16.3.2021, Laurianne Altwegg
Quid du rayonnement?
Les ondes émises par ces appareils sont sources de réticences pour certains consommateurs. Dépendant des entreprises et de la configuration du lieu dans lequel le smart meter est installé, la transmission des données passera soit par le réseau électrique basse tension (Power Line Communication, PLC) soit par celui de la téléphonie mobile. Certes, cela renforcera les ondes présentes en continu chez soi.
Les entreprises se veulent toutefois rassurantes: alors que Romande Energie indique que «les compteurs intelligents utilisent la même technologie de communication que les babyphones», BKW mentionne de son côté qu’«un seul court dialogue via un téléphone portable ou sans fil expose le corps à un rayonnement plus important qu’un smart meter équipé d’un module radio sur toute sa durée de vie». Ce dernier précise également que «le rayonnement émis par PLC serait équivalent à environ un cinquième de celui d’un chargeur de téléphone en veille. Si le transfert a lieu via la téléphonie, la puissance de l’émission correspond à environ 2 watts pendant le relevé et à 1,5 watt au repos.» En bref, les compteurs intelligents n’ont pas un potentiel de nuisance différent des autres appareils domestiques que la plupart des ménages possèdent déjà aujourd’hui.
Reste la question des électrosensibles qui pourraient être importunés par ces nouvelles ondes. En France, quelques-uns ont obtenu gain de cause auprès du Tribunal de grande instance de Tours et forcé Enedis (la société en charge de l’installation du Linky) à désinstaller le compteur. Lors de la consultation sur le sujet, la FRC avait d’ailleurs demandé à ce que «la possibilité d’installer des filtres à champs électromagnétiques là où cela se justifie pour les personnes qui le demanderaient» soit étudiée. Rien n’a été ajouté à ce jour dans la loi. Certains gestionnaires de réseau de distribution (GRD), comme BKW, indiquent toutefois se préoccuper de ces clients particuliers et être en train d’étudier «la manière de les gérer».
Tour d’horizon romand et questionnements
Les smart meters sont en cours d’installation chez les clients de Romande Energie (Vaud et Chablais) et de Viteos (villes de Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds et Le Locle). Leur déploiement commencera dans la zone de desserte de Groupe E (Fribourg et Neuchâtel) à partir de l’été 2022: un projet pilote auprès de 1000 personnes a été mené et l’appel d’offres est en cours de rédaction. Les Services industriels de Genève (SIG) n’ont pour leur part ni sélectionné ni posé le type de compteur qu’ils choisiront au final. Ce qui n’empêche pas l’entreprise d’avoir participé à des projets pilotes impliquant des centaines d’appareils dans sa zone de desserte.
De leur côté, les SiL indiquent dans leur préavis de septembre 2020 au Conseil communal de Lausanne que «les premiers compteurs seront posés en principe dès 2021, avec deux ans de retard, dû au fait que le marché ne propose pas, aujourd’hui encore, de modèle conforme certifié par l’Institut fédéral de métrologie (Metas) et que la question de la sécurité des données nécessite des développements plus importants que prévu par les spécialistes du domaine». Une information étonnante, vu que l’appel d’offres a été passé avec Romande Energie qui a déjà commencé leur déploiement.
Même son de cloche toutefois chez BKW (Jura et Berne), qui a répondu faire «preuve de retenue concernant le déploiement», entre autres lié au fait qu’il «n’existe pas encore de systèmes de mesure intelligents conformes aux articles 8a et 8b sur le marché pour le moment», comprenez par là des compteurs répondant aux spécificités techniques et relatives à la sécurité des données décrites dans l’Ordonnance sur l’approvisionnement en électricité. De plus, l’entreprise indique que «les compteurs ne disposent pas encore d’une interface client standardisée qui permettrait d’utiliser les valeurs mesurées pour le pilotage de la domotique des clients, ce qui leur serait extrêmement utile». Deux points qui posent question.
D’autres problèmes techniques subsistent également. L’utilisation du courant porteur de ligne (PLC) pour la transmission des données peut notamment générer d’importantes perturbations de fréquence susceptibles d’affecter la fiabilité de la communication et qui induisent d’importants coûts pour les limiter. Ces problèmes interviennent notamment lors de la présence d’onduleurs liés à des installations solaires. Comme indiqué dans une étude de 2018 publiée par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) sur le sujet, «de telles interférences ne sont pas problématiques lorsqu’un compteur intelligent transmet une valeur de mesure par mois. En revanche, elles représentent un sérieux problème lorsque les exploitants de réseau souhaitent fonder des réseaux intelligents.»
Reste encore la question du recyclage des anciens compteurs. Romande Energie prévoit de garder une partie de ses 220 000 compteurs en réserve pour des remplacements futurs, d’en envoyer une autre à l’étranger et de recycler ce qui peut l’être. Viteos, en plus d’avoir opté pour un compteur répondant à des normes strictes de durabilité (le Fair Meter), indique pour sa part avoir décidé de financer le recyclage des anciens compteurs via une initiative de réinsertion sociale locale. Du côté de BKW, on planche sur «le devenir des plus de 400 000 anciens compteurs de la zone de desserte», mais rien de concret encore. Dommage que la loi n’ait rien prévu dans ce domaine, car il y a fort à parier que les plus de 640 gestionnaires de réseau de distribution ne seront pas irréprochables. La mise au rebut de 5 millions de compteurs est une source importante de gaspillage.