5.9.2023, Noémi Massard / Photo: Jean-Luc Barmaverain
C’est le retour des saveurs d’automne. Et si on testait ces variétés qui invitent au voyage des papilles ? Il est temps de cuisiner pleurote, shiitake, hydne hérisson ou pioppino.
Chanterelle, morille, girolle, bolet, pleurote, champignon de Paris: les champignons qu’on trouve dans le commerce ou dans les sous-bois et que tout le monde sait reconnaître sont nombreux. Mais des variétés dites nobles ou exotiques font leur place sur les étals: d’abord, le shiitake, une spécialité qu’on ne trouvait que séché et importé il y a quelques années, mais qui est aujourd’hui cultivé ici. Plus récemment, l’enoki, le maitake, l’hydne hérisson ou le pioppino, qui poussent à l’abri des regards en Suisse romande aussi.
Ces champignons, qui s’installent grâce à des passionnés, arrivent dans nos assiettes en mode local, bio et de saison. La production helvétique de champignons bio est passée de 15 à 35% entre 2017 et 2022, selon Bio Suisse. C’est une culture intéressante au niveau écologique, car elle est possible sur du substrat recyclé (déchets forestiers ou agricoles), avec très peu de lumière et de chauffage. Elle exige très peu d’eau si l’on dispose de lieux de culture à climat déjà humide et à température constante (caves, tunnels, etc.), ou si le microclimat des salles de culture est alimenté avec de l’énergie renouvelable et de l’eau de pluie. Il en va de même pour le mycélium comestible d’espèces importées.
À la mode de chez nous
Si les cultivateurs de champignons diversifient leurs productions, certains maraîchers profitent aussi de cette tendance pour intégrer les champignons à leur gamme, et de nouvelles entreprises spécialisées en champignons nobles s’installent régulièrement. En cinq ans, la culture de cette gamme est passée de 190 à 480 tonnes (Champignon Suisse, 2022). Le pleurote en roi, car il peut être gris, jaune, rose, bleu ou du panicaut.
Il pousse très facilement et rapidement, il offre en outre une texture ferme qui se cuisine aisément.
200 000: le nombre d’espèces connues. Si 200 sont comestibles, seule une vingtaine est consommée régulièrement.
Les professionnels ne sont pas les seuls à être séduits. Une pléthore de modes d’emploi en ligne pour apprendre à cultiver des champignons de toutes les couleurs et formes font grimper la part de la culture à la maison (ou à la cave). À tel point que l’on trouve partout des kits prêts à l’emploi qui permettent de les voir grandir simplement en humidifiant un substrat inoculé de mycélium. On a testé, c’est fascinant à observer!
La passion pour le mycélium ne s’arrête pas à l’alimentaire, la pharmacologie pour la santé physique et mentale s’y intéresse de près. Et les champignons pullulent: de l’architecture à la mode, des matériaux de construction aux meubles en forme de champignon, de l’art plastique aux séries télé, la tendance n’est pas près de s’arrêter!
3 questions à…
Juan Carlos Floyd Sarria, ancien biologiste de terrain, est producteur de champignons nobles à Pompaples (VD). Lausannois et Morgiens le rencontrent sur les marchés. Mais il livre aussi une poignée d’épiceries et restaurants. Il raconte son produit, sa passion.
Comment est née votre passion? Elle est née de la curiosité. J’ai toujours été bluffé par l’aspect esthétique des champignons en randonnées forestières. Un jour, je suis tombé sur des êtres d’une incroyable beauté dans une échoppe au fin fond de la campagne chinoise. Une vidéo en ligne d’un myciculteur américain (Mushroom Mike – Southwest Mushrooms) a fini de me séduire. Le jour même, je passais à l’acte en essayant de cloner un pleurote de panicaut du commerce en face de chez moi. Depuis, le mycélium n’a cessé de se répandre dans ma vie.
«Mon substrat parcourt moins de 15 kilomètres et se recycle dans les fermes alentour, on est vraiment dans de l’économie circulaire !» Juan Carlos Floyd Sarria
À part certaines spores que vous importez, tous les ingrédients que vous utilisez sont locaux et bio. Ces choix influent-ils sur la qualité des champignons? Effectivement, mon travail part de mycélium sélectionné par de petites entreprises spécialisées. Principalement en Autriche, mais aussi en Belgique, en Angleterre et aux États-Unis. L’idée est de trouver ce qui se cultive le mieux dans nos conditions. Chez moi, les champignons poussent sur de la sciure de bois venant d’une scierie à Montricher (VD). Le bois de hêtre que j’utilise est entièrement suisse, du Jura et de la région de Lausanne. Le blé et le son de blé sont achetés à des fermes bio de la région.
2kg: la consommation annuelle de champignons par personne en Europe. En Asie, c’est 8 kg.
La culture sur bois semble donner plus de goût aux champignons que sur paille. De plus, utiliser des produits bio offre plus de chances aux champignons dans leur développement, et tous les composants bio nécessaires se trouvent à quelques kilomètres autour de notre site de production. Ce choix me paraît logique en tant que biologiste, consommateur et producteur. Autant faire juste tout de suite, le label viendra quand j’en aurai les moyens.
La culture de champignons nobles en est à ses débuts ici. Est-ce une mode passagère ou une culture d’avenir? Le champignon noble a de beaux jours devant lui, comme c’est déjà le cas en Europe depuis quelques années et outre-Atlantique depuis deux décennies; en Asie, nous parlons plutôt de millénaires. Les vegans, les végétariens et les mangeurs de viande modérés sont mes principaux clients, ils y trouvent une source protéique. En plus de leurs propriétés nutritives, la recherche s’intéresse à leurs effets sur l’organisme. De plus, les préparations sont pratiquement infinies. Je me sens plutôt positif sur leur avenir. En ce qui me concerne, ils vont faire partie de ma vie culinaire et certainement professionnelle jusqu’à mon dernier souffle!