31.5.2022, Laurianne Altwegg
Les promesses de neutralité carbone et climatique sont partout. De Volvic à l’abonnement Swisscom «climatiquement neutre», en passant par la crème Nivea au CO2 «100% neutralisé» ou l’emballage des biscuits HUG neutre en CO2: aucun secteur n’y échappe. Il est même possible de payer 1 franc pour le climat au restaurant, de compenser ses émissions à la station Shell ou ses achats à la Migros. Que signifient concrètement ces allégations?
La neutralité carbone implique de séquestrer autant de CO2 que nous en émettons, de manière à stabiliser son niveau de concentration dans l’atmosphère et limiter l’augmentation de la température globale de la planète. Pour atteindre cet objectif, il est à la fois nécessaire de réduire drastiquement les émissions et d’augmenter les «puits» permettant la séquestration du carbone de l’atmosphère, c’est-à-dire les réservoirs naturels (forêts ou océans) ou artificiels (installations de captage) capables de le stocker.
S’agissant d’un objectif à l’échelle de la planète, il n’a que peu de sens au niveau d’un produit, d’un service ou d’une entreprise. Il est toutefois possible d’y contribuer. Raison pour laquelle l’Agence française de la transition écologique (Ademe) recommande de ne pas utiliser de formulations du type «100% neutre en CO2», «carbone compensé» ou «zéro carbone» qui donnent faussement l’impression qu’il est possible d’annuler les émissions de gaz à effet de serre d’un produit ou d’un service grâce aux efforts consentis. Compenser ces émissions ne les fait pas disparaître comme par magie.
La FRC veut une communication transparente et proportionnée
En plus d’induire en erreur, ces allégations sont problématiques car elles suggèrent indûment qu’il est possible de lutter efficacement contre le changement climatique sans diminuer drastiquement nos émissions ou changer nos comportements. Ce qui peut même avoir des effets contreproductifs en poussant à la consommation de produits perçus comme n’ayant plus d’empreinte environnementale. Une idée relayée par exemple par le modèle promettant de planter un arbre à chaque produit acheté.
C’est pourquoi la FRC approuve les recommandations de l’Ademe qui préconise une communication non seulement transparente, mais surtout proportionnée, sur les impacts environnementaux du produit ou service et sur les efforts réalisés pour les réduire. Rien n’empêche ainsi de mettre en valeur ces efforts en utilisant des allégations du type «empreinte carbone réduite» associées à toutes les informations utiles pour que le consommateur puisse faire un choix éclairé.
Derrière l’allégation, quels engagements?
Comme aucune loi n’encadre les déclarations relatives à la neutralité climatique, celles-ci peuvent refléter des efforts extrêmement variables. Difficile alors pour le consommateur d’aller vérifier si l’approche qui sous-tend chacune d’elles est valable et donc d’identifier les acteurs ou produits réellement recommandables.
En outre, certaines démarches sont malheureusement limitées à la compensation des émissions via le financement de projets de stockage de CO2 auprès de tiers: par exemple en plantant des arbres. Pire, certaines se bornent à l’acquisition de crédits carbone à bas coûts dont les effets sont critiquables.
D’autant qu’une tonne de CO2 émise n’est pas forcément équivalente à une tonne évitée ou séquestrée. Comme rappelé par l’Ademe, «le carbone émis est libéré instantanément et va rester des siècles dans l’atmosphère et contribuer durant tout ce temps au réchauffement, tandis que le carbone stocké par exemple dans les arbres va être absorbé progressivement et, dans la très grande majorité des cas, être relâché pour diverses raisons (incendie, sécheresse, maladie, etc.).» Cette équivalence étant illusoire, une simple compensation des émissions est clairement insuffisante.
Pour être crédible, une démarche doit ainsi d’abord s’attacher à réduire les émissions liées directement au produit, au service ou à l’entreprise, ainsi que celles de ses fournisseurs et clients et, en dernier lieu à contribuer au financement de projets de séquestration ou de réduction de CO2 auprès de tiers sélectionnés avec soin.
Un problème internationalement reconnu
On l’aura compris, la notion de neutralité carbone est équivoque et se doit d’être communiquée de manière transparente. Certains Etats ont d’ailleurs déjà pris des mesures. À l’instar de la France et de l’Allemagne où des lois encadrent désormais son utilisation (plus ou moins efficacement, avouons-le). Des travaux sont également en cours au niveau de l’Union européenne dans le cadre de sa proposition de directive visant à donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique.
De son côté, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) – dont est membre la FRC – revendique l’interdiction de ces allégations. D’abord à cause de leur manque de pertinence à une échelle autre que planétaire, mais aussi en raison du fort risque de tromperie des consommateurs. Des réflexions que la FRC intègre à son travail visant à établir des lignes directrices dans le domaine de la publicité. Car pour l’instant, rien ne bouge du côté des autorités suisses et le consommateur reste démuni face aux multiples réalités que peut refléter un produit «climatiquement neutre».