Article : Fraises suisses et espagnoles

Que racontent les écobilans?

L’invasion des fraises en hiver

4.5.2021, Laurianne Altwegg

Ces analyses sont utiles mais ne reflètent qu’une partie de la réalité.



Migros et Coop en tête, les distributeurs cherchent à convaincre le consommateur que les fraises espagnoles sont durables. Le premier a ainsi mandaté un nouvel écobilan sur le sujet en 2021 démontrant qu’elles n’ont rien à envier aux suisses. Est-ce correct? Tout dépend de ce que l’on compare et des conclusions que l’on présente.

Une multitude d’indicateurs

Un écobilan permet d’évaluer l’impact environnemental d’un produit, en prenant en compte toutes les étapes de son cycle de vie. La consommation d’énergie, l’utilisation des matières premières et les rejets dans l’environnement sont quantifiés et analysés. Cela va de l’extraction des ressources et la fabrication jusqu’à l’élimination, en passant par le transport et l’utilisation.

Pour la fraise produite en Europe, ce sont les modes de culture qui ont le plus d’importance. Or ceux-ci sont variés et évoluent en cours de saison. Au mois de février, les fraises espagnoles sont en effet plus écologiques que les suisses, malgré le transport en camion. Car les helvètes ne poussent que sous serre chauffée, ce qui émet énormément de gaz à effet de serre. Soit. Mais dans les faits, très peu de fraises sont produites de cette manière en Suisse. La comparaison est donc juste, mais peu pertinente. L’écobilan réalisé pour Migros par ESU-services démontre d’ailleurs aussi que ce sont les fruits suisses de pleine terre – donc sur le marché à partir du mois de juin environ – qui ont l’empreinte carbone la plus faible.

Reste que cet indicateur ne doit pas être considéré à part, puisqu’il ne calcule que l’impact sur le climat, et non l’empreinte environnementale totale du produit. D’autres éléments tels que l’empreinte hydrique ou la perte de biodiversité ont notamment leur importance. Pour le facteur eau, le bilan est nettement en faveur de la fraise suisse, car la ressource est rare là où sont cultivées les baies en Espagne, ce qui peut entraîner sur place des dommages écologiques plus importants (lire «La guerre de l’eau à Doñana»).

Concernant la biodiversité, sa perte est difficilement quantifiable. D’un côté, les terres espagnoles ont l’avantage de permettre un rendement très élevé comparé aux suisses: produire beaucoup sur peu de surface préserve la biodiversité par une emprise moindre sur le sol. Toutefois, cela va de pair avec une utilisation intensive de pesticides qui n’est que peu abordée dans les écobilans disponibles. Tout comme les différences entre les modes de cultures biologique, intégré et conventionnel d’ailleurs.

Bilan humain: le chaînon manquant

Surtout, la valeur des terres concernées est difficile à refléter dans un écobilan: à Huelva, la proximité du parc national de Doñana, patrimoine mondial de l’Unesco, est particulièrement problématique. Non seulement certaines exploitations empiètent illégalement dessus (3000 hectares, selon le WWF), mais cette zone humide a de plus été asséchée à 80% et les eaux polluées par les cultures environnantes. Malgré certaines améliorations récentes, les puits clandestins restent un fléau pour la biodiversité du parc.

Le principal écueil reste toutefois le bilan humain qui n’a pas sa place dans une analyse des cycles de vie puisqu’il ne fait état que des atteintes à l’environnement. Or les conditions de travail déplorables des cueilleuses sont régulièrement dénoncées (lire «Vu d’Espagne, les voix qui ont choisi de ne pas se taire»). Un aspect dont devraient se souvenir les distributeurs lorsqu’ils qualifient les fraises espagnoles de «durables».

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Interpellation des grands distributeurs

 
Nous demandons aux distributeurs

  • cesser le marketing agressif sur les fraises, mais également sur d’autres denrées hors saison, que ce soit en rayon ou dans les différentes publications destinées à vos clients (catalogues, magazines, journaux, newsletter, etc.) ;
  • renoncer à disposer les fraises espagnoles aux endroits stratégiques de vos points de vente, à savoir en face de l’entrée, sur des ilots dédiés, ou en tête de gondoles ;
  • ne pas recourir à des mises en scène pour vendre la fraise hors saison (à savoir jusqu’en avril), en l’associant par exemple à de la crème et des tartelettes. Une demande valable aussi pour d’autres denrées, comme les asperges du Pérou associées à de la mayonnaise, viande séchée ou autre ;
  • indiquer clairement, de manière bien visible et transparente le pays de provenance ainsi que les noms des producteurs de fraises importées, que ce soit sur les affichettes qui accompagnent ces fruits en rayon, dans les publicités ou sur le dessus des barquettes ;
  • ne plus utiliser de formulations qui peuvent induire en erreur le consommateur sur la saison de la fraise en Suisse. Une demande valable pour la mise en rayon, ainsi que toute publication ;
  • être en mesure de prouver toute allégation de durabilité concernant l’assortiment.

Les dates de la tournée romande #Ramènetafraise

29.05.21Marché de Boudry (NE)
01.06.21Marché de Neuchâtel (NE)
02.06.21Marché de La Chaux-de-Fonds (NE)
04.06.21Marché de Fleurier (NE)
05.06.21Gare de Lausanne (VD)
12.06.21Gare de Genève (GE)
08.06.21Place fédérale (BE)
12.06.21Marché de Delémont (JU)
15.06.21Gare de Delémont (JU)
19.06.21Marché de Fribourg (FR)
27.09.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
29.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
29.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
09.09.21Semaine du goût Sion (VS)
25.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
26.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
05.10.21Les Jardins du Flon, à Lausanne (VD)
16.10.21Epicerie fine Côté Potager, à Vevey (VD)