7.5.2013, Nicolas Berlie / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Un faux appel au secours envoyé à ses contacts: quand une personnalité est victime d'usurpation d'identité.
André Fasel est directeur du Musée d’histoire naturelle de Fribourg depuis quarante ans. «Mais, je vous rassure, on n’a pas encore prévu d’emplacement pour moi», lance-t-il en riant, tandis qu’il se livre à une séance photo entouré de ses plus beaux spécimens: les singes bonobo et l’éléphant nain, ses dernières acquisitions, ou encore un python de 6 mètres qu’un particulier gardait dans sa salle de bains…
Personnalité dans son canton, André Fasel n’est pourtant pas protégé contre l’usurpation d’identité. Il en a fait l’expérience le 21 janvier, quand son compte Gmail a été piraté. Il ne s’explique pas comment. «J’ai dû être inattentif à un moment donné», lâche-t-il simplement.
Mailing massif
Il ne peut plus accéder à son compte, mais le pirate, lui, s’en donne à cœur joie. Il envoie un e-mail à tous ses contacts, commençant ainsi: «J’ai besoin de ton aide…» Ceux qui y répondent se voient servir un scénario improbable d’agression au Sénégal. Sans téléphone, sans argent, l’usurpateur demande qu’on lui verse 3500 francs par Western Union.
Le vrai André Fasel se rend compte de la supercherie quand des amis le contactent par téléphone. Un tel appel à l’aide envoyé à des centaines de contacts par le directeur d’une institution – «fautes d’orthographe en prime» –, voilà qui fait désordre. A son tour, il procède à un «mailing massif» de mise en garde à partir de son e-mail professionnel.
Heureusement, personne n’a encore versé un sou. Ce qui n’empêche pas André Fasel de déposer une plainte pénale. Classée le 1er février par la justice fribourgeoise en «application du principe de proportionnalité»: la plupart des escrocs sont basés en Côte d’Ivoire, au Mali ou au Sénégal; ils opèrent depuis des cybercafés, utilisent des transferts de fonds quasi intraçables, une enquête n’aurait donc aucune chance d’aboutir.
André Fasel n’est pas au bout de ses frustrations, car il lui faut encore reprendre la main sur son compte. Or, impossible de trouver un contact, une hotline sur le site. Et les procédures automatiques sont inefficaces. C’est donc en utilisant l’ancienne méthode, un courrier envoyé au siège suisse de Google, qu’il obtient gain de cause. A l’heure électronique, c’est via un bon vieux «smail» (contraction de snail et des mail: courrier escargot) qu’il récupère son identité numérique…