Greenwashing
Durablabla
La couleur verte ainsi que les références à la nature et à la durabilité fleurissent sur les emballages et les messages publicitaires. Parfois avec raison, souvent partiellement, et trop fréquemment sans fondement crédible.
31 octobre 2023

Laurianne Altwegg
Responsable Agriculture, Énergie et Environnement
La FRC a prouvé par l’exemple qu’il est important de cadrer ces messages pour réellement aider les consommateurs à identifier le produit le plus durable. Chaque mois durant deux ans, elle a publié une chronique intitulée Durablabla dans le magazine FRC Mieux choisir et la Lettre FRC C'est la jungle!
La série
Ce qui frappe | L’emballage montre une belle ferme traditionnelle installée au milieu de pâturages verdoyants.
Ce qu’on en pense | Tout laisse à croire que les porcs de production biologique accèdent toujours à un pâturage. Toutefois, en Suisse, seule une petite minorité est engraissée en milieu naturel. Les bêtes bio profitent de sorties régulières en plein air et disposent de surfaces plus importantes que les autres. Mais la plupart sortent dans des aires d’exercice, ce qui correspond souvent à des courettes à ciel ouvert sur un revêtement en dur. Ces conditions sont nettement meilleures que pour leurs congénères non bio – mais bien loin de l’image bucolique illustrant l’emballage.
Ce qui frappe | Le message encadré sur le bouillon de poule dit que le fabricant s’engage en faveur du développement durable.
Ce qu’on en pense | Contrairement à ce que laisse entendre cette information, l’allégation ne parle pas du produit mais de l’intention générale du fabricant. Le message induit toutefois l’impression que le produit lui-même est plus durable et naturel que celui de la concurrence. On appelle cela l’effet halo. En lisant la composition du bouillon, on s’aperçoit qu’il contient des ingrédients pas très naturels comme de la maltodextrine, des exhausteurs de goût et des arômes.
Ce qui frappe | L’emballage du fromage Leerdammer montre en médaillon une vache verte, broutant librement.
Ce qu’on en pense | Dans les faits, les vaches ne passent qu’un tiers de l’année dehors. La taille du cheptel n’est pas limitée, ce qui fait que le troupeau compte souvent plus de 100 bovins. Les pâturages sont de culture intensive, moins riches en diversité botanique. Or ces derniers donne un lait de meilleure composition nutritionnelle que celui des vaches nourries autrement. Laisser paître des vaches dans une zone impropre à la culture est plus durable que d’utiliser une surface qui pourrait servir à nourrir les humains.
Ce qui frappe | La couleur verte, les illustrations de fleurs et de légumes, les mentions «naturel» et «bio».
Ce qu’on en pense | L’emballage suggère que cet insecticide est inoffensif, ce qui est loin d’être le cas. Il contient des pyréthrines très toxiques pour les poissons ou les abeilles et dangereuses pour l’humain. Les (très) petites lettres qui figurent sur l’étiquette indiquent d’ailleurs que le produit ne doit être utilisé que le soir si les plantes sont en fleurs (hors période de vol des abeilles) et qu’il faut garder des distances par rapport aux eaux de surface pour protéger les organismes aquatiques.
Ce qui frappe | Un emballage aux tons vert tendre qui souligne quatre fois qu’il s’agit d’un produit vegan et trois fois sa base en gomme naturelle. Sans plastique ni sucres ajoutés.
Ce qu’on en pense | Pas si naturelle la composition de ce chewing-gum, puisque le produit contient un édulcorant (xylitol, E 967), un humectant (glycérol, E 422), un épaississant (gomme arabique, E 414) un anti-agglomérant (sels de magnésium d’acides gras, E 470b) et un agent d’enrobage (cire de carnauba, E 903). Des additifs tolérables, mais pas pour tout le monde. Sinon, effectivement, il n’y a ni sucres ajoutés ni ingrédients d’origine animale.
