3.5.2016, Sophie Reymondin / Arrachez ou brûlez les mauvaises herbes. En les traitant avec un herbicide, vous vous mettez hors la loi! riopatuca/shutterstock.com
La plupart des vendeurs proposent des produits qui sont prohibés pour cet usage. Enquête.
«Aucun produit!» Roy et fils, à Genève, est la seule jardinerie à avoir déjoué le piège tendu par les clients mystères de la FRC. Cette enquête avait en effet pour objectif d’évaluer la qualité du conseil dans les magasins spécialisés (do-it des grandes surfaces et jardineries). A cette fin, nos enquêteurs devaient se rendre au rayon des produits phytosanitaires et demander au vendeur lequel il conseillerait en priorité pour désherber une terrasse dallée; ils devaient également s’enquérir du principe actif et des précautions d’usage; et noter l’alternative que le vendeur allait peut-être leur proposer. Visiblement, les restrictions d’usage concernant les herbicides – et pas seulement ceux à base de glyphosate – sont ignorées par la majorité du personnel de vente. Cela malgré une législation claire et des recommandations prodiguées par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV)!
Depuis 2001, la Suisse proscrit l’utilisation par les privés d’herbicides sur les chemins, les places et leurs abords. De telles substances appliquées sur des sols imperméables peuvent facilement être lessivées dans les eaux souterraines ou parvenir dans les rivières et les lacs par les canalisations. Pour limiter le risque de pollution, l’usage de ces produits sur les surfaces pavées, les places de parc, les revêtements en dur, les terrasses et les toits, est prohibé.
Christian Pillonel, chargé d’évaluation du risque environnemental des produits biocides et phytosanitaires à l’OFEV, le confirme: ces limitations figurent dans la loi, notamment dans l’Ordonnance sur la réduction des risques liés aux produits chimiques (ORRChim), annexe 2.5, entrée en vigueur en 2005. Le spécialiste souligne que ces restrictions d’usage doivent figurer sur l’étiquetage, sans quoi le produit ne peut pas être mis en vente. Tous les herbicides homologués doivent donc obligatoirement mentionner que leur emploi est interdit sur les terrasses, en deux langues officielles de manière bien lisible et indélébile.
Des vertes et des pas mûres
Les désherbants concernés par cette interdiction sont bien sûr ceux à base de glyphosate – dont le fameux Roundup de Monsanto –, substance également présente dans de nombreux produits vendus sous d’autres appellations et marques, comme Deserpan TD de Maag ou Spray désherbant Gesal de Compo. Cette substance controversée, qui détruit la plante jusqu’à la racine, est appréciée pour son efficacité. Moins pour ses effets potentiels sur la santé et l’environnement!
L’interdiction ne concerne pas seulement le glyphosate, car la loi parle bien de tous les herbicides. Ainsi, les préparations à base d’acide pélargonique (un acide gras présent dans certains géraniums) ne peuvent pas non plus être utilisées sur une terrasse dallée, ni celles qui contiennent de l’acide acétique (vinaigre concentré); les professionnels de la vente estiment parfois le contraire. A tort!
A quelques exceptions près, les jardineries n’ont pas brillé par leur fibre écologique. Dans onze d’entre elles, les vendeurs interrogés ont proposé un produit à base de glyphosate, du moins en première intention (voir liste des enseignes). En effet, chez Andréfleurs, à Assens, la vendeuse a tout de même réalisé, en lisant l’étiquette, que le produit ne devait pas être utilisé sur une terrasse. Elle a bien réagi en conseillant un appareil destiné à brûler les mauvaises herbes.
Dans quatre autres jardineries, le personnel de vente a présenté à notre enquêteur des préparations à base d’acide pélargonique ou d’acide acétique. Or, bien qu’ils n’aient pas défrayé la chronique comme le glyphosate, ces composants sont également proscrits sur les terrasses et, à ce titre, n’auraient pas dus être conseillés.
Les do-it, un brin plus «écolo»
Lorsque la dernière polémique autour du glyphosate a éclaté il y a environ un an, les deux géants Migros et Coop avaient retiré de la vente tous les herbicides à base de ce composant décrié. La FRC salue l’effort, mais déplore le fait que, dans le cadre de cette enquête, les vendeurs ont ignoré l’interdiction d’usage des produits à base d’acide pélargonique sur les terrasses. Chez Jumbo, le personnel a également proposé à notre client mystère un produit à base d’acide pélargonique.
Quant à Hornbach, il marque un point, en ayant proscrit le glyphosate de son assortiment. Par ailleurs, il propose un biocide qui échappe pour l’instant aux restrictions d’usage appliquées aux produits phytosanitaires. Toutefois, relevons que cette substance est en cours de réévaluation dans l’Union européenne, et que notre législation en matière de biocides se calque sur celle de l’UE. Au final, Landi est la seule chaîne à avoir présenté du Roundup sans aucune sensibilité écologique, ni aucune précaution d’usage.
Les carences observées en matière d’information dans les magasins spécialisés confortent la FRC dans sa position. Notre association continue d’exiger l’interdiction pure et simple du glyphosate sur la base du principe de précaution. Pour rappel, en mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classait le glyphosate dans les substances potentiellement cancérogènes. Cette annonce avait toutefois été contredite, en novembre 2015, par une réévaluation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa).
Or, selon Barbara Pfenniger, qui suit ce dossier de près à la FRC, l’étude du CIRC aurait davantage de crédit car les experts ont analysé l’effet des herbicides à base de glyphosate auxquels les consommateurs sont effectivement exposés. De plus, l’Efsa a elle-même reconnu que l’effet du glyphosate pourrait être augmenté par les autres composants présents dans les produits.
Par ailleurs, notre enquête démontre qu’une régulation par la branche est illusoire. Certaines jardineries ont d’ailleurs relevé la difficulté de renoncer à ces produits, tant qu’ils sont autorisés, alors que la clientèle les demande et qu’il lui suffit de se servir au rayon. Qui peut ensuite vérifier comment ils sont utilisés?
Recettes d’antan
Se passer d’herbicides signifie retrousser ses manches et revenir aux bonnes vieilles méthodes d’arrachage des mauvaises herbes, en prenant soin d’éliminer les racines. Il existe aussi quelques alternatives, telles que brûleur à gaz, eau brûlante, air comprimé, balai à adventices, etc. Et la sagesse voudrait aussi que l’on tolère quelques herbes folles, au profit de l’environnement et de notre santé. Surtout lorsque l’on sait, sur la base d’une enquête récente de A Bon Entendeur, que la présence de glyphosate a été détectée dans l’urine de 40% des Romands testés!
Plus d’infos sur frc.ch/glyphosate