6.3.2014, Nicolas Berlie / Illustration: Gil C / Shutterstock.com
Le très populaire service de stockage en ligne vient de revoir en profondeur ses conditions générales. Doit-on partir en courant? Le point de vue d'un avocat.
Fin février, Dropbox commençait à arroser ses utilisateurs – il y en a plus de 200 millions dans le monde – pour les informer du changement de ses conditions générales (CG).
Dans un premier temps, Dropbox joue les bons élèves: dans le sillage de l’affaire PRISM, il annonce qu’il fera désormais preuve de transparence (statistiquement parlant) quant aux demandes des autorités. « Dropbox ne fait ici que s’aligner sur Facebook ou Google, qui ont déjà pris de telles dispositions », relève Sylvain Métille, avocat spécialisé dans les questions de vie privée et de technologie pour le cabinet BCCC.
Mais l’affaire qui excite les réseaux sociaux, c’est la modification des conditions d’utilisation, et plus précisément les dispositions en cas de litige:
- Dropbox bannit les actions collectives. Une mesure qui ne concerne que les citoyens américains, les « class-actions » n’existant de toute façon pas dans le droit suisse
- Dropbox rend obligatoire le recours à l’arbitrage qui aura lieu à « dans le comté des Etats-Unis où vous résidez ou travaillez, à San Francisco en Californie [siège de la société, ndlr], ou à tout autre endroit sur lequel nous nous accordons ». Ceux qui refuseraient la convention d’arbitrage ont 30 jours pour le faire savoir à Dropbox (mécanisme d’opt-out)
Faut-il s’en inquiéter? D’abord, Sylvain Métille relève que les conditions révisées sont plutôt favorables pour les personnes se trouvant sur sol américain. Dropbox prend en effet en charge les frais d’arbitrage pour les réclamations inférieures à 75’000 dollars. Mais qu’en est-il pour les citoyens suisses, à quelque 9’000 kilomètres de là ? « Pour des problèmes de consommation courante [par exemple, la perte des photos de famille, ndlr], les personnes privées sont de toute façon protégées par le droit suisse, qui prévoit qu’un consommateur ne peut pas renoncer à l’avance à son lieu de domicile comme for juridique. » Autrement dit, qu’un particulier accepte ou non les nouvelles CG de Dropbox, il pourra toujours les contester, et faire valoir ses droits devant un tribunal suisse. A moins qu’il ne préfère faire un petit séjour sous le soleil californien…
Dès lors, faut-il ou non faire valoir son droit à l’opt-out? Sylvain Métille conseille plutôt de ne rien faire: de cette façon, le consommateur continue à profiter du cadre légal suisse, et se garde la possibilité d’accepter l’arbitrage au cas où.
Les choses sont moins simples pour les entreprises et petites PME: contrairement aux particuliers, elles ne sont pas protégées par la loi suisse, et risquent d’être forcées de faire le voyage, pour se retrouver aux prises avec un système judiciaire « exotique », qui plus est dans une langue étrangère.
Que recommander? « Acheter local », plaide l’avocat, qui conseille de privilégier des sociétés de cloud computing basées en Suisse, et qui hébergent leurs données sur des serveurs suisses. Ou au pire en Europe. « Le plus proche sera le mieux ».
Face aux Américains Dropbox, Google Drive, iCloud et Microsoft OneDrive, on peut notamment recommander Wuala, société de « cloud storage » originellement helvétique (mais rachetée par le Français LaCie en 2009), et gérée depuis Zurich.
On peut citer d’autres solutions helvètes, recensées par ICT Journal: MyDrive, SecureSafe, Speicherbox.ch et FileSync Drive. Avec quelques bémols toutefois face aux géants américains du secteur: des prix plus élevés, un confort d’utilisation moindre et, chez certains, peu d’affinité avec la langue de Molière.
Pour plus d’infos, écouter aussi l’émission d’On en parle consacrée aux « clouds » sécurisés.