Ce qui frappe | L’étiquette annonce des ingrédients naturels et la neutralité climatique du produit.
Ce qu’on en pense | Ce thé froid contient des ingrédients attendus pour ce type de boisson – eau, sucre, jus de citron à base de concentré, extrait de thé noir – mais également de l’arôme naturel. Contrairement à ce que le qualificatif «naturel» suggère, cet arôme est élaboré selon un processus industriel, généralement à partir de microorganismes ou d’ingrédients non alimentaires. Cet ajout ultra-transformé peut être désigné comme naturel en toute légalité. Concernant l’indication «climatiquement neutre» qui figure sur l’emballage, les engagements de l’entreprise pour réduire son impact et compenser ses émissions de CO2 sont certes intéressants, mais ils n’annulent en rien l’impact réel de ce thé froid en bouteille de PET, même s’il est recyclé.
Ce qui frappe | Un emballage décoré de deux abeilles à l’allure sympathique et enfantine qui invite à participer à la protection de l’espèce.
Ce qu’on en pense | La technique de marketing est bien connue: il s’agit de s’adresser directement à l’acheteur – ce que le tutoiement renforce – et d’augmenter la pression sociale en lui faisant comprendre que d’autres participent déjà à ce projet de biodiversité. Construire des hôtels pour les abeilles sauvages est louable. Toutefois, l’action sert à détourner la vigilance du consommateur: l’origine du miel bio (3,8%) est tue, et il est peu probable qu’elle soit allemande comme le projet décrit.
Ce qui frappe | La couleur verte, les multiples références à l’écologie et à la nature.
Ce qu’on en pense | Entre la «force de lavage naturelle» illustrée par des feuilles vertes, le label Oecoplan et l’allégation «eco» qui côtoie un «Swiss Made», cette lessive semble irréprochable d’un point de vue environnemental. Il faut aller lire les petits caractères au dos du produit pour se rendre compte qu’elle contient deux conservateurs (phénoxyéthanol et benzisothiazolinone) décriés pour leurs effets néfastes sur la santé (allergènes de contact) et l’environnement.
Ce qui frappe | Les multiples engagements écologiques et références à la nature, l’écriture verte.
Ce qu’on en pense | Le mot nature apparaît neuf fois: dans le nom du produit, les promesses, l’origine des ingrédients. S’ajoutent les allégations de biodégradabilité, de responsabilité de l’approvisionnement et de recyclabilité de l’emballage qui font passer cette crème douche pour irréprochable. Or on retrouve notamment parmi les composants des EDTA et du Sodium Laureth Sulfate, tous deux très problématiques pour l’environnement. Pas mieux côté santé avec la présence de nombreux allergènes.
Ce qui frappe | L’emballage est très vert, décoré d’une feuille stylisée. Il annonce 100% d’ingrédients naturels.
Ce qu’on en pense | L’emballage suggère que cette fondue serait plus naturelle qu’une autre – et qu’elle est totalement suisse. Oui, le Gruyère et le Vacherin fribourgeois sont AOP (appellation d’origine protégée). En revanche, rien n’indique d’où proviennent le kirsch et le vin. Or les fabricants de fondue ont obtenu une exception à la règle Swissness, sous prétexte que le vin suisse ne serait pas adapté. La fondue contient aussi des épices, dont il manque le détail, ainsi qu’un stabilisant (E 410). Aussi naturelle qu’une fondue faite maison? Pas tout à fait.
Ce qui frappe | Le label bio donne l’impression que le produit est meilleur pour la santé qu’un autre. Qu’on peut l’acheter les yeux fermés.
Ce qu’on en pense | Le label bio garantit un mode de production qui respecte la nature et renonce à beaucoup de pesticides. Les produits bio ont l’avantage d’avoir, dans une énorme majorité de cas, pas ou peu de résidus de pesticides, ce qui est positif pour la santé. En revanche, il n’y a pas de limite concernant leur teneur en sel, en sucres et en graisses. Les pop-corn Jamadu, de la même enseigne, contiennent moins de sel que ce produit. Cela montre qu’il y a une marge de manœuvre pour l’améliorer. Consommer trop de sel est considéré comme un facteur de risque pour l’hypertension.
