9.7.2024, Sandra Imsand / Photos: Jean-Luc Barmaverain
Derrière les grandes moyennes, les données de la FRC ont permis d’esquisser des astuces bon marché. Décryptage.
La FRC a enquêté sur le terrain, visitant 62 points de vente romands pour y relever les prix des pommes, carottes et pommes de terre bio. Au-delà des chiffres, nos conseils avantageux.
Sortir de l’axe lémanique | Les graphiques ne permettent pas de s’en rendre compte, mais les prix pratiqués dans les villes sont plus élevés que dans les points de vente ruraux. Une tendance confirmée dans les recommandations de prix de la vente directe édictées par BioSuisse, qui parle de «la disposition à payer de la clientèle cible, qui est la plupart du temps plus élevée en milieu urbain». Ainsi, les habitants de la campagne auront plus de chances de trouver des prix plus bas que ceux des centres urbains.
La tendance se vérifie dans tout l’Arc lémanique, plus onéreux dans nos relevés qu’ailleurs en Suisse romande. Cette région, plus densément peuplée, bénéficie donc de prix moins favorables dans les circuits courts. Urs Gfeller estime qu’«une bonne part du prix est psychologique. Plus une localité est rurale, plus les habitants auront leur propre jardin potager.» Ils seront moins enclins à payer les produits issus du maraîchage à prix fort.
Miser sur les grandes quantités | Il n’est pas rare de trouver chez les producteurs des légumes en très gros conditionnements: 5, 10 voire 20 kg. Avec des prix au kilo dégressifs. Ainsi, nos relevés d’avril montrent dans un marché à la ferme vaudois un sac de 10 kg de pommes de terre à 9 fr., soit 90 ct. le kilo, ou dans un self-service paysan, un sac de 25 kg vendu 13 fr. 50, soit 54 ct. le kilo. Des prix totalement imbattables!
Les producteurs interrogés offrent également des rabais à des clients qui viendraient leur acheter plusieurs caisses de légumes à la fois. «Les achats en grandes quantités nous évitent des frais, par exemple en emballage, et un gain de temps», explique l’un d’eux. Une économie que le producteur reporte sur le prix final.
Mais tout le monde n’a pas l’utilité d’autant de marchandises. C’est pourquoi l’achat groupé entre particuliers peut représenter un avantage. L’entreposage des légumes de garde est également clé. Les produits doivent être non lavés, conservés dans le noir et il faut veiller à ne pas perdre l’humidité présente naturellement. Les déposer dans un sac non poreux mais pas hermétique permettra à ces produits vivants de se conserver plus longtemps. Un entreposage à 0 °C est idéal pour les carottes, à 3-4 °C pour les pommes, tandis que les pommes de terre ne doivent pas descendre sous le seuil des 6 °C, pour éviter que l’amidon ne se transforme en sucre. Une autre solution consiste à creuser un trou suffisamment profond dans la terre (30 à 50 cm), et à y enterrer les légumes afin de pouvoir les garder tout l’hiver.
Prendre des légumes de garde | En juillet, plusieurs producteurs proposaient aussi bien des produits de garde que les primeurs. Les deux catégories étant proposées à des prix différents. Ainsi, des pommes de terre de garde se vendaient 2 fr. 50 le kilo contre 3 fr. 80 celles de la nouvelle production chez un maraîcher valaisan.
Des différences de 1 fr. à 2 fr. 25 ont été relevées ailleurs. Selon le menu prévu, se tourner vers l’ancienne production et ainsi obtenir des prix similaires, voire plus bas que ceux observés en supermarché à la même période, est avantageux.
Valoriser l’entier de la production | L’Union maraîchère de Genève (UMG) a trouvé une solution originale pour valoriser le 2e choix, le hors calibre ou les surplus de maraîchage: l’ouverture de magasins pour le grand public. De par son fonctionnement, la coopérative est l’unique canal de distribution des maraîchers du canton qui en sont membres et lui livrent l’entier de leur production. L’UMG négocie ensuite avec la grande distribution, les grossistes ou les marchés de gros afin d’obtenir les meilleurs prix possible. Mais toute une catégorie de fruits et légumes reste sur le carreau. C’est pourquoi l’UMG a ouvert des magasins qui permettent de les vendre directement au consommateur. Les enseignes des Pâquis et de Carouge pratiquent la vente à l’unité, sur un fonctionnement de magasin standard, tandis que celle de Perly reçoit les fruits et légumes de 2e choix et fonctionne avec un système de cageot (facturé à un forfait de 18 à 38 fr. selon la taille), que le client peut remplir à sa guise. «Ce magasin est prévu pour écouler du volume, explique Xavier Patry, directeur de l’UMG. L’adresse n’est que difficilement accessible en transports publics, nous encourageons ainsi le client à venir le moins possible, mais à emporter beaucoup de marchandises.» Un très bon plan pour acheter du frais et du local. Mais, selon le directeur, la question du prix bas n’est pas la préoccupation première de la clientèle. Les notions de terroir, proximité, saisonnalité et vrac sont plus importantes. Cette initiative, ainsi que le fait de transformer directement certains produits en jus, sauces et soupes ou de travailler avec la banque alimentaire du canton, permet d’éviter de jeter au compost des denrées parfaitement bonnes. Et les revenus tirés de ces activités rémunèrent les producteurs.
Inverser les marges chez les magasins coopératifs | Les épiceries coopératives ont un modèle intéressant, car il offre une grande transparence dans les marges et fonctionne sur la solidarité. À Saint-Blaise (NE), Chez Emmy a ouvert ses portes en mai 2019 et compte désormais 190 ménages coopérateurs qui ont chacun souscrit une part sociale de 200 fr. Cette adhésion leur permet de faire leurs achats dans l’épicerie. Ils s’engagent par ailleurs à fournir trois heures de travail par mois, effectuables dans des domaines aussi différents que les commandes, la mise en rayonnage, l’entretien, la communication ou les finances. Quelque 600 produits sont proposés, de quoi couvrir presque l’entier des besoins quotidiens. «Nous avons fait le choix de vendre des bananes, un fruit très consommé en Suisse. Si nous n’en vendons pas, les gens iront les acheter chez Coop et finiront par faire leurs courses là-bas», explique Mark Haltmeier, cofondateur et membre du comité. Chez Emmy appliquait à ses débuts une marge de 20% sur ses produits pour couvrir ses frais et le loyer. Avec le succès, l’épicerie a décidé de baisser la marge à 10% pour les produits qui proviennent d’un rayon de 25-30 kilomètres. Depuis 2023, la coopérative a également créé «Les Jardins d’Emmy», un projet de micromaraîchage qui approvisionne l’épicerie (5 tonnes de légumes l’an dernier). Pour ces produits, les prix sont calqués sur ceux du Marché paysan, parfois légèrement au-dessus, parfois légèrement au-dessous de ceux de la grande distribution, et aucune marge n’est appliquée. Jamais à court d’idées, les coopérateurs ont lancé en début d’année l’abonnement solidaire. Le principe: ils paient un forfait annuel en fonction de leurs revenus (de 50 à 750 francs selon une grille indicative) et profitent ainsi d’un rabais de 40% sur les produits des Jardins d’Emmy. Ce qui amène à des tarifs complètement imbattables. Par exemple, la botte de carottes primeur était ainsi disponible mi-juin à 2 fr. 47 au lieu de 4 fr.11!