26.8.2014, Laurence Julliard / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Devenir responsable, ça s’apprend dans la poche, pas à pas, avec de petites rentrées d’argent régulières.
«Maman, faut qu’on parle d’argent de poche au prochain conseil de famille!» La rentrée à peine entamée, chérubin revient à la maison avec de nouvelles velléités après en avoir discuté à la récré. L’argent de poche est un sujet de discussion récurrent, qui démarre de plus en plus tôt. Et cela commence par déterminer s’il faut en donner, ou pas. Oui, préconise la FRC. «Pour autant que la démarche soit comprise comme un réel apprentissage», répond Dominique Erne, conseillère en budget au sein de la FRC.
«Chez nous, pas d’argent de poche, réplique Marie-Laure, mère de trois enfants, âgés de 9 à 15 ans. Nous couvrons leurs besoins, qu’il s’agisse de leurs vêtements, de la carte prépayée de téléphonie du grand ou de la sortie de cinéma en famille.» Ce qui n’empêche pas Lou-Ann, Gaétan et Quentin d’avoir des rentrées ponctuelles, qu’ils doivent gérer d’un Noël ou d’un anniversaire à l’autre, pour s’offrir de petits extras.
«Moi, j’ai un porte-monnaie différent pour chaque chose, raconte Lou-Ann, parfaitement organisée et au clair pour ses 9 ans. Ici, un euro qui me reste de mes vacances en Italie; dans mon cochon, 8 fr. 20 en petite monnaie; et dans le portefeuille des post-it roses signés et datés par Maman. Tu vois, ça fait 70 fr., moins 6 fr. qu’elle m’a avancés pour des bonbons et que je lui dois!» A la maison en effet, la monnaie a sa place dans la chambre de la fillette, mais pas les billets, qui restent en dépôt dans la poche des parents ou vont sur le compte épargne. Avec ses frères, elle collectionne aussi les pièces de 5 centimes. «Cette tirelire, c’est pot commun, explique Gaétan. Si on se met ensemble, on peut acheter une plus grosse chose qui plaît aux trois!»
Des loisirs… et des charges!
Chez Anne, le système est différent: «Zia touche 2 fr. par semaine, mais il ne peut pas les dépenser d’un claquement de doigts sans autorisation. Le but du jeu, c’est de dialoguer autour des achats, malins ou pas.» La maman a fixé un cadre – argent sans lien avec les notes et participation aux tâches ménagères du quotidien gratuites – et la somme de départ en se basant sur les barèmes FRC. «Cet argent n’est pas un salaire; il n’y a pas eu d’augmentation depuis deux ans.» «Pas de pot, rétorque Joanne, 12 ans. Moi, je suis en négociation avec mes parents. Je vais toucher entre 12 et 13 francs par mois. La règle de base, c’est un franc par tranche d’âge, mais comme j’économise pour remplacer mon i-Pod et que maintenant je vais devoir contribuer à l’entretien de mon cochon d’Inde, j’essaie de discuter!»
Ainsi nos petits interlocuteurs parlent tous d’argent en famille. «Quand j’ai envie de quelque chose de cher, genre la super paire de baskets, mes parents me disent ce que ça représente en heures de travail pour eux, explique Quentin, 15 ans. Du coup, quand c’est non, je comprends mieux.» Marie-Laure ajoute: «L’an prochain, les garçons seront en âge de chercher un petit job: promener le chien du voisin ou aider dans une ferme. Ils vont apprendre à gérer une somme à la mesure de leurs efforts et de leurs moyens.»
Gérer, tout l’enjeu est là. C’est souvent à 16 ans que les choses se compliquent, notamment pour les jeunes qui entrent en apprentissage et touchent leur première paie. «Un salaire de 600 francs peut donner le tournis, dit Dominique Erne. La somme ne doit pas uniquement servir à s’offrir des loisirs, elle est là pour assumer certaines charges: repas de midi, vêtements et coiffeur, voire gérer ses premières factures: forfait téléphonique et assurance-maladie. Il faut aussi savoir doser sa générosité envers les copains. D’où l’intérêt d’introduire de l’argent de poche vers la 7e Harmos.»
Dans ses consultations, la spécialiste conseille de fixer d’abord le cadre des dépenses prises en charge par l’adolescent pour calculer la somme à lui remettre. «Chaque parent fait à la mesure de ses moyens, bien sûr. En parlant d’argent en famille, on aborde des questions qui ont trait au sens de la vie et à la valeur des choses. Ce qui prime, c’est le dialogue.» Et la meilleure prévention contre l’endettement des jeunes.la poche, pas à pas, avec de petites rentrées d’argent régulières.