Ce qui frappe | Produit aux couleurs naturelles (vert et écru) estampillé «Greenline».
Ce qu’on en pense | Intégrée à la ligne «verte» de la marque Miobrill, cette éponge à tous les atours d’un produit particulièrement écologique. Or, il s’agit d’une éponge synthétique – donc issue du pétrole – qui libère autant de microplastiques dans l’environnement qu’une éponge 100% neuve lorsqu’elle est utilisée. Son seul avantage par rapport à l’éponge standard de Migros est qu’elle contient 10% de matières recyclées. Dommage, car un autre produit en luffa de la même gamme est, lui, bien plus valable.
Ce qui frappe | L’emballage souligne une composition 100% d’ingrédients naturels, sans colorant, sans conservateur, sans exhausteur de goût; et la bande tricolore certifie que le velouté a été «fabriqué en France».
Ce qu’on en pense | Le mot «naturel» rend un produit industriel plus attractif qu’il ne l’est. Les fabricants l’utilisent à leur convenance, faute de cadre légal. Ici, des arômes – qui restent des ingrédients ultratransformés – viennent renforcer la saveur. Ne pas colorer une soupe artificiellement est habituel pour ce type de produit, et les conservateurs y sont de toute façon interdits. Quant à la proximité, elle est relative: le poireau vient d’un pays européen, non spécifié.
Ce qui frappe | Le nouvel emballage carton, les promesses «recyclable» et «97% naturel».
Ce qu’on en pense | L’argument écologique a bon dos: si vous choisissez l’emballage sans coque plastique, le prix est alors majoré de 22%. Côté colle, si elle est bien constituée d’ingrédients naturels et sans solvant, il s’agit en fait de la composition classique concernant ce type de produit. Rien de révolutionnaire, donc! Quant à l’allégation vantant la recyclabilité du tube, elle est tout bonnement trompeuse. En théorie, le recyclage est possible, mais dans la pratique, ce genre de déchet n’est que très rarement collecté en Suisse.
Ce qui frappe | Un plan de travail enfariné, un œuf cru, de la pâte, une carotte aux mensurations parfaites pourvue de sa fane et la mention «avec beurre suisse».
Ce qu’on en pense | Ces marqueurs laissent croire à une recette faite maison. La marque Tradition renforce ce sentiment. Pourtant, la longue liste des ingrédients ne fait aucun doute: le produit est ultratransformé. Il contient des sucres cachés, tels que le sorbitol et le sirop de glucose fructose, connu pour entretenir la dépendance au sucre. Des arômes naturels et des additifs entrent aussi dans la composition. Mais ils n’ont rien à faire dans une préparation qui met en avant un savoir-faire fondé sur la tradition.
Ce qui frappe | Les couleurs de l’emballage, la mention «100%» et les flèches circulaires font penser à du papier recyclé.
Ce qu’on en pense | Certes, si on prend le temps de lire les petits caractères, on voit que c’est l’emballage qui est recyclable et que la mention 100% se rapporte aux «fibres biodégradables». Vrai aussi, le label «FSC Mix» garantit qu’au moins 50% du bois utilisé provient de forêts certifiées. En revanche, il ne garantit pas que le produit est en fibres recyclées. Ce produit prouve combien un emballage peut être convaincant. Lors de notre sondage réalisé en 2022, ces mouchoirs avaient dupé 37% des personnes interrogées qui croyaient qu’ils étaient en papier recyclé!
Ce qui frappe | La marque déjà, Nature Gourmet. Puis les allégations concernant ces escalopes: 100% vegan, sans conservateurs et sans exhausteurs de goût.
