31.10.2023, Laurianne Altwegg, coll. Sandra Imsand
Télévision, réseaux sociaux, affiches, emballages ou voitures: les promesses de durabilité sont partout. Impossible de vérifier le bien-fondé de chacune d’elles. Nos enquêteurs de terrain nous ont transmis toutes les publicités vertes rencontrées au cours de leur journée. Florilège et explications.
En 2021, la FRC avait mené l’enquête dans la grande distribution afin de mieux comprendre ce à quoi nous étions confrontés lors d’achats quotidiens. En 2023, nous avons voulu documenter la masse des allégations environnementales. Nos enquêteurs de terrain ont eu pour mission de nous transmettre toute publicité verte rencontrée au cours de leur journée, quel que soit le support. Et l’analyse ne nous a pas déçus!
Que montre ce florilège? Que les promesses de durabilité sont omniprésentes. On reproche souvent aux consommateurs de se faire avoir, mais qui a le temps d’aller creuser chaque publicité rencontrée? Personne n’est dupe de tous les messages. Reste que les neurosciences nous enseignent que cette exposition permanente influence notre perception des annonceurs ou de leurs produits. En outre, un tel matraquage pousse à la surconsommation: un élément aussi pointé dans le dernier rapport de Greenpeace rappelant que «la publicité verte dope la consommation». En outre, 7% des émissions de gaz à effet de serre (importations comprises) sont imputées à la publicité: En ce qui concerne l’impact environnemental, ce chiffre peut atteindre 10%. Selon Greenpeace, ce sont Coop (385 millions de francs annuels) et Migros (241 millions) qui dépendent le plus en publicité.
Ainsi, bien que les allégations vertes ne concernent pas l’ensemble des publicités rencontrées au quotidien, elles peuvent toucher les consommateurs sensibles aux thématiques environnementales. Et si ces messages sont basés sur du vent ou insuffisamment fondés, ils poussent à acheter des produits ou services qui ne sont pas dignes d’un choix durable.
Envoyez-nous vos exemples!
Une journée de pub «durable»
Charlotte nous livre sa récolte
avec ses commentaires en légende
6h45: Charlotte reçoit son café dans un gobelet en carton. Il serait 100% biodégradable et renouvelable, voire compostable. Elle ne sait qu’en penser. Si la norme EN13432 garantit que le produit peut être traité par une installation de compostage industriel, toutes les communes n’en disposent pas. Surtout, un mug réutilisable reste plus écolo, même en déplacement.
6h58: sur le quai de gare, Charlotte voit l’affiche de Glencore, qui se vante d’éviter le gaspillage. Titillée par le slogan, elle scanne le code QR et tombe sur la page qui met en valeur sa «responsabilité» lors de l’extraction des matériaux et leur recyclage. L’opération ne servirait-elle pas à redorer l’image de la multinationale accusée d’«irresponsabilité organisée» par des ONG ?
7h33: par la fenêtre du train, du côté d’Eclépens (VD), Charlotte aperçoit une gigantesque bâche présentant Holcim comme «partenaire régional pour une construction durable». Elle se souvient avoir lu que le domaine de la cimenterie s’est amélioré ces dernières années. Elle ne sait pas que ce géant industriel reste l’entreprise numéro 1 en matière d’émissions de CO2 en Suisse.
9h40: sur son fil Facebook, Charlotte voit apparaître une publicité pour l’application de vente en ligne Temu. Après quelques clics, elle arrive sur une page prônant l’«engagement permanent» du vendeur qui promet de «planter des arbres dans toute l’Afrique afin de créer un impact positif sur l’environnement». Sachant que la majorité de ces produits à très bas prix sont fabriqués en Chine et de piètre qualité, Charlotte trouve le message trompeur.
12h12: à la caisse du supermarché, Charlotte s’interroge sur l’engagement de Migros qui prétend en faire «plus pour la biodiversité». Plus que qui et à quel niveau? Elle n’a aucun moyen d’en savoir davantage.
14h12: Charlotte a besoin d’un nouveau sac. Elle est sceptique à la vue des engagements de la marque vendue chez Coop. Vaude est pourtant bien une pionnière en matière de responsabilité sociale et environnementale. Malgré cela, utiliser le terme de «neutralité climatique» reste problématique puisque aucune entreprise ou produit n’est réellement neutre en carbone.
12h45: décidée à réserver ses prochaines vacances, Charlotte clique sur une offre de Booking; on lui propose un «voyage durable». Le programme est vérifié par des organismes indépendants, donc le filtre est plutôt utile pour évaluer les établissements. En revanche, comment Charlotte peut-elle savoir que ce qui est déterminant, ce n’est pas le logement mais le transport jusqu’à la destination?
18h01: sur l’autoroute, elle suit une voiture Bernard Nicod parée de vert. Immobilier durable? Voilà qui laisse Charlotte songeuse. L’entreprise rénove-t-elle ses bâtiments pour la beauté du geste ou ne serait-elle pas plutôt intéressée à réaliser une plus-value?
20h30: entre deux émissions, le regard de Charlotte s’arrête sur un spot publicitaire de MSC Croisières. Des promesses de durabilité qui ne concernent apparemment que le futur. Charlotte l’a lu ailleurs: des études pointent du doigt les émissions extrêmement polluantes qui émanent de ces paquebots-villes.
21h24: Charlotte s’est vu conseiller un nouveau compte en banque «green» qui serait «bon pour le climat». Qu’en est-il? En gros, plus elle dépensera, plus la banque plantera d’arbres. Une bien mauvaise incitation à décomplexer l’acte d’achat, alors que l’arbre mettra des années avant de compenser quelque émission que ce soit.