène, profondément enracinées au pays du «propre en ordre». Elles impliquent que les ménages ont tendance à faire des lessives ou le ménage fréquemment, et qu’elles sont mises en oeuvre dans le cadre de dynamiques familiales en lien avec une contrainte clé: le temps à disposition. Ce facteur influe davantage sur l’utilisation des appareils électriques que ne le font les éventuels gains financiers – ou, plus abstraits, ceux pour la planète – découlant d’une moindre consommation d’énergie.

Justement, alors que les appareils électroménagers se sont multipliés pour raccourcir la durée et la pénibilité de certaines tâches, ils ont aussi comme effet pervers d’intensifier ces activités. Avoir une machine à laver sous la main incite à la faire davantage tourner. Un fait confirmé par le rapport Prognos selon lequel la consommation d’électricité dédiée aux lessives a augmenté de 20% en Suisse entre 2000 et 2015, alors que les engins ont gagné en efficacité. Les témoignages récoltés dans le cadre du Programme national de recherche Gérer la consommation d’énergie, coordonné par Marlyne Sahakian et Suren Erkman, en collaboration avec Béatrice Bertho, attestent également de cette augmentation des appareils et de leur utilisation. Avec pour résultat, outre une consommation accrue d’énergie, une dépense supplémentaire de temps et de l’espace en plus pour stocker cet électroménager.

C’est pourquoi la recherche interroge, et à raison, l’orientation des campagnes de sensibilisation axées sur l’efficacité énergétique des appareils et les écogestes: l’argument le plus convaincant aurait trait aux gains de temps, de confort ou de bien-être. Des éléments qui ont plus de valeur dans nos vies quotidiennes que quelque chose d’aussi abstrait et invisible que l’électricité.

Place à l’expérience

Reste à transformer la perception de certaines normes sociales pour casser les habitudes, une tâche ardue qui peut être favorisée par la mise en place de processus participatifs. C’est le cas du Jeans Challenge Suisse, défi qui consistait à questionner les notions de propre et de sale pour amener à changer les habitudes de lavage. Ce type d’approche, basée sur l’apprentissage social, mène à agir sur le nombre de lessives et pas seulement sur leur température, sur le nombre d’appareils par ménage au lieu de se focaliser sur leur efficacité ou encore sur le nombre d’heures passées (perdues?) quotidiennement sur internet. Changer de point de vue, serait-ce la clé pour aboutir à de réelles économies d’énergie?

Brochure L’électricité au quotidien
www.unige.ch/sciences-societe/socio/energiebrochure

Accès à l’étude
http://www.pnr71.ch/fr

Pour les Genevois, inscription aux challenges«Energise»
switzerland.energise-project.eu