Alimentation
Carnaval: les beignets frits, une tradition de saison qui se perd
Archive · 28 janvier 2020

En cette troisième semaine de janvier, Pascal Dominé, artisan boulanger à Delémont, s’est mis aux fourneaux, et ce spécialement pour la FRC. «On est en train de terminer avec les Rois, explique-t-il. Normalement on commence les cuisses-dames la semaine suivante, et on les propose jusqu’à Mardi gras.» Cette année, le président de l’Association jurassienne des artisans boulangers-pâtissiers-confiseurs a ainsi fait une exception. «De toute manière, il y a déjà des clients qui nous en demandent… », balance l’artisan, ajoutant que l’an prochain, la saisonnalité sera évidemment à nouveau respectée!
Yves Beuchat (à gauche) et Pascal Dominé en pleine confection de merveilles et de cuisses-dames.
Pour l’occasion, Pascal Dominé a ajouté une difficulté supplémentaire en créant quatre produits de carnaval différents: des cuisses-dames à l’anis, des pieds-de-chèvre (dont la recette de base est quasi similaire), des boutonnières, seul article levé du lot, et des merveilles. «Cela fait vingt ans que je n’ai pas vendu de merveilles!» s’exclamera la patronne de la Boulangerie du Moulin en fin d’après-midi, en embarquant les fins beignets pour les déposer en rayon.
Mis à part une forte odeur de friture, c’est bel et bien un parfum de nostalgie qui se balade au sein des murs du laboratoire. Le Grand Maître de la Confrérie jurassienne des Chevaliers du Bon Pain, Yves Beuchat, venu donner un coup de main, a tenu à ce qu’ils réalisent ces merveilles. «Les beignets aux genoux, comme on les appelait à l’époque, c’est une tradition. Je me souviens qu’en apprentissage, je commençais à 8 h 30, je finissais à 16 h… Dans les années 1970, on faisait 1200 pièces par jour!» Si ce n’est que cette tradition de beignets disparaît, gentiment mais sûrement. «Certains en font encore, mais tout est question de temps. En une demi-heure, j’ai la même quantité de cuisses-dames qu’en deux heures de travail pour des merveilles. Je ne pense pas que cela soit rentable, révèle Pascal Dominé. J’en ai eu fait, mais désormais je ne propose plus que les cuisses-dames. Avant, j’en produisais 60 par jour, maintenant un peu moins. Car en plus de cela, il faut que la clientèle achète, sinon ces legs du passé se perdent.»
La merveille, gourmandise très délicate, se déguste en apéritif ou, saupoudrée de sucre blanc, en goûter.
Espérons que les clients du Moulin seront interloqués, alléchés et prêts à débourser quelques francs, car en ce mercredi aprèsmidi, les deux artisans ne chôment pas pour réaliser ces beaux articles de carnaval. Tandis que les heures défilent, les beignets se façonnent les uns après les autres, passent à la friteuse – une à une avec délicatesse pour les merveilles, en vrac pour le reste –, refroidissent gentiment puis se revêtent, pour certains, de sucre glace. Quelques différences de taille se remarquent, quelques défauts également, la réalité du fait maison. Ce qui n’altérera en rien le goût de ces beignets «qui n’ont vraiment rien à voir avec ce que l’on trouve en magasin! », que l’on dégustera si possible durant un mois seulement, en se réjouissant déjà des prochains carnavals.
Comparaison: prix ou qualité ?
«Je m’étais amusé à calculer le prix réel à la pièce: ça me revenait à environ 4 francs. Qui va m’acheter une merveille à ce tarif-là? Je les vends 1 fr. 30 l’unité, même si c’est à perte, et je continue à les faire car j’en ai envie. Mais comment voulez-vous être concurrentiel avec une grande surface?», souligne Fabien Jobé, artisan boulanger à Courfaivre (JU). En les ramenant à la pièce, celles de Migros, Coop et Manor reviennent à 48 ct. pour la moins chère, 82 ct. pour la plus luxueuse. La version «crock & go» vendue chez Coop s’élève tout de même à 1 fr. 95, soit l’équivalent en grammes de deux merveilles et quelques.
Les cuisses-dames, quant à elles, varient entre 30 ct. et 56 ct. la pièce, alors qu’en boulangerie, Fabien Jobé les vend 1 fr. 60. «Mais avez-vous vu le prix du beurre?» Car oui, il est aussi question d’ingrédients. Alors que le boulanger emploie un maximum de produits nobles, de surcroît locaux, en lisant les étiquettes des emballages de grande distribution, on découvre plutôt des oeufs de poule en poudre, de l’huile ou de la margarine, voire de la graisse de palme, des arômes et des conservateurs. «Et ils usent de diverses substances pour que cela ne casse pas, car ce n’est pas vendeur. Ici, comme nous n’utilisons pas les mêmes denrées que l’industrie, des fois, ça pète!» A vrai dire, une merveille artisanale, même en miettes, fait tout autant le bonheur des gourmands, non?
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