1.7.2014, Sophie Reymondin / Photo: Joana Lopes / shutterstock.com
Sur 24 pharmacies visitées, 5 ont carrément refusé la vente d’un substitut de repas. Une attitude très «pro»!
Regard surpris et refus catégorique: dans cinq des enseignes visitées en Suisse romande – dont trois en Valais! – les pharmaciens sollicités par nos jeunes enquêtrices ont carrément refusé de leur vendre un substitut de repas pour maigrir. Avec une attitude aussi claire consistant à valoriser la silhouette de ces jeunes filles et à leur conseiller un régime alimentaire équilibré, ces spécialistes ont clairement rempli un rôle de professionnel de la santé.
Déconseillés aux jeunes
Selon notre scénario, les jeunes filles entre 14 et 17 ans – d’apparence clairement adolescente et affichant un poids normal – devaient en effet entrer dans la pharmacie pour demander l’un de ces produits, observer la réaction spontanée de la personne présente au guichet, puis poser des questions sur ces articles, notamment sur leur efficacité et leur mode d’emploi. Elles avaient en outre pour mission d’observer la présence ou l’absence de publicité pour ce type d’articles et de noter si elles étaient face à un(e) assistant(e) ou à un pharmacien(ne).
En effet, les substituts de repas sont clairement déconseillés aux adolescents en pleine croissance, même s’ils ne présentent pas de danger en eux-mêmes. «C’est la porte ouverte aux régimes yoyo!», déplore Véronique Di Vetta, diététicienne diplômée à la Consultation de prévention et de traitement de l’obésité du CHUV. C’est ainsi que beaucoup de personnes en surpoids sont entrées dans l’engrenage de la perte/reprise de poids en utilisant ces mets liquides, avec quelques kilos de plus en prime à chaque diète. «La prise en charge des jeunes passe d’abord par une stabilisation du poids, explique la diététicienne. Nous travaillons aussi sur l’image du corps et sur les habitudes alimentaires.»
Un choix de société
Sur la base de ces explications, nous avons donc considéré que la vente de substituts de repas en pharmacie témoignait d’une attitude avant tout commerciale, peu compatible avec un rôle de professionnel de la santé. Cet avis est d’ailleurs partagé par certains membres de la profession, qui n’intègrent pas ce genre de produits dans leur assortiment. Toutefois, une telle position reste plutôt marginale dans la branche, puisque 16 officines – sur 24 visitées – n’auraient pas hésité à délivrer le substitut à notre jeune enquêtrice. Dans la lancée, certaines ont même proposé d’autres articles censés faire maigrir, comme des crèmes anticellulite ou des tisanes, en suscitant la réaction suivante de la part d’une jeune enquêtrice: «J’ai toujours pensé que le pharmacien s’intéressait à notre santé. Là, j’ai l’impression que l’on ne cherche qu’à vendre!»
En effet, la profession bénéficie d’une aura certaine auprès des consommateurs, que certaines préoccupations d’ordre financier risquent d’entacher:«Ce n’est pas une vision durable de demander à une entreprise financée uniquement par son activité commerciale de faire de l’anti-commerce actif!», réagit Marcel Mesnil, secrétaire général de Pharmasuisse. Le représentant de la société faîtière estime qu’il s’agit d’un choix de société:«Nous constatons que, en-dehors du médicament, le service offert dans nos officines est très variable, mais il sera difficile d’exiger mieux, faute d’une loi sur les pharmacies. Si notre mission était mieux encadrée, il serait possible de définir un autre type de rémunération pour la fourniture de conseils validés et de qualité dans une optique de prévention, sans aucune vente de produits.»
En attendant, notre enquête souligne le caractère inégal du conseil en pharmacie, lequel dépend de plusieurs facteurs: des valeurs personnelles du propriétaire des lieux, des régions et de la pression économique exercée sur l’officine et de la formation continue du personnel.