10.6.2021, Barbara Pfenniger et Lionel Cretegny
Elle est l’amie de la récré, le goûter facile à emporter. Au rayon alimentation junior, elle prend une place prédominante. Flamant rose, petit personnage ou singe qui se balance font de l’œil aux plus jeunes, tandis que les images de fruits sains et juteux parlent aux parents. Qu’en est-il?
Faire manger des portions suffisantes de fruits et de légumes à un enfant est un axiome qui parle à chacun. Ce régime alimentaire est gage de bonne santé et de croissance harmonieuse. Sauf qu’il n’est pas toujours facile de proposer des fruits frais, surtout en déplacement ou à la garderie. D’où l’intérêt de ces mélanges fruités conditionnés en pochettes plastique pour les remplacer. Certains fabricants vont jusqu’à l’indiquer sur l’emballage: «Une compote = un fruit». De quoi rassurer parents ou grands-parents. La FRC s’est penchée sur treize de ces préparations prêtes à l’emploi, envoyant leur contenu au laboratoire et décryptant les emballages. Verdict.
Pesticides | Le laboratoire a évalué la quantité résiduelle possible de 122 pesticides utilisés en agriculture. Fort heureusement, seuls trois échantillons contiennent des traces de molécules indésirables. La législation alimentaire interdit de dépasser 0.01 mg/kg par substance dans des produits destinés aux moins de 36 mois. Or la pochette M-Classic pomme et fraise joue les équilibristes (deux pesticides: 0.01 et 0.011 mg/kg), tandis que la Andros pomme réfrigérée et la SweetValley dépassent largement les limites. Ces trois produits sont donc à éviter pour moins de 3 ans; tant qu’à faire, la FRC les déconseille quel que soit l’âge.
Sucres | La grande majorité des compotes de ce panel ont remplacé, à bon escient, les sucres ajoutés par des ingrédients doux, tel des bananes. Il n’empêche, dès lors que le fruit est transformé en jus ou en purée, il libère les sucres naturels qui étaient emprisonnés dans les cellules et rend le produit vite avalé. Résultat: les taux de glucose et d’insuline grimpent en flèche dans l’organisme. Leur teneur en sucres libres est comparable à une limonade, voire un Coca. A ce propos, l’OMS recommande de limiter les sucres libres quel que soit le produit. La Société européenne de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique a fixé des seuils: 15-16 g par jour pour les 2-4 ans et 18-20 g pour les 4-7 ans. Le barème de la Société suisse de nutrition est plus large. Aussi, toutes les pochettes du panel restent dans les limites de l’acceptable pour autant qu’un enfant n’en consomme pas plus d’une par jour et si possible pas quotidiennement. Car entre la confiture du petit-déjeuner, le dessert lacté de midi et les biscuits du goûter, la dose journalière est vite dépassée.
Goûts uniformes | Les enfants ont besoin de découvrir la saveur des aliments isolés pour progressivement déployer tout l’éventail des possibles: sucré, salé, amer, acide… Les fabricants ont, eux, tendance à mixer des fruits pour flatter le palais et standardiser leurs produits. Or une saveur uniforme ne prépare pas les enfants à une alimentation équilibrée, non sucrée. En plus, l’ingrédient cher ne représente qu’une petite fraction du mélange. Quand la part de fraise ne vaut que 14 à 24% du produit, mieux vaut attendre la bonne saison pour manger des fruits frais et découvrir leurs composants aromatiques naturels typiques.
Fruit trompeur | Certaines pochettes ne contiennent que des fruits, d’autres des légumes ou des céréales. Les pommes, bon marché, entrent dans la plupart des compositions mais ce sont les fruits chers qui sont illustrés sur les emballages. Parfois, le design induit carrément en erreur: la pochette montre des fruits amusants mais le contenu est en réalité du fromage frais à la crème mélangé à des sucres et divers additifs. Dans ces exemples, les fruits ne représentent que 6 g/100 g (1 cc).
Fibres | La plupart des produits contiennent moins de fibres qu’une pomme fraîche qui en renferme en moyenne 2,1 g/100 g. Les pochettes Hero n’en contiennent que 1 g.
Additifs et arômes | La plupart des compotes sont sans additifs. Seule la compote de pomme et de fraise M-Classic contient de l’arôme naturel de fraise, ainsi que de l’acide ascorbique comme antioxydant. D’autres utilisent avantageusement du jus de citron à la place.
Allégations | L’absence de sucres ajoutés figure presque sur toutes les pochettes. D’autres mettent en avant leur composition vegan (Freche Freunde) ou sans gluten (Hipp, Hero), des caractéristiques pourtant typiques d’une compote 100% fruits.
Emballage castrateur | Pour apprendre à manger de tout, un enfant devrait exercer ses cinq sens: voir le produit, le saisir, sentir son odeur et sa saveur et même écouter s’il craque sous la dent. En suçant directement l’embout en plastique du flacon, le contact avec l’aliment est très réduit. L’enfant ne sait pas ce qu’il mange, il n’en voit ni la couleur ni n’en sent l’odeur. Boire au goulot diminue également la conscience de la quantité ingérée et la mastication fait défaut puisque les dents baignent dans le liquide sucré. Dans son rapport «En finir avec l’obésité des enfants», l‘OMS demande aux fabricants d’indiquer clairement sur les pochettes que les petits enfants ne devraient pas directement boire au flacon, mais manger avec une cuillère. Seuls les produits Hipp et Freche Freunde fournissent ce conseil.
Etiquette attractive | Les fabricants ont tendance à utiliser le pouvoir de persuasion des enfants. Sept produits sont ainsi décorés d’images qui leur plaisent pour les utiliser comme vecteurs de marketing: Hero, Hipp, Freche Freunde, Andros et Milbona.
Provenance | Aucun des produits n’a été élaboré en Suisse. Les produits Milbona et Freche Freunde sont élaborés en Allemagne, les produits Hipp et Aldi (Happy Harvest et SweetValley) viennent d’Autriche, les produits Migros et Coop Naturaplan de Belgique, Hero et Organix importent leurs produits d’Espagne et les produits Andros viennent de France. Que deviennent nos pommes et poires suisses?
Prix | Les produits de notre sélection coûtent entre 69 ct. et 2 fr. pour une portion de 100 g de fruit. Les produits spécifiquement destinés aux enfants de plus de 12 mois et les compotes bio sont les plus chers. Pour comparer: 100 g de pomme fraîche coûtent entre 25 et 50 ct., selon la saison. Sans compter l’économie de l’emballage. Le choix serait vite fait si seul le porte-monnaie comptait.
Si certaines pochettes de compotes (bio) dépannent bien parfois, privilégier les fruits frais à croquer et des aliments au goût non sucré permet aux enfants d’apprécier la diversité des saveurs d’une alimentation équilibrée et peu transformée.