24.2.2015, Nicolas Berlie avec la collaboration de Solène Spangenberg / Coop, Migros et Manor: 5 fr. pour 500 fr. dépensés... Des clopinettes. Shutterstock / Fabio Berti
Les informations personnelles valent de l’or. Mais les clients n’en voient pas la couleur.
En signant pour une carte de fidélité, le client autorise un magasin à récolter et exploiter ses données personnelles, notamment pour lui envoyer des publicités ciblées (lire aussi notre article «Entre surveillance et récompense»). Ces informations que thésaurisent les commerces ont donc de la valeur.
Il est alors normal que le consommateur soit rémunéré en conséquence. «Les gens sont sans cesse espionnés, mais ne reçoivent aucune compensation pour les informations que l’on tire d’eux», relève Jaron Lanier dans son ouvrage Who Owns the Future?, déconstruisant cette nouvelle économie du big data.
Dans le cas des cartes de fidélité, il y a bien une compensation, mais à combien s’élève-t-elle? Pour le savoir, nous avons comparé les programmes de fidélisation de plusieurs enseignes – dont Migros, Coop, Manor, Globus, Fnac – ainsi que le programme Surprize de Viseca, émetteur des cartes Visa et Mastercard pour les banques cantonales notamment.
Quel bonus pour 500 francs dépensés ?
Une telle comparaison est certes problématique, étant donné que les conditions – et la nature – de ces cartes varient énormément: la Globus Card et la Manor MyOne, par exemple, sont des cartes de crédit, par opposition à de pures cartes de fidélité comme la Supercard ou la M-Cumulus; la carte Fnac est payante – la seule du lot – mais offre aussi un rabais permanent sur la librairie; difficile aussi de mettre dans la balance les offres promotionnelles, les primes ou les semaines spéciales.
Nous nous sommes donc posé une question simple: si je dépense 500 francs dans un magasin en étant affilié à un programme de fidélité, à combien s’élève mon bonus financier? Une question très théorique, mais qui donne néanmoins une idée du rendement de ces cartes.
Commençons par les géants orange: chez Coop et Migros, une fois la somme dépensée, je reçois un avoir de 5 francs. Idem chez Manor. A la Fnac et chez Globus, je reçois 10 francs. Enfin, avec le programme Surprize que Viseca a imposé à ses clients en 2014, je n’obtiens… rien. Il me faut 5000 points – ce qui, hors offres spéciales et partenaires, correspond à une dépense de 5000 francs – pour obtenir un crédit de… 10 francs (et encore, ceci dans le cadre d’une opération ponctuelle de conversion en cash). Cela représente un rendement de 0,2%.
Le chiffre laisse songeur si on le compare avec la carte de fidélité du kebab du coin, où le «11e gratuit» équivaut à un rendement de 10%. D’autant plus que lui au moins ne fait pas main basse sur vos données.
En Suisse et à l’étranger
On l’a déjà dit, ces résultats sont à prendre avec des pincettes, puisqu’ils ne reflètent pas la totalité des avantages de la clientèle. Il n’empêche, c’est à une grande braderie des données personnelles qu’aboutit ce système des points fidélité, alors même que les entreprises en tirent de juteux bénéfices. Et il n’y a pas vraiment de garantie quant à leur utilisation. Viseca, s’il dit se plier strictement à la législation suisse en matière de protection des données, ajoute par ailleurs dans ses conditions générales que les «données transmises à l’étranger ne jouissent pas de la même protection que celle imposée par le droit suisse».
Autrement dit, non seulement le consommateur est très mal payé pour la «matière première» qu’il fournit aux distributeurs, mais en plus il leur accorde un droit de licence très large, à la définition souvent flottante. A cette aune, il ferait bien de peser le pour et le contre.