Ce qu’on en pense | Marque et allégations prêtent à croire que la recette est saine et naturelle. Pourtant, on compte plus de 25 ingrédients, dont quasi aucun n’est brut. Parmi le florilège de composés chimiques que l’on retrouve également dans d’autres produits ultratransformés, le E450 (diphosphate), un additif connu pour ses effets néfastes sur la santé en cas de consommation excessive, notamment chez les personnes souffrant de troubles de la fonction rénale ainsi que chez les jeunes.
Ce qui frappe | Les mentions rassurantes «sans insecticide» ou «natural essential oils», l’image bucolique de brins de lavande et de papillon – c’est aussi la forme du produit – sur fond vert.
Ce qu’on en pense | Sur la face avant, l’antimites paraît inoffensif. Sur la face arrière pourtant, les avertissements sont nombreux: outre les risques de sévère irritation des yeux et d’allergie cutanée, il faudrait aussi «éviter de respirer les vapeurs». Car en plus de plusieurs allergènes, le gel contient une substance nocive en cas d’inhalation et soupçonnée de nuire à la fertilité ou aux fœtus selon l’Agence européenne des produits chimiques. Reste à savoir comment ne pas respirer un produit laissé à l’air libre ou dans nos armoires…
Ce qui frappe | La mention 100% d’ingrédients naturels sur le devant de la canette, avec de belles rondelles de citrons provenant d’Italie et un savoir-faire annoncé depuis… 1932. Traditionnelle à souhait! Forcément, on s’attend à une limonade goûtue.
Ce qu’on en pense | Lorsqu’on lit attentivement la composition, outre le jus de citron (5%), celui à base de concentré (11%), on constate la présence d’un intrus: l’arôme naturel de citron. Pourtant, cet agrume, s’il est de bonne qualité et qu’il a mûri naturellement au soleil, devrait se suffire à lui-même dans une recette de limonade. L’industrialisation a encore frappé.
Ce qui frappe | La mention «eco tabs» surmontée d’une feuille sur fond vert, l’éloge de l’engagement écologique de la marque sur l’emballage.
Ce qu’on en pense | Un produit qui rend le pré-rinçage inutile, un film biodégradable (juste le film donc) et un emballage recyclable: la lecture de ces maigres promesses suscite, au mieux, un soupir. Côté composants, Sun met en avant l’absence de phosphates – une obligation légale en Europe – tout en conservant des phosphonates qui nuisent aux eaux malgré tout. Et que penser de la fabrication «dans une usine qui fonctionne sans émissions de CO2»? On respire, il faut croire la marque sur parole, aucune information n’étant disponible à ce sujet.
Ce qui nous frappe | Les termes «naturel», «durable», «céréales anciennes» (au pluriel), «sans sucre ajouté» et, visuellement, épis et pâquerettes renforcent l’impression d’un produit sain et brut. La liste des ingrédients, courte, semble le confirmer.
Ce qu’on en pense | Il reste une ombre au tableau: l’oligofructose, prébiotique obtenu par fermentation du glucose. On lui prête des vertus (transit régularisé, effet rassasiant), mais il fait l’objet de controverses (interaction avec le diabète, goutte, inflammation du système immunitaire). Relevons encore que la seule céréale ancienne est l’engrain, à 24,5% seulement. Un produit naturel donc, mais avec un bémol.
Ce qui nous frappe | Le devant du produit recouvert d’images de nature et de promesses de durabilité.
Ce qu’on en pense | Le terme «Oeco Power», la promesse de biodégradabilité et les matières premières naturelles «pour une Suisse plus durable» laissent croire à un produit irréprochable. Il faut décoller l’étiquette au dos pour découvrir le label RSPO Mixed qui révèle la présence d’huile de palme, mais ne garantit pas sa durabilité. D’autres ingrédients sont tout sauf naturels, notamment le sodium hydroxyméthylglycinate, un conservateur problématique car source de formaldéhyde (cancérogène). Sans parler des tensioactifs dont on ne sait pas s’ils font partie de ceux soupçonnés de perturber le système hormonal.
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